«. Unités-dédiées, ». , and «. Upra, Lynn : « Il encaisse bien, mais c'est peut-être à voir du côté de l'immaturité aussi ». -Valentine : « Et s'il y a des troubles psychotiques, il peut développer des niveaux de compétences différents en fonction des domaines ». -Directeur pénitentiaire : « C'est ce que je dis : il nous mène en bateau. Il y a une dichotomie entre ce qu'il nous renvoie et ce qui se passe avec lui, Le débat se poursuit : le détenu en question est-il un individu fortement influençable et peu radicalisé ou, au contraire, capable de fomenter d'importants projets terroristes tout en dissimulant ? -CPIP : « [Lors des faits

C. Dans-ce, S'ils se comportent sans signe de « déviance » apparent, ce sont au mieux des dissimulateurs qu'il faut démasquer, au pire des individus ayant développé des stratégies sophistiquées de taquiya aux côtés de Daech, avant leur retour de Syrie. « Est-ce que tu es toi-même, ici, au QER ? -Non. Impossible. Si je veux être moi-même, j'ai l'impression qu'ils vont croire que je ruse. Quand je me vois dans le miroir, je ne vois plus qu'un menteur. Ça fait mal, les détenus se sentent souvent eux aussi piégés. S'ils se comportent mal, ou s'ils donnent des signes de radicalisation, c'est qu'ils sont radicalisés

«. Pour-la-pénitentiaire, Si je suis arrivé à dissimuler pendant plus d'un an et demi, donnez-moi

, ne serait-ce que pour se « changer les idées », « sortir un peu » de cellule, « discuter d'autres choses », ou au contraire « donner à voir » leur affaire sous un jour différent, et, d'autre part, la conscience des risques inhérents à l'évaluation. « Être soi-même », dans ce cadre, constitue peut-être un pari risqué, mais revendiqué par certains : « Moi, je n'ai rien à cacher. Je suis moi-même en entretien. Je raconte mon histoire, sans "mytho". Après, je compte sur leur confiance? Parfois, je sens qu'ils doutent. Je te parle des éducs et des psy, hein, parce que les surveillants, ils doutent tout le temps de notre sincérité, c'est leur boulot, Une partie significative des détenus que nous avons interviewés oscille entre, d'une part, la volonté de rencontrer les personnels CPIP et binômes

, Engrenages"? Et j'ai regardé "The State", c'est sur l'État islamique. J'ai regardé deux épisodes. Mais quand la série est passée, ils m'ont dit : "Vous regardez des séries terroristes". Ils veulent me faire des histoires pour rien. Heureusement, ce n'était que deux épisodes, Cette volonté affichée d'être sincère et authentique se heurte néanmoins au fonctionnement structurel du QER

, Tout ce que je fais est sujet à interprétation. Si je cours en promenade, c'est que je me prépare au combat. Si je nettoie ma cellule, c'est que je suis un radicalisé en puissance, à la recherche de pureté, « On ne peut pas rester naturel quand on est observé H24

, On connaît le QDV ». Un consultant soutient l'éducateur : « Sur la vulnérabilité et le fait qu'il faut l'éloigner des TIS, je suis d'accord. S'il est fragile, ça veut dire que l'on peut le récupérer. Un lavage de cerveau à l'envers est possible ». Le directeur de bâtiment, conscient de l'avancée de la réunion et du temps nécessairement limité, s'exprime : « Si l'on suit monsieur [le consultant], ce serait plutôt le QI, en envoyant des signes de radicalisation ou qui pourraient être interprétés comme tels, génère parfois des conversations sur la nécessaire adaptation au dispositif

, Rapidement est évoquée une « erreur de casting », expression qui suggère que ne devraient être affectés au QER uniquement des détenus radicalisés, et non des détenus dont l'évaluation devrait montrer ou pas s'ils le sont? Malgré ce consensus, il est impossible aux membres de la CPU de collectivement déclarer cette personne comme ne faisant plus partie des individus potentiellement dangereux : Lors d'une CPU, le cas de Youri est évoqué : un détenu tchétchène sur lequel l'ensemble des professionnels s'accorde sur son très faible, voire inexistant, degré de radicalisation et son détachement vis-à-vis de toute idéologie radicale. Face à ce consensus, un haut cadre pénitentiaire -exceptionnellement présent à la réunion -pose la question : « N'est-ce pas une, Pour saisir l'effet de rupture qui se joue parfois entre les synthèses individuelles et la synthèse globale, l'interaction en CPU suivante est éclairante

. Lors-d'une-cpu-suivante and Y. Le-directeur-de-bâtiment-présente-le-cas-de, On a dit que c'était une erreur de casting, mais c'est à cela que doit également servir le QER : on peut très bien estimer qu'il n'est pas du tout radicalisé et préconiser une détention ordinaire, p.36

C. Lors-de-la-dernière and L. Détenu-qui-avait-jusque-là-bénéficié-d'une-certaine-clémence, voit son sort s'assombrir, suite à trois remarques de personnes n'ayant pas rencontré le détenu : -Directeur d'établissement : « Il fait quand même partie d'une filière tchétchène bien ancrée. Moi, je dis qu'il faut s'en méfier ». -Officier aux renseignements pénitentiaires : « Il n'est pas tout rose, Il sort dans un an et demi

, DPIP : « Oui, enfin, tu as dit combattant. Donc, c'est bon, on peut dire que c'est un combattant ! ». -Psychologue : « Non, un sportif professionnel. Donc, il a le mental. Il peut s'adapter? ». -Officier aux renseignements pénitentiaires : « Il veut s'adapter, Ces dernières assertions, arrivant en fin de processus évaluatif et soutenues par des personnels de haute hiérarchie, sont autant de poids, voire d'avertissements, pour les professionnels en charge de -Directeur pénitentiaire : « Moi

. Le, Très bien

L. Dominante, au travers de ces deux derniers extraits, peut se résumer simplement : au stade de la synthèse, un faux-positif vaux mieux qu'un faux-négatif. « On ne peut pas se permettre de prendre le moindre risque », nous dit un directeur. La fin de l'évaluation accompagne, dans cette logique, un processus de durcissement de la pensée et de radicalisation du propos. Les professionnels en charge de l'évaluation n'en sont souvent pas dupes

, Donc il faut aussi que ça ne soit pas contre-productif. Mais ce qui de toute façon sera nécessaire d'expliquer. Si je tiens la position de dire : "il faut l'isoler", il faut que je sois en capacité de l'expliquer à l'équipe. Enfin, il ne faut pas que je sois en capacité, il faut que je l'explique à l'équipe et qu'elle comprenne que ce n'est pas le directeur du SPIP qui prend position, mais que c'est le représentant de l'administration pénitentiaire. Et c'est pour ça que ça prend du temps

S. , On ne peut pas faire des paris. De se dire : "si, on va parier sur lui, on va lui faire confiance, il dit qu'il a envie de changer, on va lui faire confiance, mais on a quand même des doutes

«. Il-y-a-un-risque-À-le-mettre-en-détention-ordinaire and . Mais-c'est-compliqué-de-peser-ce-risque, On sent qu'il y a peut-être une brèche, mais peut-être qui nous a? enfin deux mois c'est court ! Est-ce que le risque encouru, qui est qu'il continue à faire du prosélytisme, qu'il se soit foutu de notre gueule? Est-ce que le fait qu'on pense qu'il y a peut-être une ouverture mérite que l'on prenne ce risque ? C'est de peser le risque en fait, c'est ça qui

, Je suis aussi souvent directement contacté par des procureurs

, Si quelques professionnels ajustent leur manière d'écrire -en soignant la forme, en évitant les risques d'interprétation ou en insistant sur le caractère situé de l'évaluation -, d'autres, réaffirmant par là le noyau dur de leur identité professionnelle, affirment « travailler pour le patient » et non « pour l'institution », et tentent tant bien que mal de défendre l

«. Dès-la-première-session, Q. Eu-un-Écrit-À-remettre-au-juge.-c'est-venu-mettre-le-feu-aux-problèmes-d'équipe-qui, and . Déjà, Pour moi, ça a toujours été clair que la synthèse [d'évaluation] serait placée au dossier et deviendrait une pièce judiciaire. On peut écrire ce que l'on veut, mais ça dépend surtout de ce que l'on veut écrire. Dans tous les cas, je ne réponds pas à la question de la dangerosité et je travaille en fonction de la personne

. L'utilisation-des-Évaluations and . Dans-le-cadre-judiciaire, L'énorme majorité des détenus affectés au QER sont en détention préventive, quelques-uns sont en appel, et une petite minorité est condamnée définitivement. Un officier, soulignant cette réalité, évoque l'impact du QER sur les trajectoires pénales des détenus placés en évaluation. Pour lui, cette utilisation hors des murs de l'administration pénitentiaire ouvre une véritable question, en ce sens qu'elle dépasse le cadre initialement posé : « Au départ, le QER était un outil d'évaluation strictement pénitentiaire, mais il y a longtemps que ce cadre est dépassé

, une cadre nous évoque la complexité de l'implication des professionnels face à des personnes prévenues : « Quand on a une personne prévenue, comment est-ce qu'on gère ça ? À un moment donné, même nous, en termes de positionnement, de dire que la personne est dans le déni? et notamment, les psychologues sont très à cheval là-dessus en disant : "Non, non, on ne peut pas parler de déni, ce n'est pas du déni, les faits n'ont pas été avérés donc on ne peut pas". C'est très compliqué. Il faudrait que l'administration développe, je pense, une doctrine à cet égard-là

, Prenons quelques exemples, présentés ici sous forme d'extraits d'entretiens agencés en doublons où détenus et professionnels se répondent. Ce choix rédactionnel permet d'illustrer le consensus des acteurs de terrain autour de cet effet de renforcement du stigmate

«. Le and Q. , Mais c'est contre-productif pour la sécurité de l'État. La pénitentiaire se protège en mettant en place des choses. Mais elle sait qu'elle alimente les réseaux terroristes

«. Maintenant, Je vais me prendre une peine en fonction de la case dans laquelle on m'a mis. C'est comme ça. Je vais encaisser, Le juge des libertés m'a dit

. La, c'est pour créer des monstres. La voie de la vengeance est la plus simple. Hamdoullilah, j'ai du recul. J'ai de la colère mais je ne vais pas me venger. Mais c'est pourtant la voie la plus simple?

, Si les propos ci-dessus sont quelque peu mesurés, d'autres détenus et d'autres professionnels vont plus loin, en décrivant un mécanisme d'alimentation de l'opposition au système et de la méfiance collective

, Après l'unité pour "terro" de Tabot, j'ai été envoyé

, On m'a demandé d'aller signer un papier au greffe et là : transfert surprise. On m'a plaqué au mur pour me mettre les menottes et j'ai été transféré ici. (?) Et encore, j'ai de la pudeur quand je parle. Prison, éloignement, humiliations, secousses quotidiennes? Il [le détenu] va se convaincre. S'il n'était pas convaincu, il va le devenir, croyez-moi, J'étais en détention ordinaire pendant quelques mois. En promenade, je voyais des gens, j'ai pu discuter normalement? Cette détention m'a redonné le goût du monde

«. Moi, Certains d'entre eux, on est en train de les catégoriser, d'en faire des combattants parce que l'institution veut montrer qu'ils sont dangereux

, Le mécanisme mis en place par la prison dans la gestion des détenus « radicalisés » alimenterait la haine et, par extension

«. Si-un-jour, il y a un vrai groupe terroriste en France? parce que pour l'instant, ça vient de Belgique ou directement de Syrie? ça viendra des prisons. Leur soi-disant solution

, Et la prison, c'est connu, tu rassembles les savoirs? Le braqueur qui est rentré en taule parce qu'il a foiré son coup, il va le réussir en sortant de prison. Pour les "terro", c'est pareil. Pour moi, il faudrait réinventer la manière de punir des gens. -Comment ? -Ce n'est pas à moi de le dire. J'ai mon opinion qui est liée à ma religion. Mais pour la France, c'est à elle de choisir. Pour le moment, l'attention est sur nous, mais c'est pareil pour les histoires de stup', de vol, tout ça, -Tu penses que les professionnels qui travaillent au QER : les surveillants, les éduc', les psys, les CPIP, l'imam?, ils se rendent compte de ça ? -Je pense, oui

«. Si and . De, est un gars qui n'est pas corrompu par l'idéologie de Daech. Il a voulu partir, mais il n'a jamais mis les pieds en Syrie. Il s'est laissé embrigader sur des réseaux sociaux et dans des mosquées clandestines, mais il n'est pas à fond dedans. Par contre, quand on voit la direction de l'évaluation, on le prend pour un grand idéologue qui voudrait combattre le système laïc. Uniquement parce qu'il refuse de se couper les cheveux et la barbe

, On est enfermés, c'est vrai. Il profite de cette situation et ce n'est pas lui qui devra subir les conséquences. On va ressortir à un moment donné

«. , La France essaie par tous les moyens que les djihadistes en Syrie ou ailleurs ne reviennent pas, et elle refuse de laisser partir ceux qui veulent partir. C'est paradoxal

, Toujours au travers de ce constat de raffermissement de l'opposition et d'altérisation, plusieurs professionnels montrent comment la religion peut être une ressource pour contrer

, On est en train de les traiter comme des? On les maltraite souvent pour leurs croyances, mais c'est aussi la religion qui les maintient calmes et posés dans leurs propos et dans leurs actions. Sans la religion, il y aurait beaucoup plus de violence

«. Avant, Mais j'ai découvert des sadiques. Ils sont en train de créer les personnes qui vont leur faire du mal. Ils créent la haine. -Qu'est ce qui te retient de faire une dinguerie du coup ? -J'ai confiance en Dieu. Un jour, la vérité éclatera. C'est la religion qui me fait tenir

. Dehors, C'est la prison qui m'a montré ma foi. J'ai tout commencé ici : prières, ablutions? -Et comment c'est interprété par ceux qui t'évaluent, ce changement ? -Je n'en ai rien à foutre de ce qu'ils pensent. Ça m'a ouvert les yeux. Moi, je sais que je ne suis pas radicalisé. J'ai une image négative du système, mais je le remercie de m'avoir ouvert les yeux. Ce qui est négatif, ça m'a permis d'être positif. Ils ont créé un vrai homme. Je ne les lâcherai pas. Jamais. Je veux montrer la réalité des choses? -Comment comptes-tu rendre légitime ta parole ? -Il suffit que je sorte mon dossier judiciaire. Ce n'est que du baratin. Ça va ouvrir les yeux à beaucoup de gens

, J'avais envie d'écrire mon histoire pour faire ouvrir les yeux des gens

C. Info, Il y a des questions auxquelles je ne réponds pas dans l'évaluation. Je ne réponds pas à la question de la dangerosité ou du risque de passage à l'acte. Il y a des éléments de réponse dans mes écrits, mais je ne veux pas y répondre directement. Je ne joue pas le jeu du renseignement. -Et ça vous est reproché ? -Je n'ai jamais eu aucun retour sur le fond de la part de ma hiérarchie, donc non. Ils n'y connaissent rien, Ce papa était radicalisé et il avait une esclave chez lui

, qui s'interrogent sur cette tension entre renseignement et évaluation, qui constitue sans doute l'aspect le plus contemporain du fonctionnement du dispositif : « Si le QER devient un lieu particulier de collecte, c'est vrai que ça peut? Je vois bien comment ça peut parasiter, notamment, le travail des CPIP et des binômes de soutien. Certains vont réagir négativement, Nombreux sont les professionnels

;. De-fait and . Prison, Dans un contexte de lutte antiterroriste et d'incarcération croissante de détenus poursuivis pour des faits liés au terrorisme, le rôle de la prison a rapidement été mis sur le devant de la scène, et ce de deux manières complémentaires ou contradictoires, selon le point de vue. En mettant en cause l'institution pénitentiaire et ses effets néfastes sur les individus dont elle a la charge, d'une part : « la prison constitue-t-elle une école de la radicalisation ? ». D'autre part, en interrogeant la capacité de l'administration pénitentiaire à s'adapter et à apporter des solutions à cette forme de criminalité à la fois croissante et spécifique : « comment la prison doit-elle identifier, gérer, et traiter des détenus "radicalisés" afin d'empêcher le prosélytisme, la commission d'attentats sur le sol français, et le renforcement des idéologies violentes en lien avec "l'islam radical" ? ». Diverses tentatives et expériences, telles que la mise en place d'une unité de prévention du prosélytisme à la maison d, l'évaluation et le renseignement s'influencent mutuellement. L'entrelacement du renseignement avec l'évaluation et, plus largement, sa montée en puissance (comme d'ailleurs plus généralement au sein de la DAP, voire hors du champ pénitentiaire)

, Faut-il les mettre à l'isolement, afin d'empêcher le prosélytisme, au risque d'attiser encore un peu plus leur « haine de la République » ? Faut-il les regrouper, afin là encore d'empêcher propagande et recrutement, au risque de renforcer leur sentiment d'appartenance à un groupe commun, aux liens, réseaux et idéologie collectivement renforcés ? Faut-il, à l'inverse, les disperser en détention ordinaire, et y assurer une prise en charge propice au désengagement violent? mais cette fois-ci au risque du prosélytisme ? Si l'administration pénitentiaire en est parvenue à ce que l'on pourrait décrire comme un « régime mixte » -disperser puis regrouper un nombre limité de détenus à des fins d'évaluation, pour les disperser à nouveau en détention ordinaire ou les regrouper dans des unités spécialisées -, ce n'est pas uniquement parce que, de fait, personne n'a de solution miracle à ces questions, ni que l'administration comme les responsables politiques semblent avoir été, cette double question a posé frontalement et rapidement un problème concret de gestion des individus et groupes concernés

». De-«-déradicalisation-»,-«-d'évaluation and . Renseignement, Une mission n'efface d'ailleurs pas entièrement l'autre, et il vaudrait peut-être mieux parler de superposition partielle que de substitution d'une mission à une autre. Notamment, nous avons pu analyser et décrire la permanence, au moins dans l'un des QER étudiés, de la volonté de certains acteurs de poursuivre leur mission de « désembrigadement », voire de « déradicalisation », notamment en déployant des ateliers de « contre-discours radical ». L'ouverture annoncée de nouveaux QER, de nouveaux « quartiers pour détenus violents » (QDV) et de nouveaux « quartiers de prise en charge de la radicalisation » (QPR), témoignent à la fois d'un perfectionnement du dispositif et de son déploiement sur l'ensemble du territoire. En ce sens, l'objectif de désengorgement de la direction interrégionale d'Île-de-France va progressivement, même si partiellement, être atteint. Mais elle donne également le sentiment d'un retour en arrière, vers ce qui constituait auparavant les « unités dédiées, dépendent des aléas politiques

, eux non plus, de construire un cadre d'action stabilisé et cohérent. Le recrutement progressif et parfois chaotique des « binômes de soutien » dès 2015, dans le cadre des missions de lutte contre la radicalisation violente, en appui des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation déjà en place, leur turn-over massif, leurs conditions statutaires précaires, leurs difficultés à se positionner, à défendre leur identité et leur compte tenu de l'état du parc pénitentiaire, des obligations judiciaires de chacun et des équilibres locaux dans chaque établissement ? Dans ce cadre, s'il est incontestable que certaines vocations sont propices au volontariat à l'attrait

. La-troisième-raison, plus insidieuse peut-être, est relative au cercle vicieux qui associe « sélection », « évaluation » et « préconisation ». Les détenus sont sélectionnés sur la base de leur profil pénal

, mais également le détenu lui-même, et replaçant symboliquement le travail d'évaluation dans le cadre plus large de la « prise en charge ». Pour autant, le faisceau conjoint d'observations menées par les surveillants, en lien ou pas avec le renseignement, et la logique d'absence de prise de risque qui préside aux préconisations finales, menacent toujours de « performer » l'individu dangereux, en ne retenant dans ce qui est observé que ce qui peut être interprété comme un élément qui confirme l'hypothèse principale. Cette dynamique est d'autant plus questionnable que : 1. les renseignements pénitentiaires, par leur action en amont et en aval du travail évaluatif, semblent renforcer la tendance, et 2., nombreux sont les détenus qui finissent par retourner le stigmate, en affirmant progressivement devenir ce que l'on dit qu'ils sont, Les professionnels tentent d'élaborer une évaluation « juste

, Combien de fois nous a-t-on dit, après l'attentat d'Osny, que les plus dangereux sont certainement ceux qui « n'en ont pas l'air » ? Par ailleurs, alors même que délégués locaux aux renseignements pénitentiaires que nous avons interviewés décrivent le QER comme un « mauvais outil de renseignement », car trop sécuritaire et ne laissant pas les détenus oeuvrer « naturellement », la mission de renseignement colonise progressivement l'ensemble du dispositif, si bien que certains autres professionnels en viennent à se

, L'entrelacement du renseignement avec l'évaluation est touffu, et, parallèlement, le renseignement poursuit son propre agenda, laissant parfois certains professionnels sceptiques quant à l'unilatéralisme de la circulation des informations

, Ce que ces critiques nous disent, c'est que le dispositif « QER » parle au-delà de lui-même, et interroge plus globalement la condition pénitentiaire contemporaine en France. D'abord, la crainte de la contagion prosélyte n'est qu'une forme accentuée d'une crainte pénitentiaire et sociale traditionnelle qui reproduit l'image souvent fondée de la prison comme « école du crime et fabrique de récidive ». Enfin, la recherche de la meilleure affectation possible du détenu à l'issue de son évaluation en QER dans un parc pénitentiaire surpeuplé n'est qu'une illustration archétypique d'un impératif de gestion des flux lorsque la coupe déborde. Enfin, l'oscillation entre, d'une part, la volonté de corriger les comportements idéologiques violents à travers une prise en charge individualisée et, d'autre part, une logique de gestion des risques et de la dangerosité qui place l, Ces critiques ne sont pas tant celles des chercheurs que celles des professionnels eux-mêmes avec qui nous avons réalisé nos entretiens et accompagné le travail au quotidien. Notre travail a consisté à récolter, analyser et comprendre des expériences et des pratiques, et à les mettre en perspective

, Comme toute recherche, celle-ci comporte des apports spécifiques, mais elle comporte également ses limites, qui ne demandent qu'à être repoussées grâce à de nouvelles enquêtes. D'abord, la poursuite de la démarche ethnographique serait hautement souhaitable. Il s'agirait notamment d'interroger le fonctionnement des nouveaux QER, des quartiers pour détenus violents (QDV) ou des futurs quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR), et leurs éventuelles articulations. Aussi, la problématique de la prise en charge des mineurs ou des femmes « radicalisées » détenues

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