Art et sciences cognitives -nouvelles perspectives - Société Française d'Esthétique
Article Dans Une Revue LINKs series Année : 2023

Art et sciences cognitives -nouvelles perspectives

Résumé

Les études des processus cognitifs œuvrant en toile de fond des pratiques artistiques accompagnent les sciences cognitives dès le début. Portées récemment à l'état de maturation, elles sont en train d'accuser un tournant décisif que nous tâchons de définir dans cette revue. La théorie de l'externalisation des organes cognitifs, centraux et périphériques, sous forme de corpus des faits esthétiques, constitue un apport original de l'art à la compréhension de la cognition sociale. Prolégomènes Cet essai synthétique passe d'abord en revue les contributions des sciences cognitives à l'esthétique et à la compréhension des pratiques artistiques. Certains fondateurs des sciences cognitives (Gibson, Arnheim) étaient de fins connaisseurs de l'art et en tiraient littéralement l'inspiration pour leurs recherches en cognition et perception. De là vient la porosité entre ces disciplines et l'éclairage réciproque dont bénéficient certains objets neurophysiologiques (neurones miroirs et autres « résonateurs ») et processus cognitifs (arousal : états de l'éveil sensoriel ; curiosity : curiosité primale). Mais cette concomitance des évolutions de l'esthétique « naturalisée » ou encore « scientifique » et des sciences cognitives, aux vues d'un certain nombre de faits expérimentaux et de nouvelles constructions théoriques est en train d'accuser un tournant. Premièrement il s'agit de jeter les ponts interdisciplinaires entre l'art, la culture et les médias de manière à pouvoir éclairer ces domaines des récents résultats, notamment sur les rapports généalogiques entre les protolangages multisensoriels, le langage vocal articulé et les médias post-langagiers, et ceci dans l'optique de la neurophysiologie des comportements culturels des animaux ainsi qu'à l'aune de la découverte des mécanismes de l'implémentation cérébrale du premier média post-langagier, l'écriture alphabétique. En ressort une nouvelle vision des rapports entre la génétique, l'épigénétique et la propagation sociale et transgénérationnelle dans le domaine des comportements esthétiques. On établit aussi le parallélisme entre l'évolution des capacités médiales de l'Humain et l'évolution des dispositifs technologiques informatiques où s'impose la tendance à la ré-analogisation des périphériques d'entrée et de sortie d'information face à la complexification des strates supérieures des unités logico-algébriques. Ce parallélisme peut être affirmé par la distinction, chez l'Humain, de deux classes d'influx nerveux, a-topiques et topiques, à la jonction desquels s'articulent différents types de cognition, sans qu'un déterminisme confortable pour le sujet puisse légiférer sur ses stratégies comportementales face à l'infinie complexité et l'imprévisible événementialité du milieu naturel. L'hypothèse de l'externalisation du substrat neural du cerveau et de ses circuits sensoriels dans le substrat des produits culturels et spécialement esthétiques peut dès lors être avancée. La théorie de l'autonomie du substrat neuro-environnemental de l'art autorise des perspectives particulièrement intéressantes sur le champ de la cognition sociale. Les pratiques coercitives exercées par le système des beaux-arts instauré au milieu du XVIII ème siècle dans les pays européens et occidentalisés ont biaisé durablement non seulement le système philosophique dominant en esthétique, en l'occurrence le kantisme, mais aussi toute la cognition sociale exprimable en termes de doxa esthétique commune. La théorie de l'externalisation permet alors de revenir sur le tissu du trésor artistique accumulé par des populations. Elle permet d'y voir, à la place de la critique génétique caractéristique de notre aire culturelle, les lignes de tension, la structuration et la sédimentation fonctionnelle du substrat neuroenvironnemental de l'art qui bien qu'étant l'émanation du cerveau humain devient, grâce à son autonomie évolutive, un appui de la cognition sociale. Il jouerait le rôle de stabilisateur envers des formations neuronales adhoc et prendrait en charge une partie du phénomène de synchronisation des circuits cérébraux et perceptifs induit par la pratique active et passive de l'art.
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Dates et versions

hal-03967867 , version 1 (01-02-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03967867 , version 1

Citer

Marcin Sobieszczanski. Art et sciences cognitives -nouvelles perspectives. LINKs series, 2023. ⟨hal-03967867⟩
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