Le travail de rédaction d'un rapport d'évaluation environnementale : entre mise en scène de savoirs et mise en forme de normes - Université de Lille
Communication Dans Un Congrès Année : 2012

Le travail de rédaction d'un rapport d'évaluation environnementale : entre mise en scène de savoirs et mise en forme de normes

Résumé

The drafting of an environmental assessment report : knowing in practice and shaping norms

Communication Objective
In the context of this communication, we will focus on the writing an environmental assessment report (or audit report) in a firm specializing in environmental management, industrial hygiene, and environmental engineering. Knowing how to draft this type of document is a skill that is developed through practice. It is also a skill that develops in a context (organizational, relational, and material), which involves rules, norms, established practices and which is ultimately accomplished over the course of materially and socially entrenched activities. Our goal is to describe in detail the interactional mechanisms that generate the development of practical knowledge, in this case the writing of an environmental assessment report.

Communication and organizational knowing: a few theoretical elements
We will approach the development of this knowing from the basis of work grouped under the term "Practice-Based Studies" (Charreire-Petit and Huault, 2008; Corradi et al., 2010; Nicolini, 2010). The researchers identified with this approach pay particular attention to the emerging nature of knowing in order to identify their embodiment in speech, their inscription into the artifacts, and their stabilization in practices (Nicolini et al., 2003; Svabo, 2009). By subscribing to both the extension of "Practice-Based Studies" and the work resulting from the "Communicative Constitution of Organization" approach, (Putnam and Nicoreta, 2009) we integrate a communicative dimension to the study of knowing created in an organizational context. The communication is approached as a process whereby individuals, through their interactions, constitute a material and social reality that they negotiate, structure, and share. This way of thinking of communication is compatible with a practical epistemology, such as that adopted by researchers associated with "Practice-Based Studies," while also allowing the addition of a communicative dimension which remains relatively unexplored in the literature to date (Canary and McPhee, 2010). Based on these two sources, we will look at the creation of knowing as: 1) situated in a universe of practices thus related to material and social circumstances in which they are actualized, 2) distributed across various human and non-human entities and, 3) formed through the interaction.

Methodology
In the context of this research, we have adopted an ethnographic approach in order to observe the actors in action. We observed a work session between a certified consultant and a novice consultant, whose method of drafting environmental assessment reports is more recently acquired. This session was filmed and recorded in order to analyze the interactional dynamics of the production of a report. This observation was supplemented by interviews with the consultants involved, and the analysis of documents produced before, during, and after the work session. The recorded exchange was transcribed in an attempt to better account for both the words and actions (gestures, manipulation of objects, and inscriptions) which occurred throughout the exchange. Our analytical method, while focusing on the conversational sequencing, tends to also account for the manipulation of objects (Brassac et al., 2008; Iedema, 2007).

Empirical elements and a few conclusive lessons
In the present case, the client is a Canadian association who commissions the firm of consultants to carry out an environmental assessment of a waste treatment center. In fact, the waste treatment center affiliated with the association is required to undergo an evaluation process on a regular basis to keep its accreditation. To obtain this accreditation, it is committed to protecting the environment by adopting principles of management which are considered to be responsible. This forces the center of waste management to take preventive measures to protect health and the environment. One of the consultants' duties is thus to provide the association with a comprehensive report and comment the health status of a particular natural area. This task requires a particular expertise to identify, prioritize, combine, and organize a variety of qualitative and quantitative data on the bio-physico-chemical and environmental properties of a given territory. It also requires editorial expertise to allow the client to navigate through agglomerates of numerical values, including annexes, enumerated in the more 'written' texts and documents (regulations, protocols, or other administrative documents). The overall analysis of the working session between the two consultants is used to identify several episodes supporting the development of editorial knowledge in action. This knowledge is co-developed throughout the meeting, and is embodied in the inscriptions, annotations, narratives, rules, and decisions of actions. However, this area of work and discussion surrounding the creation of the report also proves to be both a staging area of the contractual relationship between the Canadian association and the consulting firm, and a space within which norms of writing emerge and are negotiated.
Dans le cadre de cette communication, nous porterons notre attention sur l'écriture d'un rapport d'évaluation environnementale dans une firme d'experts-conseils spécialisée en gestion environnementale, hygiène industrielle et ingénierie environnementale. Savoir comment rédiger ce type de document est une compétence qui se construit dans et à travers l'action. C'est aussi une compétence qui s'inscrit dans un contexte (organisationnel, relationnel et matériel), qui mobilise des règles, des normes, des pratiques établies et enfin qui s'accomplit au cours d'activités quotidiennes matériellement et socialement ancrées. Notre objectif est de décrire finement les mécanismes interactionnels qui engendrent l'élaboration d'un savoir pratique, en l'occurrence la rédaction d'un rapport d'évaluation environnementale.

Communication et savoirs organisationnels : quelques éléments théoriques
Nous approcherons la formation de ce type de savoir en prenant appui sur les travaux regroupés sous le terme de " Practice-Based Studies " (Charreire-Petit et Huault, 2008; Corradi et al., 2010 ; Nicolini, 2010). Les chercheurs identifiés à cette approche portent une attention particulière au caractère émergent des savoirs afin d'en identifier leur incarnation dans des discours, leur inscription dans des artefacts, leur stabilisation dans des pratiques (Nicolini et al., 2003 ; Svabo, 2009). En nous inscrivant à la fois dans le prolongement des " Practice-Based Studies " et des travaux découlant de l'approche nommée " Communicative Constitution of Organization " (Putnam et Nicoreta, 2009), nous intégrons une dimension communicationnelle à l'étude des savoirs créés en contexte organisationnel. La communication est abordée comme un processus par lequel les individus par leurs interactions constituent une réalité matérielle et sociale qu'ils négocient, qu'ils structurent et qu'ils partagent. Cette manière de penser la communication est compatible avec une épistémologie pratique, comme celle adoptée par les chercheurs associés aux " Practice-Based Studies ", tout en permettant d'y ajouter une dimension communicationnelle qui demeure peu explorée à ce jour au sein de cette littérature (Canary et McPhee, 2010). À partir de ces deux littératures, nous offrirons un regard sur la constitution de savoirs organisationnels comme : 1) situés dans un univers de pratiques donc liés aux circonstances matérielles et sociales dans lesquelles ils sont actualisés; 2) distribués sur diverses entités humaines ou non; 3) constitués en interaction à travers des pratiques langagières et non langagières.

Méthodologie
Dans le cadre de cette recherche, nous avons adopté une démarche ethnographique afin d'observer les acteurs dans le cours d'action. Nous avons procédé à l'observation d'une séance de travail réunissant une consultante confirmée et un consultant plus novice, dont la pratique de rédaction de rapports d'évaluation environnementale est plus récente. Cette séance de travail a été filmée et enregistrée afin d'analyser la dynamique interactionnelle soutenant le processus de production d'un rapport. Cette observation a été complétée par des entretiens avec les consultants impliqués dans le projet et par l'analyse des documents produits avant, pendant et après la séance de travail. L'échange enregistré a été transcrit en tentant au mieux de prendre en compte à la fois les dires et les faires (gestes, manipulation d'objets, inscriptions) s'accomplissant au cours de l'échange. Notre méthode d'analyse tout en prenant pour objet l'enchaînement conversationnel tend à rendre compte de la manipulation des objets (Brassac et al., 2008; Iedema, 2007).Éléments empiriques et quelques leçons conclusivesDans le cas qui nous occupe dans cette communication, le client est un commanditaire canadien qui donne le mandat à la firme d'experts-conseils de réaliser une évaluation environnementale d'un centre de traitement des déchets. En fait, le centre de traitement des déchets affilié au commanditaire doit se soumettre à un processus d'évaluation régulièrement pour garder son accréditation. Pour obtenir cette accréditation, il s'engage à protéger l'environnement en adoptant des principes de gestion dite responsable. Cela oblige le centre de traitement des déchets à prendre des mesures préventives afin de protéger la santé et l'environnement. Une des tâches des consultants est donc de fournir au commanditaire un rapport exhaustif et commenté de l'état sanitaire d'un espace naturel donné. Cette tâche nécessite une expertise particulière permettant de relever, de hiérarchiser, de combiner et d'organiser tout un ensemble de données qualitatives et quantitatives relatives aux propriétés bio-physico-chimiques et environnementales d'un territoire, mais également un savoir rédactionnel permettant au client de pouvoir naviguer dans ces agglomérats de valeurs chiffrées, annexes incluses, articulées à des textes et documents plus 'écrits' (réglementations, protocoles ou autres documents administratifs). L'analyse globale de la séance de travail entre les deux consultants permet d'identifier plusieurs épisodes soutenant l'élaboration dans l'action de savoirs. Ces savoirs sont co-élaborés au cours de la rencontre, et sont matérialisés dans des inscriptions, des annotations, des narrations, des règles, des décisions d'actions. Cependant, cet espace de travail et de discussion autour de la réalisation du rapport se révèle aussi être à la fois un espace de mise en scène des relations contractuelles entre le commanditaire et la firme d'experts-conseils; et un espace au sein duquel émergent et sont négociées des normes d'écriture et des normes de travail.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-00840378 , version 1 (02-07-2013)

Identifiants

  • HAL Id : hal-00840378 , version 1

Citer

Sylvie Grosjean, Luc Bonneville. Le travail de rédaction d'un rapport d'évaluation environnementale : entre mise en scène de savoirs et mise en forme de normes. Communiquer dans un monde de normes. L'information et la communication dans les enjeux contemporains de la " mondialisation "., Mar 2012, France. ⟨hal-00840378⟩

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