, surveillant demandait à Junior de reposer la cuisse de poulet supplémentaire qu'il venait de se servir, celui-ci lui répondait, en riant : « vas-y de quoi tu me parles avec ta barrette là ? T'es là depuis 3 mois, tu t'es fait viré du MacDo ou quoi ? [Rire] Moi je prends ce que je veux

, Je sais que je vais ressortir majeur. J'ai pas besoin d'éducateur, hein. Là, j'ai fait des gros délits, j'ai du ferme, j'ai du mandat de dépôt. Et voilà, quoi. On va faire notre peine, on va ressortir, on va recommencer. Là, la détention, ça va juste nous aider à réfléchir comment ne pas se faire attraper ». Incarcéré pour des faits de braquage, Junior explique avoir commencé sa carrière de délinquant par des « petites conneries de cité » : vols de motos, jets de pierre sur la police « pendant les émeutes ». « Après, l'argent. On a commencé à grandir. Les plus grands que nous, ils ont commencés à nous faire montrer c'est quoi la valeur de « On participe au collectif, parce qu'on mange avec eux, donc aussi bien le surveillant comme l'éducateur, on n'a pas un rôle défini. Je sais pas si tu as vu tout à l'heure, mais j'ai distribué le repas, c'est pas écrit. C'est chacun fait avec l'ambiance. Les discussions, tout à l'heure c'est ma collègue qui a lancé la discussion, mais des fois c'est le surveillant qui lance la discussion, donc y'a pas que? Même en sport, en sport nous on y va. On accompagne, l'éducateur accompagne avec nous, EPM à l'inéluctabilité de son destin Incarcéré pour la troisième fois à l'EPM « Agora », Junior nous raconte, sourire aux lèvres, qu'il est l'un des détenus qui connaît le mieux l'établissement : « J'ai été écrou 006? je peux tout te dire moi sur cette prison en carton », expliquait-il tandis que nous envisagions un entretien avec lui

, vient se combiner à une certaine conception du métier de surveillant, comme le souligne Michel, surveillant au QA de l'EPM « Chartreuse », que nous avons rencontré la veille de son départ en retraite, transformant ainsi un dispositif d'entretien semi-directif en véritable tranche d'histoire orale : « Je l'ai fait par choix parce que j'avais envie de changer et essayer de me refixer un objectif de? dans ma vie professionnelle. Je me lassais un petit peu de ce que j'avais choisi au départ et je voulais m'ouvrir un petit peu. Après je me suis aperçu que dans la vie courante y a énormément d'enfants en difficulté, de la misère sociale. Et moi, entre guillemets, en toute modestie, mes deux enfants s'en étaient relativement bien sortis. Je leurs ai donné l'éducation que je juge à peu près correcte. Donc je me suis focalisé un peu là-dessus et puis j'ai travaillé, j'ai approfondi les choses et j'ai fais du mieux que j'ai pu jusqu'à présent. Je dis pas que c'est une réussite totale, non, mais je pense que j'ai apporté et qu'en retour j'ai eu quelques petites? retours positifs. Sur V. [quartier mineur d'une maison d'arrêt] j'ai eu des gamins qui m'ont écrit par la suite, Ce type de position, qui participe d'une forme de revalorisation du rôle traditionnel de surveillant, peut venir s'inscrire dans un parcours professionnel et personnel où l'ouverture à la « jeunesse en difficulté » et à la « misère sociale

, Cette posture d'indistinction des rôles professionnels pose, très directement, la question du « binôme » entre éducateurs et surveillants. Si ces deux professionnels, a priori attachés à des postures et à des missions si différentes, peuvent être amenés à travailler ensemble, c'est au nom d'une forme d'hybridation des rôles de chacun d'eux, et d'une relative dilution de ces rôles dans un rôle d'« adulte ». Une éducatrice de l'EPM « Chartreuse » fait ainsi usage de cette notion pour illustrer l'importance d'un « binôme » qui renvoie une cohérence collective au jeune détenu : « J'ai toujours trouvé que le binôme fonctionnait bien. Après, c'est une question de personnalité aussi, à un moment donné, de compatibilité de personnalités. Ça, comme partout. Maintenant le principe du binôme je pense que c'est intéressant parce qu'il y a la symbolique carcérale qui est présente avec l'uniforme effectivement du surveillant, la détention des clefs, etc. Mais, à côté de ça, je pense que quand on aime travailler en lien l'un avec l'autre, à un moment donné, même pour les gamins, même si ils savent très bien que tout ce qui est sécurité, ce surveillant souligne à quel point les tâches éducatives ne sauraient être réservées à une catégorie professionnelle à l'exclusion des autres

, Surtout quand c'est deux équipes fixes. Enfin, moi je le perçois comme ça. Et je ne prends pas le collègue pour le porte-clefs, entre guillemets, ou l'aspect hyper-sécuritaire. Je pense qu'il y a des tâches que l'on peut se partager, même si on ne rendra pas compte à nos hiérarchies de la même façon, il voit vraiment deux adultes

. En-vue-de-sa-sortie, Préparer un projet de sortie, c'est nous ! ». Pour accomplir leur travail au quotidien, les éducateurs, de fait, dépendent plus des surveillants que ces derniers ne dépendent des premiers. Il est ainsi régulièrement arrivé que pour voir les jeunes du rez-de-chaussée de l'unité 4 de l'EPM « Agora », qui fut un temps une unité plus isolée que les autres en raison de la présence d'un régime strict à son premier étage 219 , les éducateurs durent attendre l'arrivée d'un surveillant : « c'est sûr, pour ça, ils ont même un petit pouvoir sur nous ». Certains surveillants expliquent même, en souriant, qu'ils n'ont pas besoin des éducateurs pour effectuer leur travail au quotidien : « tu mets deux surveillants à la place du binôme, ça tourne, hein [sourire] ». En témoigne ce bref échange avec un surveillant, « je ne possède pas les clefs moi ! T'imagines, si je me mettais à ouvrir et à fermer des portes ? Nan mais on a des choses qui se recoupent mais on a quand même chacun nos missions quoi

, Et y'a pas d'éducateurs là ? -Bah non, tu vois, y'a même qu'un seul bureau? mais c'est pas plus mal [sourire]. Ça fait moins de mouvement? t'es tranquille

, car ils reconnaissent toujours le « professionnalisme » de certains d'eux), est leur absence de l'unité de vie pendant une large partie de la journée, si ce n'est lors des repas, et de certaines scènes quotidiennes, notamment certaines activités et les mouvements des détenus à l'EPM « Agora » : « Ha les éducateurs (en levant les bras l'air de dire "tranquille"). Faut parler aux éducateurs stagiaires, eux ils ont plus un regard neuf on va dire. C'est pas comme les anciens, eux ils sont installés dans le truc, mais les plus jeunes ils te le disent "ho c'est le bon plan éducateur ici, L'une des critiques qui revient le plus souvent, de la part des surveillants, à l'encontre des éducateurs (du moins de certains éducateurs

. Au-contraire and . Au-sein-de-l'epm-«-chartreuse, De plus -et ces différences de détail sont en réalité d'une importance cruciale pour ce qu'ils disent du positionnement spécifique des équipes d'éducateurs vis-à-vis du quotidien carcéral dans les deux EPM -les éducateurs, au sein de l'EPM « Agora », ne participent pas au lever et au coucher des jeunes détenus. S'ils participent, le matin notamment, à l'organisation du petit-déjeuner, les éducateurs participent aux mouvements de détenus

». Au-sein-de-l'epm-«-chartreuse and ». Toujours-ensemble, Si elle insiste sur l'idée que ces deux professionnels ne font « pas les mêmes choses », elle ajoute également qu'il n'y a pas de « répartition des tâches ». Le paradoxe entre ces deux assertions souligne, en lui-même, cette importance de l'hybridation des tâches, entre éducateurs et surveillants, caractéristique de la construction des binômes au sein de l'EPM « Chartreuse » : « On est toujours ensemble

À. Aussi and &. Epm-«-chartreuse, Au contraire, la contruction d'un binôme se réalise dans la série des interactions entre éducateurs et surveillants d'une même unité. Faite d'une succession de controverses et de mises en accord sur des problèmes pratiques, cette suite d'interactions produit un « ordre » qui, s'il connaît des formes de stabilisation temporaire, est ouvert, en permanence, à une nouvelle négociation 220 . Ainsi, l'un des chefs de service PJJ de l'EPM « Chartreuse » explique que la collaboration entre éducateur et surveillant se noue, en permanence, à la frontière de territoires professionnels qui, s'ils peuvent se chevaucher, ne sauraient pour autant se confondre. Il évoque alors sa vision d'un « bon binôme », capable de développer une « sensibilité au territoire de l'autre », mais insiste, dans le même temps, sur l'importance, pour les éducateurs PJJ, de défendre leur « espace » : « Il y a deux types de mauvais binômes. C'est d'abord le binôme où y en a un qui se met, dans le cadre d'une soumission pour ne pas? ou qui est beaucoup? qui devient très tolérant vis-à-vis de l'autre parce qu'il ne veut pas d'histoire. Et que finalement, comme ça, on n'aura pas d'ennuis. (?) Et le deuxième type, à mon avis, c'est celui qui effectivement est toujours, qui n'a aucune capacité à échanger et à réfléchir sur lui-même et à entendre l'autre. Et à ce moment là, on est dans le conflit. Le binôme conflictuel c'est un binôme où chacun cherche à avoir sa place et à ne même pas s'occuper de la place de l'autre. Alors que finalement, un bon binôme c'est aussi celui qui a une sensibilité au territoire de l'autre, une sensibilité. -Sur le premier des mauvais binômes, donc celui où finalement l'un des deux s'effacerait, ça peut jouer dans les deux sens concrètement ? Ou dans ces cas là, c'est toujours l'éduc' qui s'efface ? -Bon, à 80%, les unités de détention sont investies, par les éducateurs, comme des espaces proprement éducatifs. Cependant, il est important de souligner que cet investissement ne produit pas une osmose naturelle entre des partenaires professionnels qui se trouveraient, à chaque décision, sur la même longueur d'onde

, Dans le cas suivant, tandis que le directeur de l'EPM « Chartreuse » était intervenu à l'encontre d'une décision du binôme qui avait, selon lui, « fait une connerie », l'éducateur insistait, de son côté, sur l'importance de maintenir la cohérence décisionnelle des professionnels de l'unité, support de la légitimé de leur autorité auprès des jeunes : n'ayant pas école, ne font donc rien, en restant en cellule : « Moi je dis rien faire c'est pas grave non plus car on est quand même dans une prison, De plus, certains éléments « extérieurs » peuvent venir mettre en cause la cohérence du binôme

, Hé ouais c'est l'éducateur qui a le discours le plus sécuritaire [rire] ». L'un des chefs de service expliquait ainsi, en entretien, sans pour autant le regretter, que « là, on est en train de tirer sur le modèle quartier mineurs », prévenant seulement, en faisant référence à la récente décision concernant les repas

, archétype de l'encellulement individuel pour les mineurs -et l'EPM -structure éducative pénitentiaire adaptée aux jeunes -, les jeunes incarcérés apportent un regard différent sur la différenciation entre les deux types d'enfermement. Pour une écrasante majorité de jeunes -tant ceux qui sont passés par le QM que les autres -, cette distinction porte sur l'autonomie qui leur est accordée. En effet, un discours récurrent consiste à considérer l'EPM comme une « crèche » ou un jardin d'enfants » ; à l'inverse, le quartier mineurs représente une « véritable prison

«. Ici, Mais moi, j'ai fait 17 mois à F. [une grande maison d'arrêt], je préfère rester là-bas. Je faisais à manger en cellule? ouais, le linge, tout ça. Ici, c'est trop? Ici, on est trop encadrés

. Si, réside dans la conception éducative de l'enfermement en tant que telle, le critère de choix du côté des jeunes concernés concerne l'intensité du maillage éducatif que recouvre ces deux traitements pénitentiaires. D'un côté, le QM -à l'image de la maison d'arrêt pour adultes -transporte l'image d'un détenu parfois qualifié de « bonhomme », qui fait sa peine et paie sa dette. Pour les mineurs, cela consiste à être enfermés en cellule une majorité du temps -ici, dans les yeux des professionnels pénitentiaires et éducatifs, la préférence pour une sanction de type « EPM » ou « QM

. Paradoxalement, lors de ces longs temps d'encellulement extrêmement contraignants, certains jeunes détenus décrivent jouir néanmoins d'une certaine autonomie : liberté de fait, de fumer, peu ou prou d'injonctions éducatives, parfois capacité à se faire soi-même à manger? A l'inverse, le projet EPM multiplie les injonctions éducatives : programmes scolaires

, Mais éduquer dans le sens PJJ du terme quoi? enfin? Tu vois faire prendre conscience justement des actes, essayer de renouer un peu les liens familiaux, tu vois t'as des petites actions un peu précises comme ça, enfin précises et vastes à la fois? après comment éduquer j'en sais rien? ». Une précaution méthodologique s'impose. En effet, si cette idée d'un « travail sur les actes » est présentée comme le « passage obligé » du travail éducatif, elle peut s'apparenter, dans certains entretiens, à une forme de « prêt-à-penser » des conceptions éducatives cachant des pratiques en réalité plus fines. Ainsi, les mêmes éducateurs qui évoquent ce travail responsabilisant comme une priorité peuvent, confrontés à une situation concrète, rechercher des causes plus profondes au passage à l'acte délictuel, en fouillant dans l'environnement, notamment familial, du jeune détenu. Ainsi, quelques instants après nous avoir décrit l'importance primordiale d'un travail sur l'acte, « raison d'être » d'un éducateur en détention, Khaled, éducateur titulaire de la PJJ, nous expliquait comme tel l'impossibilité d'évaluer la qualité du travail éducatif par un regard sur les chiffres de la récidive des jeunes détenus : « Je pense pas qu'on peut évaluer comme ça? Le jeune quand il arrive à l'EPM, en amont de son arrivée y'a déjà tout une histoire, et en fait? la majorité des jeunes d'ici ils relèvent plutôt de l'assistance éducative au départ. C'est pas des jeunes normaux, Le travail de responsabilisation à l'EPM et ses limites au quotidien Au sein des EPM, certains éducateurs tendent à présenter le « travail sur les actes » comme quelque chose qui ferait consensus parmi les éducateurs, ce qui n'est pas loin d'être vrai

D. Fait, Ainsi un éducateur d'unité de vie nous confiait ne pas mener le même travail quand il s'agit d'« un violeur » ou d'« un voleur », insistant par ailleurs sur le côté « vraiment glauques » de certaines agressions sexuelles : « Et ce travail sur l'acte, il est omniprésent dans votre travail ? -Bah? [hésite] Déjà ça dépend de l'acte. Si c'est un violeur oui c'est clair ça va être central, parce que voilà, c'est un gros truc quoi, nous pouvons noter au moins trois limites à cette importance d'un travail sur l'acte

, Si les éducateurs du quartier arrivants opèrent une forte focalisation sur l'acte de délinquance, les éducateurs d'unités de vie, quant à eux, pointent l'opportunité qu'ils ont de « prendre [leur] temps » et de nouer une « vraie relation » avec les jeunes : « Moi c'est un peu ce que je reproche aux arrivants quoi, mais bon ils ont pas le choix tu me diras, vu que le jeune reste qu'une semaine, De plus, l'importance de ce travail dépend de l'état d'avancée du mineur dans son parcours de détention

, Au contraire du travail éducatif comme « travail biographique », au sein duquel l'acte de délinquance est considéré comme le symptôme d'une situation (familiale, sociale, psychologique) que le jeune ne maitrise pas, le travail éducatif comme « travail de responsabilisation » fait de l'infraction pénale le point d'entrée de la relation éducative. Si l'accroche, dans la relation nouée entre le jeune et son éducateur, est donc radicalement modifiée dans cette seconde approche, il est néanmoins important de ne pas rigidifier ces deux conceptions pour en faire une opposition étanche entre deux éducateurs ou deux groupes d'éducateurs concrets. Il s'agit au contraire de considérer ces deux conceptions comme deux idéaux-types du travail éducatif de milieu ouvert, qui délimitent un continuum de pratiques. Cependant, la construction de ces deux idéaux-types a ceci d'intéressant qu'il nous permet de montrer comment, à l'image de ce que nous avons montré à propos de la situation au QM, l'idéal-type de la « responsabilisation » s'impose progressivement comme une référence, Cette nécessaire distance renvoie à l'idée selon laquelle les éducateurs PJJ doivent être là non seulement pour créer un lien de qualité avec les jeunes dont ils ont la charge (cette dimension reste malgré tout au coeur de la pensée éducative)

C. De-leur, de ce « travail sur les actes ») attendue des éducateurs. Partant, ils répondent à ces injonctions de manière à s'assurer un retour positif de la part des éducateurs, ou du moins à infléchir la balance. Proche du « port du masque » (voir le premier chapitre « Surveiller/Observer »), des techniques visant à se voir attribuer un rapport éducatif positif, les jeunes incarcérés comprennent rapidement les enjeux de cette « responsabilisation

. «-chaque-parole, Tu dis un truc ici, on l'interprète d'une manière que? alors que toi, tu ne pensais pas à ça. On t'analyse de A à Z. Les éducateurs, c'est pour leurs rapports

C. Sylvie, Par exemple, un détenu de l'EPM « Agora » annonce à table qu'il « [a] fait des bêtises. Mais j'ai retenu la leçon? Je regrette ce que j'ai fait, c'est pas bien en fait? mais je savais pas avant. Pour moi c'était normal, wesh, la routine quoi ». Il continue en évoquant les victimes du trafic de stupéfiants dans lequel il était impliqué. Quelques minutes plus tard, alors que nous jouons au baby-foot en compagnie de ce détenu et de l'un de ses codétenu, sans éducateur ni surveillant, le même détenu annonce qu'il a raconté cette « histoire » parce qu'il part de l'Administration Pénitentiaire. Mais la réinsertion, est-ce que? est-ce que ce n'est pas un peu ça, aussi ? Il y a quand même une forme d'éducation à ne pas transgresser les lois, à ne pas transgresser la règle, certains jeunes expliquent que leurs propos sont analysés en permanence. Dès lors, ils évitent certains sujets, ou au contraire en abordent, lors des moments collectifs tels que les repas ou les activités

, Ainsi, nombreux sont les éducateurs qui estiment la sanction nécessairement éducative en ce qu'elle vient poser des limites à des jeunes délinquants qui en ont fondamentalement besoin. Là encore, la métaphore familiale est utilisée : Je pense que certains actes posés méritent une sanction, c'est tout, c'est comme à la maison, tu fais une connerie t'es sanctionné. Je dis pas qu'on est à la maison ici, c'est pas ça? mais y'a des choses qu'on peut faire et d'autres non, y'a des choses qu'on peut dire et d'autres non. C'est comme ça, Cette conception éducative n'est cependant pas l'apanage des surveillants

, Y compris sur des « petites choses », les surveillants estiment ne pas être cantonnés à un rôle de surveillance, mais revendiquent également la part éducative de leur mission : « Elles sont là pour avoir un cadre de vie, avoir des heures? Elles doivent respecter les choses, comme les horaires, se tenir correctement? Je sais que je reprends souvent une jeune, qui, quand elle se met à table, t'as l'impression qu'elle va s'endormir, quoi. Elle est pratiquement allongée sur la table euh?bon c'est des choses, des petits trucs comme ça, qui?sont pas gênantes en soi, mais c'est des choses qu'elle doit savoir qu'elle doit pas faire. Parce que si tout le monde faisait comme elle? ! Mais tu vois, c'est tout des p'tites choses, mais il faut que ça rentre. Je pense que c'est plus éducatif. Je te dis, maintenant, surveillant, éducatif, enfin ouais éducateur, Cette conception de l'éducation permet aux surveillants de revendiquer faire oeuvre d'éducation

, en particulier par les éducateurs qui estiment nécessaires, pour réaliser un travail éducatif de fond, de travailler autrement qu'à l'injonction. Ce refus de l'injonction, par les travailleurs sociaux, prend sens dans une transformation plus générale de l'aide sociale, qui fait de la notion « d'accompagnement » le coeur d'une « nouvelle éducation morale » caractérisée par une « éthique du proche », pour reprendre des expressions utilisées par Isabelle Astier, 2009.

«. , Amen" et va faire tout ce qu'on va lui dire qu'on aura réussi quelque chose. Il se sera simplement conformé à un cadre posé. Y a des jeunes qui savent le faire. Y en a d'autres qui vont avoir du mal à le faire. Mais pour moi ce qui m'intéresse dans le travail éducatif qu'on fait ici, c'est la rencontre avec le jeune, enfin je sais pas si on peut parler d'efficacité, plus dans la rencontre et la relation qu'on va pouvoir créer avec un jeune

, En outre, dans les deux EPM, certains professionnels de l'AP se trouvent, vis-à-vis des détenus, dans une posture différente des surveillants de détention. C'est notamment le cas des moniteurs de sport qui, dans une relative prise de distance avec les missions sécuritaires propres à leur administration, sont à même de développer, plus aisément que leurs collègues surveillants, ces caractéristiques d'un travail relationnel avec les jeunes. Ce moniteur de sport de l'EPM « Agora » évoque ainsi, pour rendre compte de la spécificité de la posture des moniteurs de sport auprès des jeunes, Cette efficacité relationnelle du binôme dépend donc non seulement des compétences humaines du surveillant, mais également du bon vouloir de l'éducateur qui laisse ouverte la porte du bureau le temps de l'entretien éducatif

, Et là, il y a? C'est un lieu aussi d'échange. Donc on ne revêt pas seulement la cape, je dirais, du moniteur de sport, mais on est aussi des fois? on peut jouer aussi le rôle de père de famille sans pour autant entrer dans une relation filiale avec eux. Mais ça peut arriver qu'ils nous confient un certain nombre de choses, ça peut arriver qu'ils nous confient leurs états d'âme de la nuit? voilà. Ou encore leur jugement. Donc on est quand même un partenaire avec eux très proche, hein, puisqu'on les voit tous les jours. Donc il se crée un lien assez rapide avec les jeunes. D'autant plus qu'on n'est pas dans un cadre fermé, contrairement à nos collègues qui sont en détention. On est quand même très ouverts à eux, « Nous c'est vrai qu'on a quand même un relationnel qui se crée avec eux où des fois, ils arrivent et ils n'ont pas envie de faire de sport

Q. Marc-ajoute, surveillant va se braquer en disant, "ben non, je te dis c'est comme ça, c'est pas autrement, tu vas pas commencer". Et voilà, ça monte comme ça (?). Le surveillant va se justifier en disant, "ben ouais, finalement j'ai autre chose à faire et je dois prendre ma pause et il doit savoir attendre". Il va essayer d'argumenter de manière assez rationnelle. C'est de la frustration ça, pourquoi pas ? Sauf que dans ce cas là, la frustration c'est tu diffères en disant, "ben moi je prends ma pause et seulement après tu vas? tu pourras mettre ta lessive". C'est des choses qui m'interpellent parce que ben je pense que la parole qu'on donne à quelqu'un, et surtout à des jeunes comme ceux là, elle a une importance capitale. Et si on veut être crédible auprès d'eux ben la parole qu'on leur donne on doit la respecter. Et l'autorité, on la gagne de ça, enfin, une autorité qu'on va appeler éducative, moi en tout cas, j'ai pas la prétention de la gagner en étant dans la contrainte physique parce que j'ai pas la? je suis pas baraqué et puis je suis pas dans cette vison là. Ça serait facile, du fait de cette relation privilégiée qu'ils peuvent nouer avec les jeunes, les moniteurs de sport évoluent dans « un climat de confiance » avec eux. Il insiste, à nouveau, sur la distance qui sépare l'espace de travail des moniteurs de sport et l'espace de la « détention », en soulignant d'une part que les moniteurs de sport disposent de leur « règlement propre », d'autre part que les jeunes « se permettront peut-être de faire des choses non réglementaires en détention et pas ici

, Ainsi Cédric, éducateur contractuel présent à l'EPM « Agora » depuis septembre 2008, après plusieurs années passées à travailler au sein d'un foyer de la PJJ, critiquait-il la manière dont les surveillants assurent leur mission sécuritaire : « sécuritaire mon cul ! Combien de fois je me suis retrouvé en face d'un jeune qui aurait pu sauter sur moi s'il le voulait ? Y'a un jour je me suis même retrouvé enfermé avec un jeune dans sa cellule, le surveillant avait oublié que j'étais à l'intérieur ». Après le récit d'un événement où il a dû lui-même s'interposer entre un jeune et un surveillant, il explique alors sa propre manière d'imposer un « cadre » aux détenus, qui ressemble, par de nombreux aspects, Au nom de cette conception du travail éducatif, il arrive également que des éducateurs critiquent les surveillants dans leur tâche sécuritaire

, En effet, « les jeunes quand ça fait quatre cinq mois qu'ils sont là, à l'aise, bah faut que tu bosses avec eux sur leur comportement, sur comment ils évoluent en détention et tout ça quoi », comme nous l'expliquait un éducateur d'unité de vie ordinaire de l'EPM « Agora ». Ainsi, nous avions été frappés, lors de notre arrivée au sein de cet EPM, de la spécificité de l'équipe éducative du quartier arrivants. A majorité féminine (il y avait alors 4 éducatrices pour 1 éducateur), elle n'était composée que d'éducateurs titulaires, ce constat pouvant s'expliquer par les compétences exigées pour travailler au sein de cette unité, notamment en termes d'écriture : « J'ai fait moi aussi ce constat en arrivant (?), Ainsi Cédric insiste-t-il sur « la peur » de certains surveillants qui n'osent pas se confronter aux jeunes dans un rapport de face à face, et met-il en avant l'importance d'une gestion des jeunes par le principe du « donnant-donnant », exploré précédemment dans ce rapport

. Ainsi, ». De-l'epm-«-agora, and . Fait-souvent-de-l'unité-arrivants-le-«-bon-Élève-»-de-l'epm, est au sein de cette unité que les éducateurs ont « le plus envie de s'investir dans le projet », selon le chef de détention, « et c'est làbas que le binôme marche le mieux ». Les éducateurs des unités de vie, quant à eux, raillent très régulièrement l'unité arrivants comme une « unité pépère », « où il ne passe rien » : « c'est tranquille làbas, les jeunes ils arrivent, ils sont en observation. Tu veux être peinard tu vas aux arrivants », racontait un éducateur contractuel d'une unité de vie ordinaire. Inversement, les éducateurs de l'unité arrivants critiquent régulièrement leurs collègues des unités de vie (ou plutôt d'une unité de vie en particulier), pour leur manque de sérieux concernant les écrits, considérant qu'ils font souvent « le boulot pour les autres », grâce au RRO. Ainsi, à la sortie d'une CPU, nous posons à une éducatrice de l'unité arrivants une question sur les cahiers de jeunes, au sein desquels les éducateurs consignent diverses observations les concernant : « Vous leur donnez vos cahiers de jeunes aux éducateurs des unités ? -Ho bah oui oui ces cahiers ensuite ils se retrouvent dans leurs dossiers de toute façon? et puis on leur donne les RRO aussi? enfin de là à dire qu'on bosse pour eux? [ironique] -Tu fais référence au fait que des fois ils reprennent vos écrits ? -Des fois ? Des fois ? Ha mais t'es gentil toi. Non, pas des fois, c'est très très souvent même que pour un projet de sortie t

, Mais c'est pour ça qu'on essaie de développer au maximum des activités, des ateliers boxe, des ateliers hip hop, des choses comme ça. C'est pas pour faire du loisir, je vois pas ça comme des loisirs, même quand on marque "loisir", moi ça me plaît pas trop, quand on met ça sur les activités, c'est pas ça qui? pour moi ce sont des lieux où ils peuvent s'exprimer, Chartreuse » souligne la nécessité d'un engagement éducatif volontaire dans la construction et la défense d'espaces spécifiquement éducatifs en détention : «

». Le-port-de-la-casquette-d'«-Éducateur-»-est-important-car-elle-permet-de-se-distinguer-de-l'«-animateur, &. George, and . Epm-«-chartreuse, Dans les faits, les activités socioculturelles -création musicale ou artistique, danse, sport? -sont souvent considérées par les jeunes comme un moyen de « passer le temps » ou de « sortir de cellule ». Sylvie, jeune détenue qui profite d'un maximum d'activité explique : « Déjà, le terme éducateur, ça ne va pas. Parce qu'éducateur, c'est éduquer ; moi, je suis déjà élevée. Donc c'est animateur

, engagement spécifique lors de la tenue des activités devient une nécessité pour leur donner du sens et en faire des espaces d'expression et de subjectivation, et rejoint la distinction, formulée par le coordinateur des activités de l'EPM « Chartreuse », entre les éducateurs qui ont « la fibre » et ceux qui ne l'ont pas : « Sur certaines situations, y'a des choses à faire avec les jeunes, qui sont pas faites parce que y'a pas justement cette fibre. Enfin, j'vais pas dire cette fibre éducative mais, cet aspect de travailler avec le jeune, l'humain, ça a toute son importance. Les valeurs qu'on va véhiculer vers le jeune, Pour compenser cette image dépréciative d'« animateur

. Cette-«-fibre, extrait d'entretien qui va suivre), que de compétences fines et singulières sur l'activité mise en place. C'est ainsi que le coordinateur des activités de l'EPM « Chartreuse » faisait l'éloge de l'intervenant « hip-hop » de l'EPM. Il explique, en particulier, comment cet intervenant réussissait à combiner une fine connaissance de la « culture hiphop », au-delà des clichés et des idées reçues souvent véhiculés à son égard (« il sait de quoi il parle ») et une envie de transmettre sa passion à des jeunes auxquels « il croit » : « Le hip-hop, c'est une activité qui fonctionne, parce que l'intervenant qui vient, c'est quelqu'un qui y croit déjà. Donc il croit aux jeunes. Avant toutes choses (?) Ca fait presque deux ans que l'intervenant qui vient travaille avec nous, c'est toujours le même intervenant. Il a mobilisé, je sais pas, plus de 200 jeunes depuis l'ouverture de l'EPM. J'ai déjà vu des jeunes faire 3 heures par jour pendant 6 semaines. Donc ça faisait 15 heures par semaine de hiphop. Ben c'est quelque chose de très lourd, se décompose en plusieurs qualités individuelles, qui relèvent aussi bien de la motivation particulière de l'

, La base de la relation thérapeutique, c'est la confiance

. Moi, je les considère pas comme des détenus. Y a que le soir où on s'en va, on ferme la porte et on les entend crier dans leurs cellules, leur unité. Ils crient, ils discutent entre eux. C'est là qu'on s'aperçoit que vraiment on est en prison

, moindre moment d'accroche ou même un sourire, un moment de connivence, la compréhension d'un truc assez fin dans un texte, c'est tout de suite un énorme cadeau pour la prof quand on travaille ici. Donc je me suis rendu compte que voilà, il y avait les deux côtés assez violents d'un côté comme de l'autre. Quand c'est bon, c'est super bon. Par contre, quand ça ne va pas, ça te démolit le moral complètement

. De-ce-point-de-vue, En EPM, la spécificité de l'Éducation nationale et de l'UCSA consiste en ce que ces deux administrations disposent de leur propre bâtiment au sein de l'espace carcéral, reconnu comme étant le leur par les jeunes et par leurs partenaires institutionnels. Ainsi, l'Éducation nationale loge au sein du « socio », bâtiment relativement autonome du reste de la détention, dont le premier étage est réservé au « pôle scolaire ». Quant au personnel de l'UCSA, il dispose également de son lieu autonome au sein du « pôle de soin ». Cette position de relative extériorité par rapport au reste de la détention (et, de facto, de visibilisation de l'externalité de ces services), inscrite dans la matérialité de l'architecture spécifique de l'EPM, autorise parfois le personnel de ces administrations à penser leur intervention quotidienne dans une relative indépendance vis-à-vis du « maître des lieux », pour reprendre l'expression du proviseur de l'EPM « Agora ». Cette indépendance est renforcée par le recours toujours possible à des référentiels externes et à des identifications à leurs institutions pendantes extra-muros. Mais cette indépendance a aussi un prix, celle d'éloigner ces administrations de leur public (patients et élèves). C'est cette relative indépendance -toujours fragile, et de degré variable selon les deux administrations considérées et les deux EPM considérés -qui leur permet d, Posons d'emblée, avant même d'évoquer les différences entre les deux EPM considérés, que la situation diffère fortement

, C'est ainsi qu'une cadre de santé pouvait revendiquer, lors d'un entretien, l'usage de l'expression « mineurs, écroués, patients », dont elle fait usage, notamment, lors de la rédaction des procédures d'extraction à l'hôpital : « Oui parce qu'il est mineur, donc au niveau des réglementations, la preuve en est, on fait pas n'importe quoi. Il est patient surtout mais il est aussi écroué. Ça veut dire qu'il est pas tout seul à l'hôpital, il ne circule pas librement, il a les menottes. C'est aussi un détenu ». Cette multiplicité des modes de qualification et de désignation du public des établissements viendrait donc réduire l'appel à des identifications et à des référentiels extérieurs pour les membres du service médical et de l'Education nationale. De même, une professeure, à propos d'un incident au sein du pôle scolaire qui avait nécessité l'intervention du personnel pénitentiaire dans une salle de cours, évoquait l'idée de « détenus, bien qu'ils soient aussi élèves, Cette extériorité, toujours relative, est négociée au sein d'un rapport de force entre les administrations et est partiellement stabilisée dans le cadre d'une certaine représentation du « projet EPM

, Rien que par rapport au secret professionnel, pourquoi on ne fait pas un texte qui puisse nous donner un peu plus de liberté ou nous couvrir quand on fait certaines petites choses ? On nous demande de travailler en pluridisciplinarité. L'EPM, ça a été la grande chose de travailler en pluridisciplinarité, mais derrière, quand on voit nos ministères, on nous met des freins, se posent néanmoins des enjeux similaires en termes d'intériorité et d'extériorité par rapport à l'AP, à l'EPM et son projet

. L'analyse-en-groupe-À-l'epm-«-chartreuse, montre également que la contrainte légale du secret médical implique le rejet, par un certain nombre de professionnels de l'UCSA, de toute idée légaliste du secret partagé : « Pour moi juridiquement le secret partagé ça n'existe pas » (cadre UCSA, EPM « Chartreuse »). L'absence de secret partagé engendre par conséquent une méfiance particulière quant aux différents outils de communication au sein de l'EPM (tel le CEL), ou lors des réunions, et tout particulièrement les CPU. Le respect du secret médical impose d'utiliser ses propres instruments de travail et de ne pas les diffuser aux autres services : « Au niveau des outils de travail, vous, vous travaillez avec quoi ? -Un Dossier de Soins Infirmiers. Un DESI. Un dossier de soins infirmiers avec une partie de transmissions infirmières

, La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement

, Ce premier élément pointe d'emblée l'articulation de la lutte contre la stigmatisation et la qualité d'une relation de soin qui est, ou devrait être, aussi une relation de confiance. Notons ici que l'effort de non stigmatisation dépasse largement la question des maladies somatiques, et concerne plus globalement l'ensemble des troubles (psychiques et somatiques) dont peuvent souffrir les jeunes. Le danger toujours potentiel serait qu'une « étiquette » disqualifiante, consécutive à la publicisation d'un diagnostic ou d'un avis médical, enferme le jeune dans une identité sociale dépréciée, publicisation qui s'avèrerait alors largement contreproductive au regard des objectifs des soins. Le souci de ne pas stigmatiser les jeunes patients renvoie ainsi à une ambivalence irréductible à laquelle les professionnels soignants sont régulièrement confrontés, Contre la stigmatisation, et pour l'instauration d'un cadre de confiance La cadre santé de l'UCSA de l'EPM « Chartreuse » juge que l'atteinte au secret professionnel peut marginaliser, stigmatiser et nuire à la prise en charge du jeune et qu'en revanche le respect du secret professionnel est plus respectueux de l'intérêt du jeune : « je pense que c'est quand même à l'avantage du jeune

, Parce que je pense qu'à... enfin ça je crois aussi que c'est propre à l'adolescence. Je crois qu'y a aussi beaucoup de jeunes qui sont dans ce moment particulier de l'audience où ils apprennent leur condamnation, j'imagine une forme de pseudo-chantage : "ben si je vais en prison je me suicide" quoi. Donc boum, tout de suite moi j'ai cette impression d'un gros tampon là, « Alors ils ont quasiment deux fois sur trois aussi des étiquettes de suicidaire et de dépressif

, Je pense que... voilà je prends par exemple l'exemple de jeune qui vient d'apprendre le décès de sa maman lundi. Ben je me dis voilà, si on avait une unité à part, ce jeune, alors que pour l'instant ça se passe pas trop mal sa détention, aurait pu voilà, transiter le temps nécessaire dans cette forme d'unité. Mais tout de suite ça s'est en transformé en « une unité psy, Mais qui malheureusement après, voilà, peut être un étiquetage qui peut rester tout une détention quoi

, et donc la stigmatisation. C'est ce qu'explique Guillaume, éducateur : « Je pense que le fait de ne pas savoir, ça peut donner, ça laisse libre cours à tout le monde à l'imagination et généralement, on imagine le pire. Parfois, le fait de mettre un nom sur les choses, quand les gens savent et ils peuvent se positionner différemment ». A fortiori, le partage minimal d'informations permettrait de ne pas suspecter certains jeunes d'être en infraction avec le règlement de l'EPM. D'emblée, ces contre-arguments témoignent des controverses qui entourent les pratiques de respect du secret médical, et la mise à l'épreuve dont celui-ci est régulièrement l'objet : « Moi je cherche pas à calmer mes angoisses, je veux juste avoir des infos pertinentes pour gérer une situation. Quand un gamin est sous médocs, que je le sais pas, c'est dans l'intérêt de la compréhension, si le gamin me dit pas "c'est parce que je prends un traitement", je lui dis juste "regarde pas la TV jusque 3h du mat et va en cours", alors que là bah si il est cachetonné je vais pas l'envoyer en cours, Cet argument rencontre cependant en détention ses contre-arguments. Certains professionnels, tant de la PJJ que de l'AP, considèrent que la connaissance de la situation rendue possible par le secret partagé aurait également pour vertu d'éviter les peurs et les angoisses des professionnels

, pour défendre le secret médical, est la qualité de la confiance entre le soignant et le soigné, confiance sans laquelle la prise en charge, notamment psychologique, serait amputée de l'un de ses leviers les plus précieux. C'est pourquoi la confidentialité est présentée comme une condition essentielle de la qualité relationnelle, Conjointement à la lutte contre la stigmatisation individuelle, l'argument

, Il y a une relation de confiance qui s'établit avec le mineur, je pense. Parce que le mineur dira des choses qu'il ne dira pas forcément? des appels à l'aide. Je pense que justement, c'est important de bien les respecter, parce que la confiance par rapport aux mineurs, c'est important. Notre rôle à nous, c'est le secret médical par rapport à notre fonction mais également par respect du jeune. Parce qu'il vient ici justement en connaissant le secret médical. Il sait qu'on est soumis au secret médical. L'avantage, c'est que comme on les voit en entretien arrivants, on a le temps de se présenter, de présenter un peu le service, les fonctions du service, « Ils savent qu'ici, il y a le secret médical. Ils sont au courant. Donc les choses qui sont dites ici, ils savent très bien qu'elles ne sont pas répétées à l'extérieur

. Au-terme-de-l'analyse-en-groupe-effectuée-À-l'epm-«-chartreuse, jeune et la préoccupation quant au respect du secret professionnel résident dans la confiance que ce jeune peut placer dans le professionnel à qui il se confie. Dès lors, le risque est grand, dans le cas du non respect du secret professionnel, de troubler et de brouiller cette relation de confiance établie dans la relation thérapeutique. La confidentialité des échanges est la marque d'un espace qui se veut relativement étanche et clairement différencié par rapport aux autres espaces professionnels. Inversement, c'est le caractère imperméable et indépendant du lieu qu'est l'UCSA qui constitue la condition de possibilité et de maintien du secret de l'échange et qui fait son attrait

«. Moi and . De-vue-symbolique, Ce n'est pas pour ne pas aller auprès du détenu, c'est qu'en restant ici, on peut garantir une certaine confidentialité, une certaine? Un travail en marge où on n'est pas inclus dans la pénitentiaire, la PJJ et dans tout ce qui est institutionnel sur le plan de la contrainte (?) On est à part d'eux, et surtout, il y a quelque chose que je fais entendre clairement aux détenus, qu'on ne transmettra pas à la pénitentiaire. Parce que ça ne les regarde pas. Donc il y a ce côté confidentiel, ce côté personne ressource sur qui on peut compter en cas de problème et qui ne risque pas d'amener des problèmes, donc cette relation de confiance de base qui est primordiale

L. L'extériorité-radicalisée, effort de préservation de l'autonomie professionnelle passe par une prise de distance très nette avec « la justice », le « répressif », « l'injonction de soin » et implique une délégation de ce travail à d'autres services comme ceux de la PJJ

, UCSA de cette autonomie professionnelle oeuvre à une division du travail plus importante entre services et peut même conduire à un refus de coopération de sa part

?. Lutter, On retrouve régulièrement l'idée, chez nombre de professionnels de l'UCSA, selon laquelle les autres professionnels de l'EPM auraient tendance à vouloir interpréter des écarts transgressifs comme le symptôme de pathologies. C'est pourquoi certains membres de l'UCSA critiquent la méconnaissance des catégories nosographiques et de la nature et des fonctions du travail de l'UCSA : « Il y a une espèce de confusion entre catégorie pénale et catégorie nosographique, défendre son territoire d'expertise

P. La-juge, . Normalement, and . De-suivre-le-gamin, On en avait déjà parlé avec M. X [directeur SEEPM], normalement, elle devrait poser cette question-là à la PJJ. Mais il est vrai que Mme X [juge des enfants] moi, je l'ai connue à V. [maison d'arrêt] quand il y avait le quartier mineurs, il n'y avait pas la PJJ. Il n'y avait pas de psy PJJ. C'était nous qui suivions le gamin dans l'intégralité. C'est pour ça aussi qu'elle pose toujours des soins UCSA. Voilà. Enfin je suppose. Mais il est vrai que quand elle pose cette question-là et le suivi par rapport au viol, normalement, ce n'est pas? Enfin souvent, ce sont pour des viols ou des choses un petit peu? C'est la psychologue PJJ qui doit s'exprimer?. -Est-ce qu'elle se trompe ou tout simplement elle ne fait pas la différence conceptuelle entre le travail sur le rapport aux actes et la relation de soins, pour les faits pour lesquels il est là. Et nous, on est dans le soin

, On était dans des réponses d'un autre ordre et que c'était pas psychiatrie et c'est allé très, très, très, très loin, des tracts?. Pour dénoncer

, les personnels non-soignants (éducateurs, surveillants, juges) peuvent estimer, éventuellement à l'aide de catégorisations « psy » relativement floues, que certains jeunes souffrent de pathologies spécifiques, alors que l'UCSA pense le contraire. La lutte pour l'autonomie professionnelle de l'UCSA vise précisément à écarter cette « concurrence des diagnostics » en réaffirmant le primat de la division du travail et de leur sphère exclusive d

, Mais de là à le déclarer psy ou avec des troubles mentaux, non. Je veux dire, c'est un petit peu normal. Il est arrivé là, il n'a pas été structuré comme il fallait, il n'a pas eu une famille qui l'encadrait comme il faut, c'est normal. Mais j'ai l'impression que ça passe tout de suite à l'extrême. Dès qu'ils font quelque chose d'un petit peu bizarre, jeter des trucs par la fenêtre, ça y est, on les étiquette psy, et le jeune le ressent aussi et ça l'amuse, « On arrive à un point où des fois, on les mettrait tous dans des structures spécialisées. C'est vrai qu'il faut accepter aussi qu'un jeune qui arrive ici, il n'est pas bien dans sa tête

, usage très récurrent de l'expression « cas psy » pour désigner des détenus qui posaient problème en détention (et qui bien souvent se retrouvaient en « protection » au quartier arrivant). L'étiquette de « cas psy », ou de « fou », devient alors une catégorie fourre-tout qu'il s'agit pour le corps médical de déconstruire et de dénoncer sur la base de ses savoirs propres : « Je crois qu'y a beaucoup de personnes ici qui ont pas conscience de l'impact de leur projection, de leur discours, ce que ça peut susciter chez les jeunes. J'ai entendu des choses, voilà, ici, que je trouve très, très, très, très grave quoi. Où l'administration pénitentiaire avait clairement décidé qu'un jeune qui a été longtemps détenu ici, était "psy

, Ah bah c'est vrai, je pensais qu'il était un peu foufou mais alors en fait il est fou". Voilà donc ils passent de la catégorie, « Il y a quand même dans tous ces dossiers socio-éducatifs là qui transmettent de main en main avec ces secrets de polichinelle, aussi ces effets de téléphone arabe de temps en temps

, Ce faisant, les professionnels soignants entendent réaffirmer leur monopole de juridiction et d'expertise en matière de soin et leur autonomie professionnelle en résistant à cette « concurrence des diagnostics » et à ce jugement des autres professionnels sur leur travail de diagnostic et de soin

«. Lui, . De-genou,-c'est-n'importe, and . Quoi, Je lui dis "Écoute, je l'ai vu, pour moi, ce n'est pas cassé. Si maintenant -je serai parti dans cinq minutes -tu veux l'emmener aux urgences, il n'y a pas de souci. Si tu veux qu'il passe une radio, il va passer une radio. Pour moi, il n'y a pas besoin qu'il passe une radio, mais s'il veut le faire, On me dit "Fais gaffe, lui, il est suicidaire" ou "Lui, on a retrouvé tel traitement dans sa cellule

. ?-l'étanchéité-revendiquée-du-soin,

. Dans-le-même-ordre-d'idées, UCSA défendent l'idée que la relation de confiance, décrite précédemment comme un produit du respect du secret médical, est également le produit d'un type de relation entre le soignant et le jeune

, il y ait une prise en charge, un suivi psychologique, il faut aussi qu'il y adhère. Si c'est un mineur qui arrive ici "Il faut qu'il soit suivi psychologiquement parce que c'est une demande du juge", il faut qu'il ait son petit papier, ça, forcément, ça ne marchera pas. S'il vient juste pour un suivi psychologique parce qu'on lui demande de venir et qu'il n'est pas actif, qu'il n'est pas coopérant et qu'il n'y adhère pas, c'est inutile. C'est inutile. Il faut que les gamins adhèrent au suivi. Justement, notre rôle, dès le départ, c'est bien de présenter, « Il faut prendre en charge un jeune mais après, il faut bien se rendre compte qu'ici

, La volonté d'affirmation et de préservation d'une autonomie professionnelle engendre de véritables tensions entre la représentation de la juge des missions de l'UCSA et le cadre légal du secret médical

, Ben c'est en cours d'évaluation. C'est-à-dire que là, on s'est vu une fois, il a accepté qu'on se revoie, c'est déjà pas le cas de tous. Maintenant voilà, dire si y a un vrai suivi qui va se mettre en place derrière, j'en sais rien. Y a des jeunes que je vois régulièrement qui continuent à se présenter quand je demande à les amener ici et qui pour autant se mettent pas au boulot. Y en a d'autres qui se mettent franchement au boulot, qui font énormément de liens. Y a des jeunes avec lesquels on travaille avec les familles, il se l'exemption du secret, soit elle doit respecter le secret tout en impulsant chez les partenaires pénitentiaires des pratiques préventives de réduction des risques. Dans ce cas, il s'agit alors pour le personnel soignant de donner des consignes qui permettent de prendre en compte un risque particulier sans pour autant mettre des mots sur ce risque, « La juge me pose des questions quand je suis présente en commission d'application des peines qui n'ont pas lieu d'être

, La réaffirmation, par le personnel soignant, de son monopole de juridiction, peut passer par une stratégie de filtrage important des informations qui place l'AP dans une situation d'asymétrie d'échange

. Vous, La loi nous oblige à dire s'il y a risque suicidaire. -Et souvent, la surveillance spéciale, c'est dans le cadre d'un risque suicidaire. -Pas toujours. Souvent, mais pas toujours. -Ça peut être quoi, surveillance spéciale ? -S'il y a un psychotique qui délire, ou qui a des troubles de l'humeur. Il y en a un qui est parti, là, en psychiatrie il n'y a pas longtemps, c'était surveillance spéciale parce qu'il a effectivement une pathologie psychiatrique. Mais il ne va pas forcément se tuer. Mais il va être pénible, il ne va pas dormir. Et nous, on a besoin de savoir s'il a dormi, s'il se comporte normalement. C'est ça aussi, l'intérêt de la surveillance spéciale. Nous, on n'est pas là la nuit. Donc comment je peux savoir

, incertitude, il prend l'initiative de demander une surveillance spéciale : « Il faut savoir prendre les bonnes décisions. Moi, je sais que le week-end, je suis ici. Je me protège mais sans en faire trop. J'essaie d'évaluer au mieux. Je me dis "Lui, il faut le mettre en surveillance spéciale, mais lundi, il sera réévalué

&. Il-y-a-donc-une-«-ligne-de-crête and . Ucsa, éviter les problèmes légaux et de protection des jeunes et du personnel organise le tri entre ce qu'il faut dire, ce qu'il ne faut pas dire, et dans quelles situations -le premier critère distinctif de ces situations étant bien sûr l'appartenance ou pas de l'interlocuteur à l'UCSA, puisque l'appartenance au service permet légalement de partager l'information. La cadre santé UCSA s'appuie également sur les exemptions légales au secret : « Après je rebondis sur le " je vais me suicider", là on est plus dans le secret professionnel, on bascule sur la notion de danger, on est pas forcément à? J'allais dire à la réalité. Enfin, ils ont certains discours qui ne paraissent pas adaptés, pour nous, par rapport à la situation. Et on est tentés de vouloir leur expliquer, leur dire "Mais non, ce jeune, il est déprimé. C'est un jeune déprimé, donc c'est normal qu'il soit plus irritable. L'irritabilité, c'est un signe dépressif, etc., etc, etc., on dit aux surveillants

, est donc pas surprenant que de nombreux conseils, consignes, suggestions soient transmis à l'oral. Une distinction fonctionnelle s'opère donc dans l'usage de l'oral et de l'écrit. L'écrit sert précisément à tracer et consigner l'action pour pouvoir prouver que l'on a agit correctement en réponse à un risque précis, l'oral permettant de ne pas laisser de traces à des échanges toujours potentiellement bancals du point de vue du respect légal du secret. Il s'agit alors de justifier l'usage de l'oral et de l'échange informel comme un mode d'échange naturel lorsque l'on est dans le feu de l'action : « Si vous ne participez pas aux CPU, à quel moment ils se donnent, tous ces conseils ? -À quel moment ils se donnent ? Ben ils se donnent après l'entretien en appelant le gradé ou la direction, en discutant à l'UCSA avec un surveillant de l'unité ou avec un éducateur qui passe parce qu'il est inquiet. Voilà, c'est dans des moments comme ça. -C'est finalement à chaque fois des moments informels, en fait ? -Oui. Oui oui. Enfin des moments informels? Ce serait difficile de formaliser des moments en sachant que c'est au moment de l'entretien qu'on se rend compte de certaines choses

, Une autre manière de contourner le secret sans le trahir se trouve également bien souvent dans le « faire dire d'abord ». Il peut s'agir de convaincre le jeune lui-même de transmettre une information aux autres institutions qui pourra ensuite être discutée publiquement

. «-avec-la-jeune,-y-a-une-grosse-problématique-que-j'aimerais-bien-travailler-parce-que-la-détention-elle-va-Être-longue, Je lui ai demandé si elle serait d'accord de répéter une partie de ce qu'elle m'avait dit et donc de ce qui touché à ces maltraitances, le harcèlement, ces pressions tout ça et ses relations avec son proxénète on va dire, à un éducateur ou à un responsable PJJ. Dans un premier temps voilà, j'avais pas trop son adhésion, j'ai fini par lui dire : "écoutez si vous êtes d'accord c'est quelque chose qu'on peut peut-être essayer de faire ensemble, ça me semble important". Parce que j'ai reprécisé vraiment les missions de la PJJ, voilà, et elle a accepté. Et donc ce matin, on s'est réuni avec un des chefs de service PJJ et elle a avec ses mots reparlé de cette partie

, Ça me semble fondamental et ben c'était aussi important pour moi de pouvoir botter en touche et d'être dégagée de toute cette partie. (?) Mais c'est vrai que mes deux collègues ils m'ont regardé avec des yeux ronds "t'as pas fais ça ?!", et voilà non je leur ai dit : "mais voilà moi mais j'ai rien dit". C'est elle qui parlé, moi j'étais juste là, voilà, aidante, contenante par ma présence et c'est sur de temps en temps en pouvant lui dire bah peut-être aussi parler de cette période là à cette période là en donnant juste un repère voilà. Et moi je pense sortie de mes clous quand je fais ça mais je pense que c'est fondamentale pour elle quoi d'avoir réussit à exprimer tout ça et moi quelque part j'ai l'impression de protéger aussi mon espace. Je peux rester voilà avec sa subjectivité, son histoire

, Il peut s'agir aussi de « faire dire » aux éducateurs ou aux surveillants eux-mêmes les « secrets de polichinelle » qu'ils détiennent -nous revenons ci-après sur cette expression -, notamment en CPU, qui constituent autant de manières de briser la glace. Ainsi, selon la psychologue PJJ de l'EPM « Chartreuse », la démarche doit être initiée par celui qui, moins contraint par le secret professionnel, dispose d'une information qu'il ne devrait pas connaître en vue de la discuter avec les professionnels censés au contraire bien la maîtriser : « Oui mais si le jeune te l'a dit et que tu viens me voir en disant : "le jeune m'a évoqué ça

, En particulier, une infirmière, présente depuis l'ouverture de l'EPM « Agora », qui raconte en entretien avoir de « bons rapports avec la PJJ, même s'il faut souvent les recadrer car ils veulent tout savoir », explique qu'il faut savoir « biaiser les choses », non seulement pour laisser passer des informations qui pourraient s'avérer importantes dans le cadre de la prise en charge éducative du jeune, mais aussi pour entretenir de bonnes relations avec les éducateurs : « On biaise. C'est-à-dire que si on leur dit "non" d'emblée, on va s'en faire?je dirai pas des ennemis, mais on va en venir à l'affrontement, ce qui ne sert à rien. Par contre biaiser et dire "Bah, L'intégration à un dispositif pluridisciplinaire conformément au secret médical s'apparente à une compétence que le personnel soignant apprend à manier avec le temps

I. »-(pernette and . Epm-«-agora,

». Au-sein-de-l'epm-«-agora, E. Ucsa, and . De-ce-point-de-vue-une-place-stratégique, Présente depuis l'ouverture, elle est présentée, par la cadre de santé comme par la directrice de l'EPM, comme « exceptionnelle », avec un statut de « quasi-cadre » de l'UCSA, depuis que la véritable cadre de santé a réduit son temps de travail, pour s'établir à mi-temps. Elsa est, en particulier, celle qui s'investit le plus dans le partage pluridisciplinaire des informations concernant les jeunes. Participant à un maximum de commission pluridisciplinaire, la psychologue semble avoir endossé le rôle du « passeur » d'information au quotidien : « Ça s'est fait naturellement. C'est vraiment une tâche qui s'est glissée comme ça toute seule. Ça pas été concerté, ça pas été dit, ça pas été voulu mais c'est comme ça », explique une infirmière. Cette position centrale d'Elsa, non seulement au sein de l'UCSA, mais également à l'EPM dans son ensemble

. L'ironie-sociologique-de-la-comparaison, ». Au-sein-de-l'epm-«-agora, ». Au-sein-de-l'epm-«-chartreuse, . Ainsi, ». Au-sein-de-l'epm-«-chartreuse et al., EPM « Agora », n'est pas le professionnel qui appréhende la question du secret avec souplesse, mais au contraire celui qui (en l'occurrence, le psychiatre de l'établissement) lui attache une importance inflexible. Ce psychiatre, largement isolé dans son unité, défend pourtant son point de vue : « Que l'on soit clair, il n'y a pas de divulgation d'informations possible ou du moins autorisée. Après c'est comme partout, il peut y avoir quelques éléments, alors toujours évidemment dans l'intérêt de la personne, mais il faut être très prudent et conscient des enjeux d'une divulgation qui peut avoir des effets qu'on ne souhaite pas au départ. Alors évidemment, quand il s'agit d'un trouble psychotique par exemple qui risque d'induire des troubles du comportement et un état dangereux, là, on se situe dans un autre cadre qui est celui de l'hospitalisation d'office. Dans tous les autres cas en principe, y a pas de raison de trahir le secret professionnel ; quand on reçoit un jeune, on est les premiers à leur dire "ce que vous nous direz, on n'a pas le droit de le révéler", donc après, y a pas de raison d'aller le révéler. -Mais quand les personnes de l'équipe de l'UCSA vont en CPU, elle apporte un petit peu sa pierre aussi à l'édifice? -Oui je trouve qu'il y a un paradoxe à dire d'une part aux jeunes patients qu'on est tenu au secret professionnel, "voilà n'on a pas le droit de le dire sauf s'il met sa vie en danger", etc. Et puis, aller en CPU et discuter du cas. Moi je trouve que c'est paradoxal. Ce que disent les collègues, c'est qu'ils vont en CPU aussi pour avoir des informations sur le comportement du détenu (?) Y a des EPM où les soignants n'y vont pas si j'ai bien compris, c'est rigoriste sur les principes de confidentialité. Moi je respecte beaucoup cette position de rigueur (?) Je respecte cette position rigoriste? après bon elles peuvent avoir plus d

. Ainsi, isolé au sein même de son propre service, le psychiatre développe, à tort ou à raison, des sas d'étanchéité interne à l'UCSA pour que le secret soit respecté. En retour

, on aille lui poser la question pour avoir des infos, sinon il ira pas le donner tout seul. -Au nom du secret? ? -Voilà. -Et ça, ça vous pose souci dans le cas d'une équipe ? -Oui parce qu'aller chercher des infos auprès de quelqu'un de notre équipe, c'est un peu gênant. Il vient pas nous la donner systématiquement. On a vraiment l'impression que c'est difficile pour lui de nous passer les infos mais bon on va pas le crier sur tous les toits

L. Ainsi and . Positionnement-minoritaire, ou en contradiction avec la posture de la cadre santé vis-à-vis du secret, détermine, en dernier ressort, le degré d'intégration ou de stigmatisation au sein de l'équipe. A cet égard, l'analyse de la dynamique croisée des relations entre psychologue, psychiatre et cadre-santé au sein des EPM témoigne de l

, Je me souviens la première rencontre autour d'une table, la directrice de la PJJ, nous dire, "ah oui, alors, les secrets?" ». Cadre depuis 2003, après un long parcours d'infirmière (dès 1978), elle ne s'imaginait « pas du tout, mais alors pas du tout », travailler un jour en détention, ce qui explique les différences de positionnement par rapport à la cadre santé de l'EPM « Chartreuse ». La cadre santé de l'EPM « Agora » peut dès lors prendre ses distances avec une posture extérieure-radicale, et si elle constate que « contrairement à [ses] préjugés, ça ressemble pas mal à un hôpital », elle estime cependant que « l'aspect intéressant de l'EPM [« Agora »] c'est le travail en pluridisciplinarité ». L'argument de « bon sens », récurrent dans les discussions avec le sociologue, qui vient étayer la mise au jour de ces limites, renvoie à ce que les secrets protégés par le secret professionnel seraient des faux secrets, des « secrets de polichinelle », expression qu'utilise également la psychologue de l'EPM « Chartreuse » : « Ça fait dix ans que j'exerce, en milieu hospitalier forcément ça se posait beaucoup moins ce problème là. Même si j'ai toujours travaillé dans cette pratique de réseau pluridisciplinaire. Ici, ouais... en même temps j'ai quand même cette impression que c'est beaucoup des secrets de polichinelle aussi, ce que j'essaye de défendre. Parce que... bah parce qu'ils ont même parfois l'information avant nous sur les antécédents médicaux d'un jeune, les antécédents psychiatriques d'un jeune. Enfin moi, je suis parfois surprise quand je suis contactée voilà, par l'administration pénitentiaire pour me dire : "voilà, on va avoir un arrivant, Du constat des « secrets de polichinelle » au « bon sens » du secret partagé Les professionnels de l'UCSA peuvent s'adosser à la transversalité 242 de l'exigence du secret médical au sein du milieu pénitentiaire dans son ensemble pour décrire leur position au sein des EPM. Ainsi, la cadre santé de l'EPM « Agora » raconte : « là, je suis en formation du DU de santé publique en milieu pénitentiaire, et le point chaud, c'est ça

U. -ah-oui-moi-j'ai-déjà-eu..-;-isabelle and . Epm-«-chartreuse, moi y a des fois y a même des jeunes qui arrivent ici, voilà, effectivement leur traitement est déjà connu de A à Z avec des étiquettes de schizophrène, avec des étiquettes de voilà, j'ai tout vu, agoraphobe... enfin voilà, c'est des choses, je suis quand même très surprise

. De-fait and . En-groupe-À-«-chartreuse, montre que certains professionnels de l'AP et de la PJJ sont très attachés au secret partagé en vertu d'un principe de réalité selon duquel les informations couvertes par le secret professionnel seraient de toute façon connues de bon nombre de professionnels (certaines informations sont recueillies par les surveillants dans des espaces plus informels tels que les espaces sportifs qui favorisent la libération de la parole

, « La dernière mais une des filles qui est arrivée là, ces dernières semaines, est arrivée avec dans ses antécédents un IVG qu'elle avait fait quelque jours avant sa détention. Je crois huit ou dix jours avant. Je suis arrivée en CPU, c'est l'administration pénitentiaire qui a parlé de ça. Qui a présenté la jeune et donc : "A savoir dans ses antécédents personnels, une IVG?", l'éducatrice qui prend la parole? et ça pose question à personne ! Voilà

, D'accord". Voilà donc quand je dis que c'est des secrets de polichinelle, ben oui c'est... donc à partir de ce moment là, je me dis bon voilà, les choses sont connues, repérées. Elle existe plus, elle existe plus cette question du secret

P. Isabelle, . Ucsa, ;. Epm-«-chartreuse, P. Virginie, and . Epm-«-chartreuse, Selon certains participants, l'intérêt du jeune doit primer sur les contraintes professionnelles que la prise en considération de cet intérêt génère : « on devrait encore travailler encore plus main dans la main, voilà c'est tout? Après, si ça peut arranger le gamin, tant professionnels à laquelle conduirait irrémédiablement la révélation du secret professionnel concernant des cas non dépistés d'hépatite ou de gale : « Donc, ce sont aussi quand il y a une agression, je suis désolé : "mettez les gants", il y a des fois, il y a des gamins qui ont peut-être une hépatite et nous on le sait pas, parce qu'ils veulent pas tous se faire dépister (?), Plusieurs participants brandissent ainsi ce principe de réalité pour défendre la culture du secret partagé : « L'AP, lors de l'entretien, l'officier est déjà capable de dire il prend ci, il prend ça, il prend ça à telle posologie?donc quand je dis que c'est des secrets de polichinelle, on est vraiment là-dedans, vol.on regarde?

, En même temps, cette suggestion d'autres pratiques ne se traduit pas par un réel investissement en détention et une volonté claire de changer le cadre carcéral. Ce ne sont que des remarques qui émergent en comité de direction, Le point de divergence porte donc ici clairement sur les modalités de la gestion des risques professionnels : information individuelle versus prévention collective

, On nous avait reproché le fait que le temps d'avoir le dépistage, après on avait dépisté quelqu'un qui était positif, donc on avait pris les protections à faire, mais ça arrive quinze jours après. Et quinze jours après, c'est l'affolement. Donc on se dit "Finalement, il fallait le dire ou il fallait ne pas le dire ?" Parce que c'est l'affolement. Donc on nous demande si le jeune, on peut le mettre en sport, s'il peut aller au socio. Bientôt, on le retirerait de tout. Et j'ai l'impression qu'après, il a une grande étiquette sur lui "Hépatite, il ne faut plus l'approcher, il ne faut plus rien faire, On nous dit "Pourquoi vous ne nous le dites pas ? Parfois on est en intervention, on prend des risques

, En effet, une autre attente des professionnels envers l'UCSA concerne le soutien, psychique ou somatique, que pourraient apporter les membres de l'UCSA au personnel, et non directement aux jeunes. Ainsi, l'UCSA de l'EPM « Agora », où la psychologue joue un rôle d'écoute auprès des membres du personnel qui éprouvent des difficultés dans l'exercice de leur métier, semble mû par une mission double. D'une part, évidemment, une mission de prise en charge thérapeutique et sanitaire qu'elle assume à l'égard des jeunes. Mais également, d'autre part, une mission d'accompagnement des professionnels et de médecine du travail, Cette question des risques professionnels déborde de la question stricte du secret, mais il n'est pas inintéressant d'en prolonger ici l'analyse en ce qu'elle témoigne de la qualité (bonne ou mauvaise) des relations sociales entre professionnels

, Cette mission de médecine du travail, assurée à la marge par l'équipe UCSA de l'EPM « Agora », est précisément ce qui permet de détendre et de fluidifier les relations entre les différentes institutions. Cette tâche se situe donc à la fois à la marge et au centre, du point de vue de la coopération entre les différents corps professionnels. Au sein de l'EPM « Chartreuse », à l'inverse, il apparaît clairement que la cadre santé a une position stricte

. «-on-n, On n'en aurait pas assez. C'est vrai que des fois, on peut penser qu'un Doliprane, c'est anodin, mais ils peuvent faire une réaction. Il peut être allergique. On n'a pas le droit de distribuer des médicaments comme ça. -J'imagine que la personne qui se pointe pour une rage de dent et qui repart sans Doliprane, elle ne doit pas être contente? -Non, elle n'était pas du tout contente la dernière fois. -Ce qui, de son point de vue, peut se comprendre aussi ? -Je comprends, mais dans toutes les entreprises, vous allez au travail, vous avez une rage de dent, vous ne pouvez pas avoir de médicament comme ça, à part si vous en avez sur vous. Il n'y a pas de pharmacie. Nous on est là donc il y a un service médical, Ce sont des choses qu'on garde si jamais il y avait une urgence ou quelqu'un qui arrive et qu'il lui faut un traitement. Donc je n'en distribue pas

, Ce refus de soigner les membres du personnel est mal perçu par ceux-ci qui jugent que cette mission incombe pourtant à l'UCSA, ce qui tend à renforcer les conflits entre celle-ci et les autres administrations

, je les sens parfois rigides sur des choses, humainement parlant quoi, je veux dire si il y a un agent qui a mal à la tête, moi je pensais? Je n'ai pas eu trop le temps l'année dernière ni les moyens sur le budget, mais je vais le faire cette année ; je vais m'acheter une infirmerie. Si il y a un agent qui a mal à la tête, il ne peut pas aller chercher un cachet à l'UCSA, on le sait bien, c'est réserver aux jeunes. Si il y avait une dérive, il faudrait m'en parler, quoi. Si des agents pensent qu'ils peuvent aller se faire soigner là, ce serait à l'oeil, ou gratos

, moi, s'il me dit qu'il ne va pas se louper et qu'il sera mort demain, j'essaie d'évaluer dans quel degré il est déterminé, mais s'il me dit qu'il est mort demain et qu'il n'y a aucune chance que je ne le revoie, il part? si je n'ai pas de psychiatre sur place, dans les 24 heures, il part aux urgences voir un psy. C'est clair. Et je le note. Mais je l'ai noté et j'agis. Parce qu'un juge, il ne fera pas de cadeau, hein. Quand moi je vois un patient mineur qui me paraît extrêmement dangereux, tu dis "J'en ai parlé au psychiatre mais il n'a pas voulu venir", le juge, il s'en fout

I. Paul and . Epm-«-chartreuse, Chacun avec ses propres contradictions et on est un peu écartelé. Moi, je te le dis clairement parce que je n'ai rien à cacher

, heure de leur dernière ronde sur le cahier de fonctionnement de l'unité. De ce fait, la question de la traçabilité des procédures de travail est essentielle au sein de l'EPM, et engage la nécessité de rendre visibles (donc traçables) les différentes observations comportementales réalisées par le personnel sur un détenu singulier 243 . Tandis que les éducateurs utilisent peu, voire pas du tout, ce logiciel -que nombre d'entre eux estiment être « estampillé AP », selon les mots d'un éducateur -, certains autres expliquent ne s'en servir qu'en cas de risques suicidaires. Cela non seulement pour en avertir l'ensemble de la détention et protéger le jeune, mais également pour se protéger, juridiquement, en cas de passage à l'acte. Cependant, sur ce point aussi, nombreux sont les éducateurs qui disent préférer écrire dans « leur, Il est ainsi fréquent que des lieutenants réprimandent des surveillants pour n'avoir pas « validé les effectifs » d'une unité, à propos du logiciel informatique requis

«. Indirectement, Tout le monde. Le mineur, tu trouves qu'il a changé, qu'il est pas bien, tout de suite, on le note, on l'appelle parce qu'au moins la chaîne d'information passe. Et ça, c'est tout le monde. -C'est aussi pour se protéger qu'on le marque ou? ? -Obligé, faut pas croire. Faut pas se leurrer, le jour où y a un incident

, par la mise en place d'une sorte de routine de la prévention. Par ailleurs, la mise en place d'un tel dispositif s'avère essentiel non seulement dans un objectif de protection des jeunes, mais également dans celui d'une protection du personnel. Si la question de la détection des risques suicidaires se pose tout particulièrement pour les jeunes de l'unité arrivants

. Ainsi, Il peut y avoir en plus des pressions de la part du jeune? enfin des pressions, des chantages, qui peuvent aller jusqu'au chantage au suicide, et ce qui est difficile dans ces cas-là, c'est de dire qu'il n'y a pas d'indication à l'hospitalisation. C'est même très difficile. Tout en essayant de préserver autant que faire se peut le secret professionnel. Mais souvent, tout le monde comprend un peu ce qu'il se passe et pour avoir discuté plusieurs fois avec Monsieur X. [directeur pénitentiaire de l'établissement] dans ce genre de situation, lui comprend très bien la position de dire qu'il n'y a pas de pathologie psychiatrique et que c'est juste un chantage pour sortir de l'EPM. Mais malgré tout, malgré tout, cette question du chantage au suicide, ça reste compliqué parce qu'il y a eu un suicide à Meyzieu et un deuxième à côté de Metz, à moins que je ne me? [?] Enfin déjà, je pense à Meyzieu : ça a pas mal chauffé pour le directeur de l'EPM. À Metz, il me semble que ça a aussi chauffé, en raison des pressions médiatiques et judiciaires qui pèsent sur les différents professionnels et du risque toujours possible de suicide, il n'est pas toujours évident, même dans des cas considérés avec certitude comme de « simples » chantages, de ne pas prescrire une mesure de prévention du suicide : « On le voit

«. , Je lui ai expliqué en détail ce qui avait été fait. Ça montre bien à quel point le suicide, ça inquiète tout le monde. Tout le monde. Et je pense que ça inquiète tout le monde à cause de la suite qui a été donnée à Meyzieu et à Metz, enfin, il me semble que c'est Metz. -Des bombes médiatiques? -Des bombes médiatiques, des réponses complètement disproportionnées de convoquer le substitut au Ministère pour lui demander de rendre des comptes? Enfin, ça n'a pas de sens. Et du coup forcément, depuis, il y a une espèce de focalisation sur le suicide. Il ne faut absolument pas que le jeune se suicide pour le juge ou le parquetier qui signe le mandat de dépôt, parce qu'il sait que sinon, ça va leur tomber sur la gueule et qu'il va être convoqué, pour le directeur d'établissement parce qu'il sait que si ça survient dans l'établissement dont il est directeur, il va devoir aussi rendre des comptes, Alors oui. Mais pour revenir sur ce moment-là? Parce que ce qu'il s'est passé après, c'est assez intéressant

«. Vrais and ». Faux, Fabien, détenu, explique par exemple avoir simulé une tentative de suicide afin de concentrer les égards du personnel et se ménager une période de retrait par rapport à l'institution carcérale en provoquant une hospitalisation d'office. La vigilance qui découle de telles éventualités implique pour les agents non seulement de détecter le mal-être éventuel d'un jeune qui ne supporterait pas la détention, ou au contraire de savoir repérer les tactiques d'un jeune qui « joue la comédie », mais également d'être attentifs à certains moments au parcours judiciaire du mineur : [Réunion de la hiérarchie pénitentiaire à propos d'un jeune qui allait passer en appel. La directrice pénitentiaire de l'EPM prend la parole] -« Faites attention pour le détenu S. [son nom de famille], il est extrait car il a fait appel de son mandat de dépôt. Il nie totalement les faits, il est certain de sortir aujourd'hui et l'affaire pour laquelle il est là n'est pas une petite affaire, hein braquage avec échange de coups de feu. Et puis bon c'est vrai qu'il n'a aucun antécédent judiciaire, donc ça alourdit encore le choc (?), suicidaires Il s'agit d'un enjeu d'autant plus important que les jeunes détenus eux-mêmes peuvent tenter de jouer avec la menace du suicide

, Ce qu'on avait remarqué un temps, c'est qu'ils voulaient se faire hospitaliser en psychiatrie, mais sur certains sites? À Saint-Saulve, l'hospitalisation d'office se passe en chambre fermée. C'est vraiment terrible. C'est le centre psychothérapeutique. Ils restent dans des chambres fermées. Comme ce sont des services ouverts, ils ne peuvent pas les laisser circuler. Mais dans d'autres comme à Armentières ou Bailleul, les services étant fermés, eux peuvent circuler à l'intérieur des services. Et ils peuvent fumer. Donc en fait, à un certain temps, c'était un avantage. Donc ici, ils s'étaient passés le mot, c'était un petit peu le chantage au suicide pour être hospitalisés, comme ça, ils pouvaient fumer, regarder la télé comme ils voulaient, Il s'agit alors pour les professionnels et notamment pour l'UCSA de chercher à distinguer les simulateurs et les maîtres-chanteurs des véritables suicidaires en opérant une ligne claire de distinction entre ces deux catégories d'individus : «

, UCSA un travail considérable d'évaluation et de prévention du risque suicidaire et de son degré d'urgence : « Est-ce qu'il y a vraiment un risque ? Ou si on connaît le jeune, on se dit "Bon?" Le risque zéro n'existe pas, mais il faut évaluer. C'est vraiment un rôle d'évaluation, ici. Vraiment un grand rôle d'évaluation, et puis la prévention. Prévenir. -Prévenir par l'éducation à la santé ? -Oui et puis par rapport aux risques suicidaires. C'est vraiment un rôle de prévention, Cette mission de prévention du suicide qui passe par le repérage et la distinction entre simulateurs et suicidaires réels suppose pour l

«. Moi, . Dangereux, and . Qu, Je suis infirmier psy, je fais mon boulot. Mes collègues, ils ne sont pas infirmiers psy mais ils sont formés en psychiatrie, donc ils ont des connaissances. Donc je le vois. Si je trouve qu'effectivement, il est aussi dangereux qu'elle me le dit

. De-toute-façon, Un peu comme quand je travaillais aux urgences psy. Donc on vous amène quelqu'un qui entre guillemets ne va pas bien? pas forcément pour lui, d'ailleurs, parce qu'il ne donne pas forcément l'impression d'aller mal. Quelquefois oui, hein, mais quelquefois pas du tout. Mais l'entourage vous dit "Il ne va pas bien", donc il faut évaluer le risque. Est-ce qu'il faut? dire "Ben il ne va pas si mal que ça

, Mais ce travail de tri entre simulateurs et suicidaires n'élude pas totalement la difficulté de répondre à la question du type de prise en charge à décider. Contrairement à la situation en hôpital, ce travail d'évaluation et de prévention des risques suicidaires revient en pratique aux infirmiers qui font office d'agents de première ligne pour les arrivants. Cette mission de prévention menace leur autonomie professionnelle puisque les infirmiers doivent collaborer avec l'AP, d'une part en recourant à des grilles pénitentiaires d

, Allô, le psychiatre ? Oui, Untel, il est énervé, il a insulté je sais pas qui, faudrait peut-être faire une injection", ou bien plus pervers, est-ce que les surveillants en détention ne diront pas au jeune "Fais gaffe, si tu t'énerves, nous, on prévient le psychiatre et il va te faire une injection". Alors là, c'est une catastrophe pour l'ensemble des suivis psychiatriques, pour préserver justement le? Enfin, on est censés être bienveillants pendant les entretiens? -Qu'il y ait une relation de confiance. -Qu'il y ait une relation de confiance, voilà. Qu'il y ait une relation de confiance. Là, ça aurait été juste catastrophique. Donc j'ai la direction, enfin j'ai appelé Monsieur X. [directeur AP de l'établissement], j'en ai parlé à Madame X. [sous-directrice AP de l'établissement], aussi, il me semble, en leur expliquant que je ne souhaitais surtout pas, Cette prise en considération, voire cette focalisation sur le risque suicidaire met en effet en péril les frontières professionnelles et les missions de soin de l'UCSA, en faisant naitre des craintes d'instrumentalisation de l'UCSA par les surveillants de l'AP : « Ça m'a pas mal travaillé, ça, les jours qui ont suivi

, UCSA de son action d'évaluation des risques suicidaires et de son travail de discrimination entre simulateurs et suicidaires. Cette mission de prévention partagée par l'AP, l'UCSA et la PJJ met potentiellement en danger, on l'a dit, l'autonomie professionnelle et l'indépendance de l'UCSA dont il a été précédemment question. En effet, La prévention du suicide soulève bien évidemment des enjeux pour le modèle du partenariat

&. E. Et and .. .. , Je fais : "Ecoutez, j'ai su ce matin, en prenant des nouvelles justement pendant midi. J'ai été surprise de voir il a rencontré untel, untel, untel, untel et untel". Il a rencontré son référant, sa référante PJJ. Il a rencontré, il a eu une discussion avec une prof. Il a eu avec un surveillant, il a eu une discussion avec un gradé et l'autre, c'était qui l'autre intervenant ? Je me souviens même plus... ! Mais en gros, là on nous a appelés à l'UCSA pour nous demandé. Et moi, j'ai refusé en expliquant que non, ce que je pensais thérapeutique avec ce jeune, c'était d'arrêter de voilà de faire caisse de résonance comme ça : "ah oui, mon pauvre, ah oui". Et que ben voilà, c'était u chagrin d'amour comme un autre, un adolescent comme un autre et que bah peut-être on pouvait lui permettre justement de se retrouver un peu seul et puis de méditer autour de ça. Et bah y a pas eu moyen, l'après-midi on nous l'a amené, forcing, donc par les surveillants. Donc consultations médicales, hospitalisation d'office. On n'y croirait pas. Hospitalisation d'office parce que donc le jeune c'était... son discours donc au médecin généraliste : "voilà, j'en ai marre, A un moment donné j'ai été convoqué à une réunion en urgence, toutes instances confondues... tous les chefs de services et donc on m'appelle. J'arrive là. Donc la réunion était déjà commencée. Donc j'arrive là, tant pis pour moi

E. L'éducation-nationale-au-sein-des, . Et-Évolution-l'équipe-enseignante-est, E. Au-sein-de-chaque, and . Dans-une-position-spécifique.-a-l'epm-«-agora, Éducation nationale est en position forte et stable, non seulement parce que les professeurs sont statutaires, expérimentés et spécialisés, mais également parce qu'ils ont su négocier, avant même l'ouverture des murs, leurs conditions de travail, du point de vue de l'emploi du temps mais aussi de leur espace professionnel. « Maîtres chez eux », ils savent aussi quand « passer la main » à l'AP en cas de gestion des troubles, et ce partage (entre ce qui doit être géré par l'AP ou par l'Éducation nationale en cas de problème) fait globalement consensus. Le partage des tâches et des rôles est clairement défini. A l'EPM « Chartreuse », la dynamique est toute autre, tant du point de vue de l'équipe enseignante que des autres administrations. Les deux premières années, une première équipe enseignante a été fortement mise en difficulté (beaucoup d'absences, beaucoup de « problèmes ») ; par conséquent l'équipe de l'Éducation nationale est vite apparue comme la « brebis galeuse » de l'EPM. Héritant de ce stigmate, la nouvelle équipe, en place à partir de septembre 2009, a donc dû progressivement reconstruire une légitimité. Ces dynamiques spécifiques, que nous allons maintenant détailler, montrent à quel point les rapports sociaux jugés problématiques sont

. Epm-«-agora, une place privilégiée négociée en amont La place prépondérante qu'a acquise l'équipe d'enseignants à l'EPM « Agora » s'explique par une conjugaison de facteurs qui renvoient autant aux conditions constitutives de cette équipe que de ses rapports avec les autres institutions, dont les principales caractéristiques ont été décrites plus en amont. Dans le cadre de l'objectif de « socialisation

, ? La centralité de l'emploi du temps scolaire et l'individualisation de l'enseignement

, Il s'agit d'une équipe structurée qui a pu négocier d'emblée et ainsi obtenir des conditions de travail particulièrement favorables et finalement une place de choix à l'EPM vis-à-vis des autres administrations. Il faut ajouter que l'EPM « Agora » se caractérise par la décision délibérée de faire de l'activité scolaire le socle de l'organisation (dans le cadre de l'objectif de « socialisation, Cela signifiait placer les temps scolaires comme «

. «-c', Donc je ne connaissais pas bien, même pas du tout, cette population. Mais j'avais vraiment le sentiment qu'il fallait que la journée soit un peu organisée comme à l'extérieur. Et puis même en termes d'organisation, c'était assez pratique. Ça permettait de dégager du temps, aussi, pour les réunions pluridisciplinaires. Voilà, il y avait vraiment deux choses importantes pour moi

. C'est, pourquoi il a été décidé, pour lui offrir une place centrale, de réserver l'ensemble des matinées à l'Éducation nationale. Aucune autre activité, si ce n'est pour les jeunes arrivants non encore scolarisés

, Donc les collègues savent que le matin, c'est le planning Éducation nationale qui est porteur. L'aprèsmidi à partir de trois heures, même si on a un peu grignoté, ce qui fait qu'on est présent maintenant presque tous les après-midi jusque quinze heures, pour des petits groupes, moins que le matin. Mais on sait que derrière à partir de quinze heures c'est le planning sportif qui prend la main, « En fait il y a des cases où on sait qu'on peut vivre à l'intérieur, on peut dire ça

. Le-fonctionnement-de-l'epm-de-«-agora-»-À-celui-de-«-chartreuse, Donc en fait, il y a un planning d'activités de la journée où l'école devient une activité. Ici c'est l'école d'abord. Et puis ça conditionne le reste. Et même l'UCSA ne prend pas d'élèves le matin. Quand je suis arrivé ici, il y avait un petit peu tendance à mettre des rendez-vous UCSA le matin. J'ai dit "Non non non, sauf en cas d'urgence, on va à l'école, on ne va pas chez le médecin". Et c'est comme ça qu'on fait à l'extérieur (?). Donc ici, il y a la volonté d'identifier clairement la prise en charge scolaire comme une prise en charge et pas comme une activité (?) A l'EPM « Chartreuse », vous avez votre journée, vous mettez un peu d'école dedans, quoi, est une nécessité pour faire de l'école un temps institutionnel identifié comme tel, et non pas une « simple activité » comme une autre, afin de « coller au projet EPM 246

, en établissement pénitentiaire : « Comme c'est un établissement différent du quartier mineur, de la détention classique, qui a des temps collectifs plus importants et que d'une façon générale l'Administration Pénitentiaire n'est pas habituée à ça, il faut des personnels qui ont l'habitude de gérer ces temps collectifs, binôme avec les éducateurs, tandis que les temps de collectifs sont beaucoup plus longs qu

, Au contraire de l'AP et de la PJJ, l'autonomie de l'Éducation nationale paraît être, pour partie, le produit d'un appel à un référentiel institutionnel singulier et bien établi, celui de l'école et de règles vouées à servir une mission éducative. Ce référentiel institutionnel s'accompagne d'une culture et de dispositions professionnelles, voire d'un imaginaire professionnel extérieur. De fait, le métier de médecin autant que le métier d'enseignant constituent des identités propres mobilisées en situation par les acteurs de l'UCSA et de l'Éducation nationale pour se représenter leur mission et la faire reconnaître ainsi par autrui : « Donc moi je suis toujours dans le même poste, on ne me demande pas de faire semblant d'être prof

, ils ont une récréation. La récréation il y a juste un pion. La récréation c'est quoi, c'est une pause pour les jeunes qui permet de souffler et de rester entre eux. Donc nous à la pause, on ne voit pas l'intérêt d'être présent sachant que justement le jeune il a peut-être besoin de souffler un peu et ils ont peut-être, le référentiel de l'école est même mobilisé par certains éducateurs : « Après, comme on dit, un temps de pause, les jeunes quand ils

, école est d'autant plus facilitée que les enseignants de l'Éducation nationale ou certains éducateurs ont, dans le cadre de leur expérience professionnelle précédente, pris en charge le même type de public au sein de l'institution scolaire : « Nous on a une position complètement à part, c'est vrai qu'on est enseignants, moi je travaillais avant avec des jeunes en difficulté, quelque part j'ai retrouvé des jeunes que j

, je crois qu'il faut aussi entendre que pour la PJJ effectivement c'est un jeune, et pour l'Éducation nationale c'est un élève. Moi, en face de moi, je n'ai pas des détenus, j'ai des élèves et ce qui m'importe c'est ce qu'ils sont en face de moi en tant qu'élèves. Après ce compréhensifs. Et les jeunes ne comprennent pas, pourquoi un surveillant serait compréhensif puisque c'est un surveillant. Combien de fois on a entendu les jeunes dire "c'est un surveillant, qu'est-ce qu'il me raconte, qu'est-ce qu'il a besoin de savoir, pourquoi il me parle sympa ? Il n'est pas là pour ça" (?). Donc là il y a un problème de repère pour les jeunes, « Je trouve ça tout à fait normal que pour l'AP, la définition des jeunes qui sont là soit un détenu

, Cet enseignant -plus disert que ses collègues, mais qui exprimait là un sentiment partagévoit d'ailleurs dans cette confusion des rôles un des éléments déclencheurs de l'un des transferts disciplinaires qu'a connu l'EPM et considère par conséquent qu'il est nécessaire de définir plus clairement la fonction de surveillant, si l'on souhaite éviter plus souvent ce genre d'incident : « Donc je pense qu'il y a vraiment un travail de définition du boulot du surveillant qui est à définir et à discuter

. Epm-«-chartreuse, Ele éclaire les divergences entre les deux EPM tant sous l'angle de l'autonomie et du partenariat entre les professionnels que sous celui de la nature des relations entre détenus et professionnels -avec, en filigrane, la prégnance forte de la question de la « bonne autorité » qu'exercent ou pas les professionnels sur les jeunes. Si à l'EPM « Agora » le fonctionnement de l'Éducation nationale est relativement stabilisé (négociations organisationnelles menées en amont, continuité de l'équipe enseignante depuis l'ouverture), les choses sont très différentes à l'EPM « Chartreuse ». Lorsque nous avons commencé le terrain, la quasi-totalité de l'équipe enseignante venait d'être renouvelée (seuls deux enseignants sont là depuis l'ouverture), et, là où l'Éducation nationale est unanimement présentée comme « ce qui marche bien » à l'EPM « Agora », les professionnels de l'EPM « Chartreuse » dénoncent ensemble le fiasco inaugural du fonctionnement de l'Éducation nationale. Pour l'expliquer, Guillaume, éducateur PJJ, pointe alors un déficit de compétences, et, au-delà du manque de volonté, les carences professionnelles de la première équipe enseignante : « Beaucoup de profs, l'an dernier, sont passés à côté de plein de gamins. -Ça se passait super mal en fait ? -Super mal. Ouais. Une fois, une enseignante qui arrive un matin et qui sort de cours en disant, du fiasco initial aux efforts d'évolution Le responsable des enseignements de l'EPM « Chartreuse », à l'instar des directions pénitentiaires des deux EPM, attache une importance toute particulière au fonctionnement des cours dispensés par l'Éducation nationale. Pourtant, la dynamique relationnelle entre l'Éducation nationale et les autres administrations est ici toute autre

. Elle-Était-de-haute-savoie-elle-voulait-venir-dans-le-nord, Elle a trouvé ce poste là. Elle a travaillé avec des handicapés très longtemps, elle se retrouve ici avec des mineurs. Y en a une qui était en arrêt, qui a pris deux ans de congé pour travailler en Belgique. Deux ans de congé-formation je sais plus exactement, et qui, pour réintégrer la France, elle prend ce qu'il y a comme poste puisqu'elle passe après tout le monde. Et le dernier qui sort de l'IUFM, il s'est retrouvé ici un peu par hasard, Le discours selon lequel les professionnels de l'Education nationale auraient complètement raté leur entrée en piste, ratage dont hériterait à son détriment une nouvelle équipe qui change néanmoins la donne, s'avère assez consensuel en détention, tous corps professionnels confondus. Le responsable des enseignements, garant et acteur de cette transition, détaille néanmoins les difficultés structurelles qui sont les siennes, qui contrastent avec le détail des recrutements de l'EPM « Agora » exposés plus haut : « Tous les enseignants du second degré sont contractuels. Sauf une

, au premier rang desquels la visibilité auprès de l'ensemble des acteurs de la prise en charge des jeunes par les enseignants : « Les deux dernières années, l'Education nationale, entre guillemets, ça ne fonctionnait pas. Donc on m'a simplement dit, quand on est venu me chercher : "il faudrait la faire fonctionner". Donc? donc je me suis fixé dans un premier temps des objectifs simples. Premier objectif c'est que les enseignants soient à l'heure, prennent les jeunes à l'heure et travaillent avec les jeunes dans la classe. Ça parait un peu décalé par rapport aux missions de l'Education nationale. Donc les missions de l'Education nationale c'est transmettre un savoir, bon y a pas que le transfert de savoir, y a aussi le côté éducatif, j'y reviendrai. Donc les premiers objectifs que je me suis fixé je répète, c'est que les enseignants soient à l'heure et que tous les jeunes soient pris en charge et qu'on travaille dans la classe pédagogiquement. Je pense qu'on a atteint une grande partie de ces objectifs puisque là-bas, ça se passe bien au socio. Les profs sont à l'heure, ils sont absents quand ils sont malades mais y a pas d'absence parce qu'ils ne veulent pas prendre de jeunes, Du fait de l'héritage négatif que constitue l'héritage initial, et du profil d'une nouvelle équipe décrite comme motivée, mais aussi fragile statutairement, le responsable des enseignements a dû hiérarchiser clairement les objectifs

, Elles reprochent à l'Éducation nationale l'absence d'individualisation de l'enseignement et même, plus largement, l'échec du système d'enseignement imposé aux jeunes : « Quant au système différencié, vous parliez de diagnostic, effectivement je crois que c'est quelque chose qui est très important. Mais il m'arrive assez systématiquement de leur demander ce qu'ils veulent faire plus tard. Y'en a qui font pas de projet du tout, d'autres disent moi je veux être couvreur, carreleur, maçon, donc ce sont des métiers, ils veulent apprendre quelque chose, ils veulent faire quelque chose quand même. Et puis, est-ce qu'on leur offre ça, la possibilité ? Je ne pense pas, bien que ça évolue un petit peu, Cette hétérogénéité et cette instabilité de l'équipe enseignante rendent difficile la négociation avec les autres administrations

. Donc, Par contre si on adapte et je crois que c'est le maître mot de l'EPM, il faut adapter à chaque situation de gamin le système qu'on veut leur proposer et non pas leur imposer. C'est proposer et pas imposer et adapter. Quand on dit à un gamin : "bon ben voilà tu vas apprendre les maths, etc

, Selon elle, ces derniers désirent au contraire davantage de temps scolaires individuels pour des cas difficiles, comme celui de Kevin pour lequel il existait au départ une volonté de l'isoler du groupe et de la collectivité : « Voilà, sa démarche c'était de vraiment le prendre en individuel, et c'est qu'on a essayé en tout cas de faire mais on s'est en fait confronté à une logique d'administration et une logique de fonctionnement. Et c'est ce qu'on voudrait maintenant arriver, c'est justement prendre des jeunes comme lui qui viennent d'arriver pour pouvoir les prendre en individuel. Nous c'est vraiment notre souhait pour l'instant, pour pouvoir répondre à des gamins qui posent problème comme ça, Pourtant, cette absence d'individualisation est attribuée par Coline, enseignante, à une logique de fonctionnement et à une logique d'administration et non à un manque de volonté chez les enseignants

, elles s'est vue opposer de fortes résistances de la part des équipes de l'AP et de la PJJ : « Parce que pour l'instant, il est établi qu'ils sont 6h au socio et on va pas déroger à la règle. Voilà, parce que du coup, on a lancé effectivement le projet de casser ce fonctionnement là, de ne plus avoir que 2h en socio et 1h en unité pour essayer justement de prendre les gamins en individuel, mais du coup ça perturbe le fonctionnement de la pénitentiaire, le fonctionnement des éduc? Voilà ça fait toute une machine à bousculer, à faire un autre fonctionnement, ça ne se fait pas du jour au lendemain quoi, parce qu'il y a des gens qui sont pas forcément d'accord, y a des décisions à prendre et c'est? Et voilà c'est ce qui rejoint après dans d'autres milieux de travail, c'est cette lourdeur institutionnelle, sur la prise en charge du gamin, alors qu'au départ c'est quand même sur le jeune qu'on doit essayer de faire évoluer, d'aider et d'être là pour lui, mais du coup il y a cette institution à côté qui est énorme à faire bouger je trouve et puis qui est très dans un cadre et voilà? Dès qu, Une bonne illustration des difficultés de négociation rencontrées par l'Éducation nationale à l'EPM « Chartreuse » réside dans le fait que quand l'équipe enseignante a proposé un emploi du temps différent et des cours plus individualisés pour certains détenus

, Le déroulement temporel de la recherche est ici un élément à prendre en compte

, L'étalement des observations ethnographiques sur deux périodes de quatre mois chacune, espacées par quelques mois, nous a permis d'observer la transformation des rapports entre institutions. De ce point de vue

«. Agora, Vu que maintenant, enfin depuis le début de l'année, on a essayé de manger en unité une fois par semaine à peu près. Donc là, c'était pas mal parce que ça nous donnait l'occasion d'être avec les jeunes à un autre moment mais aussi avec les surveillants et les éducateurs. Mais alors là, venir travailler en unité, c'est vraiment? Enfin ça permet ça. Ils se rendent compte avec quels jeunes on travaille, ce qu'on fait, ils peuvent demander aux jeunes, on laisse plus facilement du travail aux jeunes dans leurs cellules parce qu'on peut leur demander de le ramener

. Michel, S. Michel, and . Epm-«-chartreuse, Et encore une fois, on en a discuté, ils travaillaient dans une classe avec les mêmes élèves toute l'année scolaire quasiment. Et ici, y avait une classe là, un créneau là de deux heures, un créneau là de deux heures, un créneau là d'une heure. Tout était diversifié et y avait énormément? y avait beaucoup plus de difficultés à faire respecter une autorité scolaire. Donc en classe y avait beaucoup plus de? de dérives et puis de débordements. Ils l'ont supporté au début puis ensuite c'était pas possible (?) Ça va nettement mieux parce que bon, ils ont remis un petit peu les choses dans l'ordre à mon avis. Y a instauré une autre manière de travail, bon, c'est tout nouveau, la rentrée scolaire elle vient de s'effectuer. Mais je pense que ça devrait tenir la route quand même

, Cet extrait déborde la question du démarrage difficile de l'équipe enseignante à l'EPM pour évoquer le fait que la « bonne autorité » de l'enseignement est conditionnée par -autant qu'elle conditionne elle-même -certains types de partenariats (ou de résistance au partenariat) avec les autres administrations. Nous examinerons cette dimension par la suite ; au préalable, il convient d'explorer la pluralité de missions de l'Éducation nationale à partir de la façon dont ces missions sont appréhendées par l'équipe enseignante elle-même

, sur les fortes spécificités qui caractérisent l'activité scolaire à l'EPM et sur son importante proximité avec tout un pan de l'enseignement spécialisé. Le responsable de l'Éducation nationale au sein de l'EPM « Chartreuse » effectue notamment un parallèle entre les compétences exigées pour enseigner « avec des jeunes en SEGPA 247 » et celles requises pour enseigner à l'EPM. Il convient d'après lui, dans ces deux milieux difficiles, avant tout de « comprendre les jeunes » : « L'Éducation nationale à un moment donné n'a pas compris certains jeunes [?] En SEGPA, où j'étais j'avais des profs qui avait des Bac+4, Bac+5, pour travailler avec des jeunes en SEGPA qui savent pas lire. Aucun n'avait un parcours normal, traditionnel. Y avait une des profs c'était formidable, elle avait un Bac+5, elle s'occupait de CAP, BEP, tous les diplômes? elle avait sept ou huit diplômes. Mais elle comprenait les gamins, y avait jamais de problème dans sa classe. Donc à un moment donné, Des objectifs pédagogiques et éducatifs? Quand ils évoquent leur activité d'enseignement à l'EPM, les professeurs interrogés insistent successivement, voire simultanément

J. Ainsi and . Accorde-une-importance-capitale-À-l'expérience-des-professeurs-qui-viennent-enseigner-À-l'epm, Comme ailleurs, mais peut-être plus qu'ailleurs, les professeurs doivent combiner avec certains stigmates attachés à l'élève qui tente de s'impliquer : « Travailler en autonomie, ici, c'est être un "mouton", c'est faire ce que les profs veulent. Donc c'est mal vu, ceux qui y arrivent sont costauds [?] C'est exactement la même chose que dans un collège à l'extérieur. Dans un collège, les bons élèves, sans être les fayots hein, mais ils sont considérés, c'est les intellos. Et quand un jeune parle d'un autre en disant "c'est un intello", c'est très péjoratif. Et ben là, c'est la même chose. Sauf qu'on va pas dire "intello" mais c'est le mouton, celui qui fait ce que l'institution lui demande. C'est des ados (rires), ni plus, ni moins, c'est exactement la même chose. Sauf que avec la particularité que c'est enfermé entre quatre murs, étant donné leur parcours professionnel antérieur, étant plus à même de « comprendre les jeunes » et d'agir à l'endroit des élèves les plus en difficulté, voire les plus perturbateurs

A. Contrario, Cette rotation permanente, qui entrave les efforts de projection pédagogique à long terme, nécessite d'importants efforts d'adaptation et d'anticipation. C'est ce que souligne le proviseur de l'EPM « Chartreuse » « Ça m'arrive qu'une semaine j'ai pas d'ajustements. Alors là, c'est un miracle. Ça arrive. Mais c'est? y a tout? faut tout regarder. Etre au courant de tout, faut? mais bon c'est intéressant, certains éléments concourent à faire de l'enseignement à l'EPM une activité spécifique. Parmi les éléments soulignés par les enseignants revient régulièrement le poids des rapports quotidiens qu'ils sont obligés d'entretenir avec les surveillants

, ils sont et de ce qu'ils peuvent faire en prison, ils déplorent souvent le « faible niveau » des cours (« c'est plus de la remise à niveau, on fait pas des trucs durs » ; « c'est un peu facile tu vois ce qu'on fait, mais c'est normal, on est en prison »), ils expliquent également, pour la plupart, qu'ils y vont pour « s'instruire ». « On gratte le papier quand même, ça fait du bien, on a plus l'habitude », explique l'un d'eux. Ainsi, dans les discussions que peuvent avoir les jeunes entre eux, l'école semble être un temps repéré, bien déterminé, qui structure l'organisation de leurs journées, Ha ouais c'est bon ça? » -J1 : « Mais t'as pas école toi ? » -J2 : « Ha ouais? ha j'ai le seum

,. Epm-«-agora,

«. Et-t'es-fatigué-après-une-journée-?--non, Et vasy ! Je dormais jusqu'à midi. -T'allais pas à l'école, en fait ? -Non, quand j'avais pas école. -Ah, quand t'avais pas école, ok. -Parce que je n'ai pas tout le temps école. J'ai école que le lundi, mardi. Mercredi je n'ai pas cours. Jeudi j'ai cours

, exprimer leurs regrets quant à un parcours qui les a mené loin d'une institution qui par contraste paraît désormais enviable, l'école, qui en quelque sorte les rattrape de manière inattendue au sein de l'institution carcérale : « Et vous réussissez à bien suivre les cours, ou c'est toujours un peu? ? -Non, non. C'est plus mieux que le collège, on n'est pas beaucoup dans les classes. Ouais, c'est plus mieux. -Ça se passe mieux ? -C'est plus mieux, parce que tu vas à l'école, t'es tranquille. Tu te lèves, personne te casse pas la tête, Ouala, prof de 6 ième , ici. Ça m'a fait plaisir de la revoir. En plus, elle m'a

, Et est-ce que tu discutes bien avec les profs ? -Ouais, c'est pas comme à l'école. Parce qu'à l'école, des fois ils ont 30 élèves à gérer et des fois, J'étais tout derrière. Alors que là, t'es devant, tu travailles, normal, t'as des petites notes des fois. T'as des brevets, des trucs, voilà

. Karim,

, Ils te disent la justice ça fait réfléchir, mais réfléchir à quoi ? Que t'as pas d'argent ? » Cependant, après trois incarcérations et plusieurs placements éducatifs, Karim a du mal à envisager son avenir. S'il explique vouloir « arrêter toutes ces conneries, ça paye rien, ça m'a rien payé », il reste peu explicite sur les démarches concrètes qu'il pourrait engager. Son visage s'illumine cependant quand il évoque le futur accouchement de sa petite amie : un enfant qu'il veut « assumer », même s'il ajoute que « ça va être dur un peu d'être père ». Il souhaite en tout cas lui donner l'exemple : « Je vais me mettre à travailler, je vais avoir mon gosse bientôt, Karim paraît résigné face aux difficultés qu'il rencontre dans sa vie, vol.6

, Après bien au-delà des toutes les autres considérations c'est vraiment la première chose, quoi. -Et les autres considérations justement ? -Après, ce serait effectivement ce que l'on met en place, des projets de type projet de formation, etc. Mais au-delà de ça, ce que l'on veut obtenir c'est qu'il y ait quelque chose qui se passe qui fasse qu'il ait envie après peut-être d'aller chercher des bouquins, peut-être? Voilà, il y a cette question de formation. Mais on sait bien que pour beaucoup ils ne reprendront pas une formation. C'est des élèves qui étaient déscolarisés. Bon, il y en a quelques-uns qui vont y retourner mais très peu. Mais si on arrive à les réconcilier avec l'école, à les réconcilier avec eux, avec l'image qu'ils ont d'eux-mêmes? Voilà. Il y en a qui nous disent : "j'ai jamais eu ça quand j'étais en classe, comment ça se fait ?". Alors, ça c'est important, quoi. C'est aussi ce travail de reconstruction aussi par rapport à eux. Pour moi c, On peut du reste noter que les professeurs envisagent leur activité, non pas tant comme un processus de rescolarisation

C. Fait-part-l'une-de-ses-collègues-de-l'epm-«-chartreuse, elle insiste sur l'importance de « remettre les jeunes en route dans un projet et leur redonner confiance en eux » : « On a insisté sur le fait qu'à vrai dire, presque peu importaient les moyens. Qu'au contraire, les programmes, à la limite, on n'en tenait pas spécialement compte, que l'important, c'était leur redonner du goût à travailler, ou leur donner le goût à travailler s'ils ne l'avaient pas, leur redonner confiance et leur permettre de faire des projets en groupe. Donc moi, je me vois comme une personne qui devait leur apporter la pêche, du dynamisme, des projets, des idées de départ pour que les jeunes puissent s'en servir

, Un tel établissement est certes, selon lui, une « excellente réponse en termes pénitentiaires », mais n'est, en termes éducatifs et pédagogiques, qu'une solution « palliative », qui ne doit pas faire oublier que l'essentiel doit rester avant tout de soutenir l'école, la vraie : « Pour toi, l'EPM en tant que tel, ce n'est pas? -Ce n'est pas une réponse éducative. La solution au niveau éducatif, c'est plus d'enseignants à l'extérieur, des classes moins chargées, des établissements qui ont plus de moyens. Il n'y a que comme ça que ça peut fonctionner. Ce n'est pas d'attendre qu'ils soient devenus des délinquants, qu'ils soient sortis du système scolaire, qu'ils n'aient pas d'avenir autre que la délinquance et ensuite, faire du palliatif en prison. C'est ridicule, Pour mener à bien cette « mission » -difficile de ne pas songer ici parfois à la connotation religieuse du terme -les professeurs estiment bénéficier de conditions « hors normes », parfois en un sens appréciable : classes aux effectifs réduits, liberté quasi totale sur l'avancée du programme, vol.17

, Ainsi ce détenu qui, revenant d'un cours d'histoire, a lancé un débat, le midi, sur la shoah, l'esclavagisme et les formes de domination subies par certains peuples au cours de l'histoire et qui en est venu, dans une discussion avec l'éducateur et le surveillant présents, et malgré les railleries ponctuelles de ses codétenus, à présenter le racisme comme « le pilier de la société », et « même des fois, de la justice » : « c'est pour ça que les gens disent "black". Ils ont trop peur de dire "noirs", ça leur rappelle trop que tout marche sur la couleur ». Un professeur de français à l'EPM « Agora » nous expliquait ainsi construire ses cours comme une base pour que les jeunes puissent développer certaines ressources argumentatives, en utilisant l'idée de la construction d'une pédagogie qui, fonctionnant en cercle (voire en escargot), permettrait de dériver de l'objet central du cours en tentant toujours de faire progressivement rapprocher les discussions du coeur de cet objet. S'il reconnaît que ce type d'exercices ne fonctionne pas toujours (« parfois ça tombe à plat, et là c'est difficile »), il estime qu'avec les meilleurs groupes de l'EPM « Agora », la méthode est efficace : « Parce qu'on se rend compte assez facilement qu'on est souvent obligé de dériver vers des choses qui les intéressent directement : des faits d'actualité par exemple, puisqu'ils sont très télévision et ils aiment aussi beaucoup regarder les journaux. Donc on dérive sur des faits d'actualité et de ces faits d'actualité, on revient à une structure qui est plus scolaire qui va être celle du débat. Et c'est comme ça, à force de répétitions et à force de tourner autour, qu'on arrive quand même à certains objectifs qui sont des objectifs qui restent scolaires. Qui sont ceux de structurer une pensée, diversification de vocabulaire, des choses de ce genre, L'école peut profiter à certains détenus, qui y trouvent alors des accroches en termes de discussions et de propositions de débats

, Si vous êtes que enseignant, ça ne marchera pas. Il faut qu'on ait un autre? -Et alors qu'est-ce qu'ils doivent être d'autre ? Ben il faut qu'ils soient à l'écoute des jeunes. Il faut de temps en temps? on a prévu de faire des maths, ben tant pis, ça dévie sur un groupe de parole, pourquoi pas, il faut sentir? faut? et puis si ils ont pas envie de travailler ben on discute avec eux et puis on travaille pas. Et peut-être qu'on va discuter cinq minutes avec eux et après ils vont se mettre au travail, Les professeurs estiment ainsi qu'il leur incombe, à certains moments, de savoir « dévier » d'une stricte activité d'enseignement pour mieux servir, par d'autres moyens, un effort plus général de transmission

, Sentir qu'il y a du répondant et que ça se développe. On répond, ça fait naître des envies, peut-être l'envie d'approfondir, de voir d'autres choses? Et une bonne journée, c'est aussi une journée où je les vois sourire, où il y a des moments d'entraide, de partage. Là, tout à l'heure, j'ai essayé une activité que je n'avais jamais faite. C'était pour travailler l'oral et l'argumentation. L'image, c'est qu'on est sur un bateau. Chacun a un personnage attribué : ça va être une femme enceinte, un enfant de huit ans, une navigatrice, une riche héritière, une avocate, Dès lors, ce que les professeurs décrivent comme les « bons moments » de leur journée de travail ne sont pas nécessairement ceux dans lesquels ils ont avancé dans un quelconque programme scolaire, mais plutôt des moments, plus ponctuels et moins prévisibles, où les jeunes se sont « saisis » d'une proposition de l'enseignant pour « approfondir » et « voir d'autres choses

, L'un des objectifs du dispositif éducatif, en particulier, est de faire découvrir aux jeunes détenus de nouveaux métiers, afin de leur permettre, éventuellement, de (se) construire un projet professionnel. À l'EPM « Chartreuse » intervient ainsi une professeure titulaire d'un CAPES en « coordination pédagogique et ingénierie de formation » -« ce n'est pas disciplinaire, c'est normalement des personnes qui peuvent mettre en place des formations en fonction de cas particuliers, donc c'est des gens qui travaillent dans les GRETA, dans la formation continue et aussi dans les missions générales d'insertion de l'Éducation nationale » : « Mais l'on m'a fait venir aussi pour ma spécificité, c'est de pouvoir travailler avec les jeunes sur leur projet professionnel, faire le point avec eux. Alors, aujourd'hui dans le cadre de l'Education nationale, les derniers circulaires et textes, demandent que l'on puisse permettre aux jeunes à partir de la cinquième jusqu'à la terminale, Cherchant à créer les conditions d'une prise de distance, même virtuelle et ponctuelle, avec le quotidien carcéral, les professeurs visent également à aborder les jeunes détenus dans un audelà de la détention

. C'est-À-dire-que, Et s'ils en ont un, est-ce qu'il est réaliste par rapport à ce qu'ils sont aujourd'hui. Déjà, rien que juste pour qu'ils voient où ils en sont. Donc on fait un travail de connaissance de soi. Ceux qui ne savent pas ce qu'ils veulent faire ou ceux pour lesquels je pense qu'ils savent mais y a pas vraiment d'accroche ou il faudrait encore le travailler, je leur propose de leur présenter des métiers et tout ça

, Se manifeste à nouveau la difficulté éprouvée par les différents partenaires, lorsqu'ils visent la construction de trajectoires individualisées (ici, les enseignants connaissent des difficultés semblables à celles rencontrées par les éducateurs), à s'adapter à la diversité des temps d'incarcération des détenus : « Il faut mettre en place une scolarité pour des jeunes qui sont là quinze jours, trois semaines. Evidemment l'objectif n'est pas le même pour ces jeunes-là et pour ceux qui sont là pendant un an ou deux. Donc c'est toute cette diversité là qu'on a essayé de prendre en compte et qu'on prend en compte dans la constitution des groupes et dans l'objectif de travail avec eux. Alors je peux vous citer quelques exemples : on va jusqu'à la préparation d'un examen. Par exemple y en a un qui va rester ici jusqu'en juin il est inscrit à un examen en CAP de cuisine. Et celui qui reste ici un mois, ça peut être l'objectif de lui éviter une rupture scolaire. On a un jeune qui avait fait une seconde pro, on a continué à travailler en partie sur son programme de seconde pro et quand il va sortir dans quinze jours, 2 Individualiser les prises en charge et valider les formations pour voir au-delà de la détention L'un des objectifs de l'Éducation nationale est de poser un regard individualisé sur les jeunes détenus

P. Le-second, Les enseignants doivent tout d'abord distinguer les projets « réels » de ceux qui sont montés dans le seul objectif d'obtenir des remises de peines. Les professeurs se doivent donc de « vérifier » non seulement la faisabilité mais également l'authenticité du projet. Ensuite, les membres de l'Éducation nationale doivent pouvoir faire correspondre le projet désiré par l'élève à ses véritables appétences et compétences. En d'autres termes, l'une des difficultés rencontrées par les membres de l'Éducation nationale est de procéder à un travail d'orientation des élèves. Pour cela, l'équipe enseignante de l'EPM « Chartreuse » dispose, après quinze premiers jours consacrés à l'accueil des élèves, d'une « classe d'orientation » qui « regroupe les jeunes qui n'ont pas de projet professionnel ou pour certains qu'il faut valider » : « Là, on leur fait découvrir un maximum de métiers. Alors on leur fait découvrir théoriquement pas pratiquement. Et là, je suis en? je travaille sur un projet d'ateliers qui va renforcer nos? ce qu'on peut faire pour justement leur faire découvrir pratiquement des métiers [?] Par exemple, bon, on a trois gamins qui veulent être peintres, notamment pour ce qui concerne les détenus qui arrivent à l'EPM avec un « projet professionnel », est de pouvoir évaluer le véritable « niveau » du détenu, afin de pouvoir « valider la formation ». Cet aspect du problème fait surgir différentes questions

, Ce qui fait que j'ai fait des inscriptions pour le CFG, j'en n'ai pas fait pour le brevet des collèges, parce que l'année dernière, au moment où on faisait les inscriptions, y avait pas de jeune. Ça c'est aussi lourd aussi, c'est que nous on a des entrées et des sorties permanentes, et que les inscriptions, c'est à des dates précises. Si un jeune arrive quinze jours après les dates et ben c'est foutu. Alors le CFG encore, on arrive parce que ça fait quand même de nombreuses années qu'y a les gens qui sont en prison qui le passent, on arrive à avoir une souplesse, mais le brevet des collèges ou le CAP, c'est pas possible. Et l'année dernière, on avait réussi à pouvoir inscrire deux, trois jeunes en CAP, bon y en avait plus qu'un qui était là au mois de mai. Mais il l'a passé et il avait 14 de moyenne, donc, ça, ça fait partie des réussites, Cette volonté d'individualiser les parcours scolaires, pour tenter, autant que faire se peut, de pouvoir travailler la situation des élèves « par-delà la détention », est l'une des priorités des équipes dédiées à l'enseignement en EPM. Ainsi le proviseur de l'EPM « Chartreuse » regrettet-il que les jeunes ne puissent pas, officiellement, valider les formations qu'ils passent dans l'établissement

, Face à une telle difficulté, le proviseur de l'EPM « Chartreuse » apporte trois réponses distinctes. La première consiste à transformer la situation de l'élève par un dispositif d'apprentissage, non seulement des savoirs de base, mais également, voire surtout, du « métier d'élève » : « On a des jeunes qui sont en rupture scolaire depuis longtemps, certains depuis la 6 ème . Ils ont 17 ans, ça fait cinq ans qu'ils sont pas allé s à l'école. -Qui peuvent avoir des graves? ne pas savoir lire et écrire. -Ça, ça me gène pas. Ils savent pas lire ? On les apprend à lire, c'est notre rôle. On est là pour ça, on travaille en fonction des niveaux de jeunes. Si y a une remise à niveau à faire avant d'attaquer un diplôme par exemple on le fera. Par contre, un enfant doit savoir faire le métier d'élève pour réussir. Et ce métier d'élève qui quelque fois, pour beaucoup de jeunes, on va pas dire qu'il est? qu'il est acquis, qu'il est? pour être élève il faut savoir se tenir en classe, faut savoir écrire, faut savoir se concentrer, faut savoir ce qu'on dit toujours entre guillemets, être sage. Certains peuvent pas? certains ne savent pas le faire et certains ne peuvent pas le faire. De part leur problématique, par exemple des jeunes qui ont des troubles du comportement avéré, qui ont une orientation MDPH, etc. C'est jeunes-là, L'un des problèmes centraux sur lequel butent les membres de l'Éducation nationale est celui des élèves qui, en amont même de l'orientation en tant que telle, ne remplissent pas les critères qui leur permettraient de pouvoir prétendre être orienté ; soit parce qu'ils sont trop en retard scolairement, soit parce qu'ils présentent des troubles du comportement qui rendent inaccessible, pour eux, le « métier d'élève, 2000.

, La fin de cette citation nous renvoie directement à la seconde réponse apportée par le proviseur au problème de ces détenus qui ne satisfont pas toutes les conditions pour intégrer (ou plutôt être intégré à) un dispositif d'orientation : la réinterprétation de la problématique de l'élève comme ne relevant pas

, Peut-être que tout le monde n'a pas le même discours mais nous, on doit s'adapter aux jeunes. Alors quand je dis nous, c'est peut-être pas forcément l'enseignant dans sa classe. C'est peut-être la structure aussi, l'Éducation nationale qui est ici. C'est-à-dire, il faut que? est-ce qu'il ne faut pas qu'on évolue ? Et c'est ce que je suis en train de faire et je voudrais rajouter un enseignement professionnel supplémentaire. -D'accord. -Est-ce qu'on doit pas? par moment, moi, je dois pas me poser la question sur la réponse que l'on donne aux besoin des jeunes en termes d'Éducation nationale et? n'est pas adaptée, est insuffisante, n'est pas cohérente pas par rapport à un projet, est-ce que nous on doit pas aussi évoluer. -En fait il faut aussi qu'ils soient? que l'équipe soit assez polyvalente finalement. Parce que là, vous avez un groupe qui disparaît? -Non, non. Etre polyvalent. C'est différent. Etre polyvalent c'est : faire des maths, du français, de l'histoire, de l'anglais, de l'allemand, de l'italien etc. -Alors que là c'est la même chose? -Etre adapté, c'est faire du français d'une autre manière, Enfin, la troisième réponse apportée par le proviseur à ce problème des élèves qui ne rentrent pas dans les clous du dispositif de formation et d'orientation consiste à réfléchir à une transformation des pratiques de l'Éducation nationale, dont les agents doivent pouvoir trouver les ressources et les moyens de s'adapter aux jeunes, pour renforcer les possibilités d'individualiser les réponses : «

, son véritable mandat (doit-elle participer à l'orientation des détenus ?) que de celui de ses pratiques quotidiennes. Le proviseur manifeste ainsi une volonté de réflexivité, la discussion avec un observateur extérieur en offrant l'occasion : « Ce qui serait intéressant voilà, c'est d'avoir un peu votre sentiment sur ce qui se passe làbas, Nous, on est dedans

, Se pose alors, en premier lieu, la question des normes du « bon comportement ». Celles-ci sont-elles les mêmes aux yeux de l'AP et de l'Éducation nationale ? Les enseignants doivent-ils accepter les normes pénitentiaires de comportement, au risque de menacer leur position d'extériorité et, par-là, la relative indépendance de l'espace propre du « pôle scolaire » ? Ou, au contraire, doivent-ils tolérer des comportements jugés problématiques par d'autres, au risque de se faire dénigrer par les surveillants qui leur renverront leur manque d'autorité ? Le proviseur de l'EPM « Chartreuse » propose à cet égard une relativisation des normes du « bon » ou du « mauvais » comportement, enjoignant les professeurs à analyser ce qui, dans le comportement jugé « problématique » d'un élève, aux exigences sécuritaires Bien qu'évoluant dans une position de relative extériorité vis-à-vis du reste de la détention, les membres de l'Éducation nationale sont enjoins de répondre à quelques-uns des impératifs de l'AP, au premier rang desquels trône la question de la sécurité

, « A quel moment on parle du trouble du comportement ? A quel moment on parle d'enfant actif, hyper actif ? Pareil, c'est la même problématique. A Henri IV, si vous vous levez trois fois voue êtes hyperactif. A St-Denis, si vous vous levez trois fois vous êtes un enfant sage

, Et quand même à un moment donné on se rencontre que c'est récurrent et ça va pas, ben là, je vais voir les partenaires qui ont peut-être une réponse, peut-être qu'ils n'en ont pas. Mais peut-être qu'ils en ont une, moi j'en ai plus. Mais je mets d'abord tout en oeuvre. Là, on a un cas d'un jeune qui est passé en CPU, qui vient d'arriver, qui pose souci, il a déjà agressé un surveillant, Donc nous il faut d'abord qu'on mette des choses en place pour voir si vraiment c'est sa conduite qui n'est pas? qui ne correspond pas à un bon élève, pour voir si vraiment elle est peut-être dû à nous. Peut-être que nous ici on le met dans un mauvais groupe

. Le-pôle-scolaire-comme-lieu-de-possibilité-d'émergence-d'un-mouvement and . Collectif, Cette question de la régulation des troubles, qui touche à la problématique de l'autonomie relative des diverses institutions qui interviennent conjointement à l'EPM, est d'autant plus cruciale pour l'Éducation nationale que le « pôle scolaire », d'une manière générale, est un espace de la détention réputé comme étant potentiellement « chaud » par l'ensemble des intervenants en EPM : « C'est là qu'on rassemble le plus grand nombre de jeunes, c'est là que les phénomènes de bandes peuvent être les plus importants. C'est là qu'on leur demande le plus de choses qui ne leur plaisent pas. Parce que ce sont des gamins qui sont en rupture avec leur intellect, en rupture avec le scolaire. On a souvent des gamins qui sont sortis du scolaire

. Nous, /. Dans-le-chapitre-surveiller, . Observer, ». Epm-«-chartreuse, and L. Lieu-d'où-avait-commencé-une-mini-Émeute, Ce point nous est également clairement apparu lors de nos observations à l'EPM « Agora ». De fait, l'école est un temps stratégique pour les détenus. Ainsi, les détenus reconnaissent tous avoir des périodes où ils ne veulent plus se rendre à l'école. « Y a des fois je pète les plombs tout seul, j'ai plus envie de rien faire », nous expliquait, aux barreaux, tandis que nous traversions la cours principale de l'EPM « Agora », un jeune qui avait refusé de se rendre à l'école. De même, certains refusent de se rendre à l'école quand ils savent, étant donné le système informel de sanction attaché à la présence du jeune au pôle scolaire (celui qui refuse de se rendre au pôle scolaire, ou qui s'en fait exclure

. «-c'est-un-moment-de-détente-les-cours-?-t'es-heureux-quand-tu-vas-en-cours, ou ça te saoule en général ? -Là toute la semaine, j'ai pas été en cours. Parce que j'avais envie de dormir. -Mais du coup, quand tu refuses d'aller en cours? -? ils te retirent ton activité l'après-midi. -Et c'est souvent que tu vas pas en cours ? -Non non. C'est parce que je suis à la 4 [unité stricte] que j'ai pas envie d'y aller. Y'a pas d'activité l'après-midi, donc ça me punit pas

, de se retrouver avec d'autres jeunes que ceux de leur unité, ce qui constitue, tout d'abord, un moment de détente pour eux : « l'école c'est aussi un moyen de sortir de cellule

T. «-quand-tu-vas-au-pôle-scolaire and . Dis, c'est aussi plus pour passer le temps", ça peut t'arriver d'y aller et de ne pas avoir trop envie de bosser, ou en général t'y vas et? ? -Ben, ouais. J'y vais et des fois je n'ai pas envie de bosser. Je bosse pas. -Et ça se passe? Les profs, ils ne sont pas trop? ? -Non. Ils savent que l'on est en détention. C'est pas comme à l'école dehors, Et du coup, ils sont plus souples ? -Ouais, largement. Ils nous font pas trop de remarques

. De, au rez-de-chaussée du pôle) est aussi un moment stratégique, pour les jeunes, afin de se retrouver nombreux ensemble, éventuellement organiser de petits trafics (de cigarettes, de téléphones, etc.), ou s'assembler pour débuter un mouvement de protestation ou un refus collectif de réintégrer les cours, par exemple : « ils ont réduit le nombre de détenus en promenade, ils ont cassé les groupes en unités, ils savent que y'a que le socio où on peut foutre la merde », raconte Junior, l'un des plus anciens détenus de l'EPM « Agora ». Cela fait du « pôle socio » un endroit particulièrement sensible au sein de l'EPM « Agora » : « si y'a une émeute de toute façon c'est du socio qu'elle partira », expliquait ainsi le chef de détention alors qu'il nous proposait une présentation générale de l'établissement. De même, le surveillant affecté en permanence au pôle socio, Mohamed, présente « son » pôle comme suit : « Le pôle socio par rapport aux autres unités, les autres unités ont maximum, enfin ne peuvent avoir que dix mineurs. Et encore maintenant les groupes c'est 5 mineurs. Mais même avec dix mineurs, tu peux en avoir un à la rigueur qui peut pas voir l'autre mais ça, c'est facile à gérer. Au pôle socio, c'est toute la détention que t'as, une grande partie de la détention et généralement tous ces mineurs-là, ils se croisent ici. C'est pour ça que je disais, c'est une cocotte minute et le jour où ça va sauter, ça pétera. Mais moi, une fois, ça a sauté au mois de janvier

. Ainsi, Même au niveau des pauses, y'avait toujours des petits soucis. C'était à chaque fois là qu'il y avait des interventions quoi. Donc tout ça, ça a été un petit remanié et puis pour l'instant ça se passe plutôt pas mal. Ils se retrouvaient quasiment tous en même temps. Y'a deux salles de pause et ça faisait beaucoup de monde dans les salles et ça se terminait souvent en bagarre ou bien en dégradation, y'avait des dégradations, des trous dans les murs, les questions sécuritaires demeurent essentielles. Un surveillant de l'EPM « Chartreuse » souligne notamment le moment crucial que constituent les moments de « pause

, A l'EPM « Agora », surveillants et professeurs ont ainsi demandé aux éducateurs de la PJJ d'occuper ces temps de latence pour mettre en oeuvre diverses activités éducatives et minimiser, de ce fait, toute effervescence contestatrice ou simplement perturbatrice de la part des détenus. Les éducateurs ont alors vivement réagi à cette proposition, qu'ils ont immédiatement interprété comme une « instrumentalisation » de leur rôle, se servant de cette controverse pour souligner, à nouveau, leur refus de se voir « réduits » à un rôle « d'animateurs » ou, pire, de « surveillants de récréation ». « Nous ne sommes pas des surveillants de récréation, nous ne sommes pas des animateurs, Les pauses, moments importants dans la régulation des troubles, constituent également un objet de tension entre administrations

À. Cependant and &. Epm-«-agora, En soulignant la spécificité des troubles rencontrés au pôle scolaire, les professeurs mettent en avant l'étanchéité de leur administration vis-à-vis des événements quotidiens qui agitent les unités de vie : « C'est régulier, je trouve, quand on commence à s'intéresser à la manière dont les jeunes se comportent en unité, de remarquer que ça ne se passe pas forcément bien en détention mais que ça se passe très très bien en cours », expliquait ainsi un professeur. Ainsi, à propos d'un jeune qui pose de nombreux soucis en unités de vie, comme en témoigne la multitude de ses passages en commission de discipline, un professeur soulignait qu'il n'était « pas un élève désagréable. En tout cas moi, personnellement, j'aime bien discuter avec lui, parce qu'ils travaillent de manière relativement autonome du reste de la détention, les membres de l'Éducation nationale (mais la remarque vaut également pour l'

, De manière générale, l'environnement favorable -censé être construit grâce aux régimes différenciés -est résumé au groupe de pairs avec lequel le détenu entre en contact, c'est-à-dire au choix d'une intégration dans la collectivité ou d'un isolement relatif. Ainsi, certains professionnels déplorent le décalage qu'il peut exister entre une différenciation des régimes au sein des unités de vie et la logique éducative des EPM qui suppose l'organisation de larges plages horaires de vie en collectif : « Quand on les met en pause [les jeunes détenus], c'est vrai que c'est un véritable problème. Parce que c'est là où ils se rencontrent, c'est là où ils sont tous ensemble, et c'est vrai qu'y a beaucoup de tension, ils sortent des coups, ils ont envie de se défouler et voilà quoi. C'est là qu'ils en profitent. Je pense que si on les mettait pas tous ensemble, je pense que ça pourrait améliorer le quotidien. Parce que c'est vrai que les salles, où y se réunissent tous, forcément y a toujours les leaders qui se rencontrent, donc ça peut être aussi source de problème. Et puis les nouveaux qui arrivent, ils essaient de grappiller des trucs à droite à gauche. Si y avait pas ce problème là, de pause, je pense que ça pourrait être mieux

&. Epm-«-chartreuse, une réorganisation du pôle socio et des temps scolaires, basée sur des principes sécuritaires, a engendré une fragmentation des groupes et une limitation des circulations spontanées de jeunes -les salles de classes étant fermées à clef

, Donc on a toujours 3 heures le matin, 3 heures l'après-midi, sauf qu'il y a deux cours de 55 minutes le matin, les jeunes restent dans les salles, donc c'est les profs qui bougent, ce qui permet? tous les incidents qu'il y avait entre-deux, c'est fini. Les jeunes ne se baladent plus. Ça arrive que les surveillants nous enferment dans la classe, donc c'est pareil, il n'y a pas de problème de sortie. Et puis la dernière heure qui reste dans les 3, on est en unité. Et là, on a la possibilité de voir un seul jeune sur des problématiques bien ciblées, des apprentissages bien précis qu'on veut faire avec lui. Donc en fait, c'est le même temps, mais pensé autrement et? je pense que ça marche vraiment mieux comme ça, « On a voulu, je pense, faire peut-être moins du quantitatif, mais du mieux, quoi. Mieux faire les choses

, ou qui en serait exclu, se verrait privé de télévision pour la matinée, ainsi que d'activités sportives ou socioculturelles l'après-midi. C'est donc sur un système de contrainte que repose le fonctionnement du pôle scolaire, en contradiction avec la législation selon laquelle seuls les mineurs de moins de 16 ans sont soumis à une obligation de scolarité. Ainsi, le document de présentation de l'EPM « Agora » insiste sur l'idée que « le choix n'est pas laissé au mineur de plus de 16 ans quant à la fréquentation des cours scolaires : l'école est intégrée dans leur programme, le nombre d'heures de cours varie seulement en fonction du besoin, du niveau scolaire initial ». Fortement critiqué par la directrice de la PJJ lors de l'ouverture, ce système de sanction informel, sans être jamais mis en cause publiquement, suscite des interrogations de la part de certains professionnels, notamment des éducateurs qui se questionnent sur l'idée de contrainte inhérente au fonctionnement du pôle scolaire : « Sur l'ensemble de la PJJ y'a pas un positionnement clair hein? on a des avis divergents. Enfin moi personnellement je trouve ça complètement débile. Parce que c'est pas comme ça qu'on va? l'école c'est pas carotte (?) Je crois qu'il faut arrêter de faire fonctionner le monde avec une épée de Damoclès au dessus de la tête et en disant "comporte toi bien sinon tu vas prendre des coups de bâton". Je pense que? non on peut jouer autrement. Enfin? Moi je sais que quand il y a un jeune qui rechigne un petit peu, enfin pour X raisons, je monte le voir, j'essaye de voir avec lui et de comprendre pourquoi il a pas envie d, La relative autonomie de l'Éducation nationale en matière de gestion des troubles au sein de l'EPM « Agora » : un système de sanctions informelles Pour asseoir l'importance de l'Éducation nationale à l'EPM « Agora » a été décidé un système de sanctions informels selon lequel tout jeune qui refuserait de se rendre à l'école le matin

, Donc, non, je ne pense pas que se soit une bonne? Je pense que la bonne tactique c'est de faire comme ça, c'est-à-dire de fonctionner au cas par cas. On sait bien qu'il y a des élèves, passer deux heures, deux heures et demi? si c'est le début, que ça ne fait pas longtemps qu'ils viennent, Ben, vous pouvez lui laisser les activités". Voilà, donc on le fait de façon? Mais le poser comme ça dans la règle

». , Avant un cours de français auquel nous allions assister, la professeure nous expliquait qu'elle s'occupait là du « pire groupe » à l'EPM « Agora ». Le cours était alors organisé autour de la bande dessinée, la professeure faisant lire aux élèves une planche du livre « Mauss », avant de la comparer à une page du l'ouvrage de Primo Levi, Si c'est un homme. Les nerfs de la professeure sont mis à rude épreuve, depuis le moment où les élèves lui expliquent que cela ne les intéresse pas (« ça va nous servir à quoi la BD une fois dehors, sérieux ? »), jusqu'au moment où les élèves, pendant que la professeure parle, s'insultent de tous les noms, entre eux (« sale tassepé vas y moi je te baise » ; « ouais c'est ça lope-sa »), se battent avec leurs règles, en essayant, pour la forme plus que par peur d'une éventuelle sanction, de se cacher du regard de la professeure. Cette dernière leur demande d'arrêter, s'approche d'eux, fait son cours même très proche d'eux, quasiment assise sur l'une des tables. Quand les débordements se font trop importants, elle les reprend, en particulier quand un jeune lui adressait la parole de manière impolie, à la fin d'un exercice, Quoi ??? J'ai bien entendu là ??? Nan mais ça va pas ??? » -J1 : « Oui, madame G., pardon, excusez-moi [sourire] » -Marie : « Je préfère oui, parce que ça je n'accepte pas hein? » -J1 : « Hey mais vous aussi madame des fois vous dites nos noms

, Détail : Pendant le cours de français, M. A. s'est montré particulièrement provocateur, se mettant plusieurs fois à la fenêtre pour interpeller des détenus en mouvement, refusant de se mettre au travail, cherchant tous moyens de s'amuser. Malgré les avertissements, il ne s'est pas montré spécialement inquiet d'une éventuelle exclusion de cours, Face à des problèmes qui leur sont propres, les professeurs, tout comme les membres de l'UCSA, possèdent leur propre système de régulation des troubles et leur propre règlement intérieur, aspect essentiel dans la construction de leur extériorité à l'intérieur : « On a notre règlement, et on le fait signer aux élèves, comme dans tous les établissements de l'Éducation nationale

, On est juste en train de se regarder, en train de voir le bordel, et puis bon, on fait dégager avant qu'y ait vraiment? qu'y ait un incident? donc on dégage. -Et le plus souvent, c'est le prof qui t'interpelle ou c'est toi qui y va directement ? -C'est les deux. Parce que des fois, je viens, y a du bordel, mais en fin de compte, non c'est rien. C'est juste parce qu'un mineur frappe à la vitre pour appeler un autre mineur dehors, tu vois, c'est rien donc (?) et quand je vois que c'est vraiment le bordel, j'appelle avant des agents, je rentre dans la salle pour discuter, le temps que les autres arrivent. -D'accord, parce que t'avais vu que c'était le bordel. T'as tout de suite compris que t'allais les faire sortir. Tout de suite. Mais c'est le feeling. Après t'as l'habitude. C'est pour ça, En cas d'incidents qu'ils jugent suffisamment graves (des insultes au professeur, notamment), les membres de l'Éducation nationale peuvent également exiger du jeune qu'il rédige une lettre d'excuse. Dans ce cas, un « rapport d'incident

«. Moi, Donc quand? Je me souviens une fois j'étais allé visiter? pendant qu'on n'avait pas d'élèves, on a eu l'occasion de faire plein de choses donc on est allé visiter plein de prisons, etc. Et je me souviens, une fois, les élèves remontaient et il y a un surveillant qui dit à un prof, je trouve qu'on est dans leur maison et que, par conséquent, je pars toujours du principe que c'est eux qui décident. -Même si on est au lycée ici comme vous disiez tout à l'heure ? -Oui, mais on est quand même dans leurs murs

, Ainsi, l'Éducation nationale dispose de son propre surveillant, dont la fixité du poste permet une intégration de ce dernier à ce qui devient alors « son » équipe : « Il y a des surveillants à qui on fait plus ou moins confiance. Et c'est pour ça qu'on a demandé à ce qu'il y ait un surveillant qui soit référent du pôle socio. Ce qu'on a obtenu d'ailleurs et ça c'est important (?) Donc A. il connaît très très bien le socio et bon, on lui fait totalement confiance (?) Quand je dis qu'il connaît bien, le surveillant qui est là, il sait très bien que quand un cours est fini il n'est pas question de le laisser se prolonger parce que ça va pouvoir partir en cacahouète si? ils savent que ça se termine à telle heure, il y a les autres qui commencent à sortir et si il les laisse traîner au bout d'un moment ça va chauffer, quoi. Donc, ça on sait très bien qu'il ne le fera pas, Cette identification de la limite entre ce qui relève du scolaire, de l'UCSA ou du domaine élargi de l'AP dépend donc non seulement du rapport de force établi, dans la stabilisation d'une certaine lecture du « projet EPM », mais également de la qualité des relations quotidiennes entre les membres de l'Éducation nationale et de l'AP

S. Mohamed, reconnaît formellement la priorité de sa mission sécuritaire, il se considère néanmoins comme un membre à part entière de l'équipe de l'Éducation nationale : « Moi, je me considère plus de l'Education nationale même si je

J. Au-cours-de and Y. , Et le quatrième, je ne le connais pas ». Ibrahim a décidé de faire des exercices de géométrie : calculer des angles à l'aide d'un rapporteur, déterminer si certains angles sont adjacents ou non. D'emblée, les quatre jeunes affichent, chacun à leur manière, leur volonté de ne pas se prêter à l'exercice. Sophiane veut rédiger l'en-tête de son courrier au juge. Il vérifie avec un autre l'adresse de l'EPM, et s'il doit bien commencer son courrier par « Madame la juge ». Il vérifie si une sortie de prison consécutive à un mandat de dépôt est bien une « alternative à la libération », et non une « libération conditionnelle ». Ibrahim tente de les convaincre que les deux jeunes peuvent faire leur courrier plus tard, mais il part littéralement dans le vide. De l'autre côté, un troisième jeune déchire sa feuille d'exercice après l'avoir gribouillée, et commence jouer à la bagarre avec le quatrième jeune, en se tordant le cou, en simulant des coups de poings et des coups de pieds, en se donnant des coups de règles. Ils commencent à démonter une chaise. Sophiane et Redouane se décident à faire quelques exercices, engeignant contractuel en mathématiques. Ibrahim me prévient, et commente le planning des cours, où est indiqué le nom des jeunes qui vont participer à son cours : « avec ce groupe là, ça m'étonnerait que j'arrive à les faire travailler

, Une surveillante arrive, tout sourire, elle ne sort pas les jeunes du cours, ce que semblait commençer à espérer Ibrahim. 5 minutes plus tard, un éducateur intervient, dans le cadre d'une « médiation » : Educateur : Je te préviens, si tu continues à foutre le bordel, tu vas manger en cellule, alors t'arrêtes tes conneries maintenant Jeune : Et alors, ça change quoi de manger en cellule ? Educateur : ouais

, Je commence à me demander comment Ibrahim va faire pour tenir une heure et demi ; je ne suis moi-même pas très à l'aise ; les jeunes se bagarrent et deviennent de plus en plus agité, je crains de recevoir un coup, ou une chaise, même si aucune manifestation d'agressivité n'est émise à mon égard. « Monsieur, pourquoi vous n'écrivez pas ce qu'on fait pour votre livre ? ». « Si si, dit un autre, il a déjà écrit une page ». Les surveillants doivent intervenir à nouveau. « Bon, c'est qui qui fout le bordel ? ». Ibrahim désigne trois des jeunes sur quatre, sauvant Redouane qui est celui qui a « le plus » travaillé jusqu'ici. Mais Sophiane se rebelle et hurle : « la vie de ma mère, je l'ai pas fait cet exercice ?! J'ai fait la première fiche. J'ai travaillé pu pas ? Vas-y c'est n'importe quoi ». Ibrahim décide finalement de garder également Sophiane. Les deux autres sont renvoyés en cellule. Il reste " d'heure à tuer. Redouane et Sophiane, restés présents, se lèvent de leur chaise et décident d'écrire des choses au tableau : « La ZUP de Lens KE des balances » ; « La ZUP de Tourcoing que des putains ». Sophiane efface le mot « putain ». Ils dessinent une croix gammée, avant de l'effacer. « Amiens tête de chien ». Sophiane les laisse faire, se poste devant la porte afin qu'ils ne sortent pas trop souvent de la salle de cours, La situation devient de plus en plus tendue, deux chaises volent à travers la pièce, les rapporteurs qui devaient servir au calcul des angles finissent dans la poubelle, les jeunes ne cessent de sortir de la classe, puis de revenir. Le rôle des surveillants consiste à contrôler le couloir. Lorsqu'un jeune sort, la surveillante lui ordonne de rentrer, ce qu'il fait plus ou moins rapidement

L. Choses-se-déroulent-différemment-À-l'epm-«-chartreuse,

. «-y-a-une-prof-qui-s'est-fait-insulter-par-un-jeune and . De-dire, Qu'estce t'as dit sur ma mère ?". Ah oui, elle lui avait juste répondu ce qu'il fallait, ça l'a cassé devant les autres, les autres ont rigolé tout ça. Et je suis arrivé à temps, parce que je suis sûr qu'il allait la frapper quoi. Donc je l'ai sorti, après il s'en est pris à moi, mais ça je suis habitué. C'est pas un problème, ça. Mais après, y a eu aucune médiation, ce prof et ce jeune, la prof est prêt à le reprendre, elle essaie de lui tendre la main, mais parce que comme j'ai interrompu le cycle ici de leur conflit, lui n'a pas eu l'impression, qu'il pouvait se remettre? et depuis, on ne peut plus le remettre avec elle. Pourquoi ? Parce qu'y a pas eu de médiation, quand y a deux jeunes qui s'engueulent on fait une médiation. Là, j'

, Le partage des tâches constitue donc un point de discorde important entre les professionnels. Par exemple, un programme est établi quotidiennement afin de répartir l'ensemble des jeunes au sein des ateliers et cours du pôle socio. Concernant le scolaire, les groupes sont créés par les soins de l'équipe de l'Éducation nationale, suivant les niveaux des jeunes. Cependant, c'est un surveillant de l'AP qui s'occupe de rendre effectif ce programme en, Le récit d'incident par ce surveillant illustre au moins deux aspects importants dans la gestion du pôle scolaire à l'EPM

«. Le-problème-ici, Et après, ce retour là des vacances, si tu veux, les jeunes arrivaient au scolaire, ils voulaient encore changer. Je dis "Non, on est dans le scolaire, y a un programme qui a été établi par l'Éducation nationale, en fonction de vos niveaux scolaires, donc les groupes sont faits en fonction de niveaux scolaires, ou en fonction pour l'après-midi de vos projets de sortie, moi je ne peux pas déroger à ça

, EPM « Chartreuse », les professionnels de l'Éducation nationale sont conscients du partenariat « obligé » qu'il entretiennent avec les autres administrations. Pour le responsable des enseignements, cette collaboration est de toute façon nécessaire pour maintenir un climat relativement calme (« on essaie de les calmer, Si les conflits d'intérêt révélés dans l'extrait ci-dessus font partie du quotidien du fonctionnement du pôle scolaire à l

, Et j'ai besoin de travailler avec l'administration pénitentiaire et la PJJ. Tout? et même l'UCSA. Parce que quand ils font des visites médicales, qu'une psychologue voit une jeune, un jeune qui voit un psychologue, quelques fois quand il sort de là il est pas bien. Donc il faut qu'on soit prévenu et qu'on mette autre chose en place. On sait que tel jeune qui a vu la psychologue, il est pas bien derrière. Il aime bien la cuisine, l'après-midi on le met en cuisine. Il reste une place. Y a un jeune qui est pas bien, il vient d'avoir la CAP, ça c'est pas mal passé etc. Il aime bien la prof d'anglais donc je le mets avec la prof d'anglais. Je sais que ça va bien se passer, « Quand y a un souci dans la classe? on ne travaille pas tout seul. On peut pas travailler tout seul, il faut qu'on travaille ensemble

, On peut les punir différemment, on peut les coller, on peut? y a tout ça quoi. ? Ici, faut faire autrement ». Un système de médiation a également été implanté au pôle scolaire, conformément au Guide méthodologique pour la mise en place des EPM et dans une volonté d'améliorer et d'accroître le partenariat entre l'Éducation nationale et la PJJ. Concrètement, les éducateurs assurent un suivi des incidents qui sont relayés par les surveillants ou les enseignants. Cette « médiation » a lieu dans le bureau des éducateurs au sein du pôle scolaire. Les enseignants déplorent d'ailleurs régulièrement leur manque d'implication dans cette procédure (« Y a un souci, le jeune est enlevé par l'administration pénitentiaire, la PJJ fait une médiation, Lorsque les événements dérapent et qu'un incident se produit, les enseignants expliquent se sentir démunis

, Là déjà je trouve que ça manque, par rapport à leur prise en charge. Et après systématiquement, alors t'as des éducateurs qui vont prendre le jeune trois minutes, vraiment histoire de dire qu'ils ont fait une médiation, et ils le renvoient en cours sans savoir, sans demander à la prof ce qu'elle en pense, sans? Alors que des fois, t'as eu des trucs graves, tu peux avoir eu des menaces comme c'était hier, des menaces, un jeune qui disait "Je vais te balancer la chaise sur la figure" à une prof ou des choses comme ça. Tu remets pas un jeune après ça avec la prof. Je sais pas, j'ai l'impression qu'ils ont pas appris leur rôle de médiation, ce que c'est. C'est pas juste pour les faire?c'est pour savoir ce qui s'est réellement passé et qu'on travaille dessus. Enfin, moi il me semble que c, « Un jeune qui pose un problème ici, ben on va l'envoyer aux éducateurs. Médiation. On le laisse se calmer dans le couloir éventuellement si il est pas du tout réactif pour le moment. Donc on le recadre au niveau disciplinaire. Et puis après, qu'il le veuille ou qu'il le veuille pas, moi ça m'est arrivé de les pousser, mais vraiment de les pousser physiquement dans le bureau, je dis

, Voilà ce qui s'est passé, bon là, on a travaillé en collaboration, y a pas de souci. Je veux que si j'ai un souci, ils puissent venir, intervenir et qu'on puisse le faire ensemble. Et je trouve déjà que c'est pas suffisant. Parce que quand y a médiation, parce que y a eu un problème dans mon cours avec moi et que je suis hors de cette médiation, c'est pas une bonne médiation pour moi. Et jusqu'à présent c'est ça. -Oui, là c'est avec la PJJ donc les médiations ? -Voilà. Mais l'année dernière, par exemple, j'ai eu un problème avec deux jeunes. J'avais fait venir des professionnels et pendant l'intervention du professionnel, j'avais deux jeunes qui avaient été infectes et qui m'avaient renvoyé chier, mais vraiment c'était ça, c'est "Ouais, mais tais toi, t'as rien à dire". Vraiment, alors j'ai rien voulu dire sur le moment parce que y avait l'intervention de la personne et que je voulais pas tout arrêter, donc j'ai laissé. Mais le lendemain matin, je les avais en cours, je les ai refusés. Et j'ai dit "Je ne les accepterai pas en cours tant que je n'ai pas d'excuse et je veux que la médiation soit faite avec moi, Plutôt que d'expliquer la procédure de médiation en elle-même, il nous semble plus instructif de l'aborder à travers un long extrait d'entretien, particulièrement évocateur : « Un exemple, j'ai eu un souci avec un jeune lors d'un cours et j'ai demandé l'aide des surveillants et j'ai ouvert la porte en les appelant et le surveillant était assis sur une chaise, et il m'a regardé il a fait "pffffffff

. -du and . Parti, Et puis rien quoi. Et puis un jour il me dit "Tiens" et une lettre où il me faisait ses excuses. Je dis "C'est très bien. Qui t'a demandé de faire cette lettre, tout ça et plusieurs jours après, je le vois revenir dans mon cours, on me le remet

. -de-l'établissement.--pénit'-?--pénitencier, De toute façon, on peut faire ce qu'on veut, c'est pas nous qui réagirons, c'est forcément à l'extérieur que ça se passe puisque c'est PJJ ou les surveillants. Mais nous, on n'a aucun poids et ça je pense que c'est un dysfonctionnement. -Du coup, c'est un équilibre quand même assez délicat. C'est-à-dire que tu as absolument besoin d'eux pour t'aider on va dire en cas de problème disciplinaire et en même temps, il faut pas qu'ils te délestent complètement de cette tâche là quoi. -Ah ben non. Mais ça serait comme dans un établissement scolaire. Quand on a une difficulté avec un jeune, qu'on l'exclut de notre cours, qu'est-ce qui se passe ? Il va aller voir le CPE, il va être pris en charge et puis après, on va expliquer ce qui s'est passé. Il va y avoir une concertation avec tout le monde. On va faire venir ses parents, donc là je dirais ça serait la PJJ, mais on n'exclut pas le prof. Et après, va y avoir, excuses de faites au professeur. Je me souviens, moi une fois j'avais séparé deux élèves qui avaient commencé à se battre dans un lycée et j'avais pris une claque qui ne m'était pas destinée, mais je l'avais quand même prise. Qu'est-ce qui s'est passé ? Le jeune a été voir le proviseur, il m'a demandé de venir, le jeune m'a fait des excuses devant le proviseur et tout. Voilà, quoi, Je dis "Mais et toi t'en penses quoi

, Vas-y, je vais pas en cuisine. Sérieux, j'y vais pas. Pourquoi ils me mettent en cuisine

. J'y-vais-pas-sérieux-;-»--j, déjà fait des stages en animalerie. J'aime ça, je me sens bien avec les animaux. J'ai fait des stages, j'ai bossé dans des centres équestres. J'ai fait un stage à Auchan, mais ils prenaient que des stagiaires, à la fois, ils embauchaient personne. Après j'ai fait un stage en plomberie, j'ai arrêté. En maçonnerie pareil. C'est en animalerie que je veux bosser moi. Sérieux, moi, si je trouve un métier là-dedans, je suis calme, Premier surveillant : « Tu te crois au Club Med ? La prison, c'est pas le Club Med. T'as pas le choix. On te dit où tu dois aller

, Il reste donc peu de temps, une vingtaine de minutes. Les surveillants décident donc de laisser J. dans le couloir, en attendant la pause et le mouvement général. J'entends depuis le bureau des surveillants le premier surveillant qui insiste et campe sur sa vision de la nécessité d'un « cadre »] -Premier surveillant : « C'est pas le Club Med ici. C'est pas eux qui décident. Il leur faut un cadre. On dit "cuisine", c'est "cuisine". » -J. [s'adressant à un surveillant] : « Pourquoi j'ai pas pu aller en sport ? » -Surveillant : « T'as bien vu, c'est tes collègues d'unité, ils t'ont fait une sale blague. Jusqu'au dernier moment, ils t'ont dit qu'ils voulaient bien changer avec toi, aller en cuisine et toi en sport, et puis au dernier moment "hop, je vais en sport"? après? » J. : « J'aurais dû leur niquer leur gueule ». [L'éducateur m'explique qu'en trois mois, il n'a jamais réussi à faire changer un jeune d'avis : « D'autres collègues sont plus doués que moi, je dois pas avoir le talent pour ça. Après on peut pas savoir pourquoi il veut pas aller en cuisine, L'emploi du temps de l'après-midi n'est pas l'emploi du temps habituel. L'Éducation nationale organise un conseil de classe, ce qui fait que les cours se terminent exceptionnellement à 15h00, avant que les jeunes ne retournent tous en cellule

, se retrouver à deux avec un jeune avec qui il n'a pas particulièrement d'affinités est une punition), et, de l'autre côté, la volonté de l'éducateur de responsabiliser O.] -O. : « Moi, je passe pas mon CFG. La prof elle veut nous faire réviser le CFG, elle pète un plomb pace que je ne veux pas travailler. » -Educateur : « Hé, O., tu vas quand même pas faire le con toute ta vie ! Profite que tu es là pour travailler?, la volonté d'O. de profiter du temps de socio pour avoir des relations avec d'autres jeunes

. P. Qui-Était-censé-préparer-le-cfg-en-compagnie-d'o, entre dans le bureau des éducateurs, et répondant à un surveillant qui lui disait ironiquement d'aller « faire part de sa souffrance intérieure » en médiation] -P. : « Vas-y, ouhala, j'ai pas de souffrance intérieure. » -Educateur : « Alors, qu'est-ce qui t'amènes ? » -P. : « Rien. C'est la prof, elle pète les plombs pour rien. Elle est partie en disant "si vous voulez pas travailler, je m'en vais". Mais le surveillant il m'avait dit "tu peux ne pas travailler, décrivons, à cet égard, la sophistication des pratiques de surveillance et d'observation qui, sous maints aspects

, L'organisation de la détention en EPM n'en est pas moins le fruit d'une articulation et d'une recherche de compromis minimal entre différents ethos professionnels. L'existence d'espaces propres pour protéger l'autonomie relative de certains groupes d'acteurs, et plus généralement l'importance accordée aux éducateurs de la PJJ et aux enseignants témoignent de la distance qui sépare les EPM des QM. Soulignons d'ailleurs ici que nous n'avons sans doute pas suffisamment creusé l'analyse du fonctionnement de l'Éducation nationale en EPM (contenu des cours, modalités de constitution des groupes, nature des suivis personnalisés

, En QM, la gestion entre les deux ailes du quartier répond aux seuls soucis sécuritaires et de confort de travail des surveillants, et réduit de nombreux jeunes à une situation d'abandon, justifiée par des catégorisations stigmatisantes. Celles-ci participent alors à un cercle vicieux performatif, bien identifié par les sociologues de la prison, par le biais duquel les discours font advenir ce dont ils parlent, L'architecture et la dimension spatiale de la régulation des rapports sociaux en détention illustrent elles aussi ces différences entre les deux types de structure

, Si la plupart apprécient le fait de ne pas être constamment enfermés en cellule et de pouvoir bénéficier d'une gamme d'activités (scolaires, sportives, éducatives) plus ou moins étendue selon les EPM et les périodes, d'autres, à l'inverse, le dénigrent par contraste avec le QM, où ils estiment, paradoxalement, jouir d'une certaine autonomie en cellule, et vont parfois jusqu'à valoriser la « vraie » prison. Quoi qu'il en soit, n'ayant guère le choix, ils doivent supporter la détention et s'y adapter. Les jeunes ajustent certains de leurs comportements voire l'ensemble de leur « rôle » en fonction des différents espaces qu'ils arpentent et des multiples interlocuteurs qui leur correspondent. S'il leur arrive de se révéler franchement, notamment entre eux ou à l'occasion d'une conversation privée avec le sociologue, ils sont, de manière générale, en permanence sous le regard d'autrui et se doivent donc de « porter des masques » et, Les nombreuses rencontres, formelles et informelles, permises par l'immersion ethnographique approfondie, nous ont permis de saisir sur le vif les expériences des mineurs incarcérés, en QM et en EPM. Étant donné l'opposition organisationnelle entre les deux structures -immobilité vs. suractivité -, il était crucial de donner à lire les représentations et les points de vue propres des jeunes concernés

, Si l'on a tendance Du côté de la Protection judiciaire de la jeunesse, les dynamiques sont également différentes. Davantage contractuelle, peu encadrée par un directeur souvent contraint de travailler à l'extérieur, l'équipe PJJ de l'EPM « Agora » investit peu la détention (à travers par exemple des activités, ou tout simplement l'animation des unités de vie), se focalisant essentiellement sur les entretiens et le suivi individuels des jeunes. A l'EPM « Chartreuse » en revanche, la concurrence et/ou l'articulation des conceptions éducatives est plus intense, comme en témoigne notamment la diversification des activités proposées -sous, Cependant, l'exercice comparatif s'est révélé fructueux pour aller au-delà des effets d'homogénéisation, évidemment puissants, inhérents à la structure carcérale

. L'équipe-de-l'epm-«-agora-»-est-solide, même de l'EPM ; là où les surveillants sont insécurisés, les enseignants exercent une véritable autorité sur les jeunes, décrits par tous comme polis et respectueux envers eux. À l'EPM « Chartreuse », à l'inverse, la nouvelle équipe, motivée et en pleine évolution au moment où nous réalisions nos entretiens, hérite néanmoins de la grande faiblesse de l'équipe précédente, legs négatif qui fait obstacle à sa conquête de légitimité et d'autonomie en détention (mais, encore une fois, les choses évoluaient et il n'est pas improbable que ce constat soit en partie caduc à l'heure actuelle). Enfin, du côté du personnel soignant, le positionnement des deux cadres santé est radicalement divergent, ce qui, par ricochet, met en position de force ou au contraire de faiblesse certains membres de leurs équipes respectives en fonction de leur positionnement spécifique vis-à

, Cette injonction ne se réduit pas à une figure de discours : elle se concrétise dans la mise en place de multiples commissions (en particulier la CPU) où sont discutés le comportement présent des détenus mais aussi leur situation passée et la manière dont il est possible d'envisager et de construire leur futur. Ces deux mots d'ordre, « partenariat » et « pluridisciplinarité », sont répétés voire martelés, tant pour souligner la singularité du projet EPM que pour rappeler aux professionnels déviants le sens de leur mission dans une telle structure. Ils sont néanmoins quotidiennement mis à l'épreuve par la volonté des diverses administrations de conserver la mainmise sur leur propre espace professionnel et sur leur propre conception du « bon » gouvernement des détenus. C'est le plus souvent à propos de situations circonstanciées que le « projet EPM » per se est débattu par les différents professionnels, à travers des luttes qui, Une tension analogue traverse l'injonction institutionnelle au « partenariat » et à la « pluridisciplinarité

, plus précisément, le « bon profil EPM », c'est d'abord celui est un « un peu à l'aise en détention mais pas trop » ; c'est celui, ensuite, dont les parents sont « coopératifs sans être surprotecteurs » ; c'est celui encore qui s'investit dans les activités proposées sans manifester trop de mauvaise volonté, qui accepte, comme condition de la qualité de sa « prise en charge globale », non seulement de se faire observer par les différents intervenants mais également de se livrer et de dévoiler des parties de soi ; celui, enfin, et plus globalement, qui se montre perméable au travail de « responsabilisation, La définition du « bon détenu » s'avère en effet un enjeu symbolique structurant des controverses entre les différents acteurs de l'EPM, par contraste avec les préoccupations qui dominent le débat public extérieur. Le « bon détenu », ou

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