L’automne proustien : regards sur le temps
Résumé
Rapportée au temps, l’ambition de Proust est stupéfiante : l’expérience du temps –
des temps enchevêtrés – est confiée à une conscience seule ; cette conscience est d’autant plus
seule qu’elle ne peut guère prétendre avoir éprouvé la réalité de l’histoire. Proust n’est pas
Chateaubriand : ni lui ni son héros ne sont des hommes d’action, des voyageurs ; l’immense
question sociale les laisse à peu près indifférents. L’engagement pour Dreyfus n’a duré que le
temps de l’Affaire. Mondain, amoureux, esthète : c’est à cette personnalité un peu creuse, à cet
oisif presque dépourvu de conscience historique, qu’échoit la tâche prométhéenne
d’appréhender et de dire ce qu’est le temps. Pour cela, le héros de La Recherche ne dispose que
de sa sensibilité et de son intelligence : autrement dit, de sa capacité de lire, d’analyser les
« signes des temps » qu’une existence banale porte au-devant de lui. L’automne est l’un de ces
signes. Beaucoup plus qu’un élégiaque, Proust est un analyste. Son rapport à l’automne n’est
pas comparable à celui d’Apollinaire, à qui l’automne s’offre comme une « saison mentale ».
Pour Proust, l’automne est l’une des formes par lesquelles le temps se manifeste à la conscience.
Cette saison offre un point de vue sur le temps ; une perspective à partir de laquelle le temps
révèle quelques-uns de ses caractères propres. Lesquels ? L’automne proustien sera
successivement placé sous le signe de la météorologie, de la mondanité, de l’esthétique
(couleurs et lumières de l’automne) avant d’être mis en relation avec l’humeur et la
psychologie. L’automne n’est-elle pas par excellence la saison qui invite à réfléchir sur le
temps ?
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)