La grève des Urgences : symbole de la consolidation d’un groupe professionnel face à l’enjeu moral d’égalité d’accès aux soins pour tous
Résumé
Depuis plus de dix mois, en France, les services d’urgence hospitaliers
connaissent un mouvement de grève national sans précédent. Porté par les soignants
des Urgences constitués en collectif, ce mouvement dénonce des conditions de travail
dégradées et un manque de moyens dont les répercussions se perçoivent dans la
prise en charge des patients (manque d’effectifs, manque de lits d’hospitalisation,
manque de matériels). Alors qu’on s’interroge sur la portée de ce mouvement comme
étendard de défense du service public à l’heure où la réforme des retraites fait vaciller
les valeurs morales de la Sécurité sociale, il convient de revenir sur les raisons d’un
tel mouvement à travers l’analyse du travail des groupes professionnels (infirmiers,
aides-soignants) porteurs de cette grève. La réalisation d’un terrain ethnographique
de longue durée dans deux services d’urgence hospitaliers du Nord de la France nous
permet d’inscrire les différentes revendications nationales dans un contexte plus local.
En observant, dans une perspective interactionniste, l’adaptation des différents
groupes professionnels face à l’afflux toujours plus nombreux de patients à moyens
constants, on constate que l’ordre moral égalitaire et démocratique selon lequel l’accès
aux soins serait le même pour tous tend à être remis en cause et par là même pourrait
transformer les pratiques professionnelles des soignants des Urgences.