Compter les morts en EHPAD. La construction et la communication des données de mortalité au sein des EHPAD durant la crise de la COVID-19
Résumé
This paper analyzes the genesis and consolidation of the "statistical argument" (Desrosières,
2008) of mortality during the Covid-19 pandemic, focusing on mortality in EHPAD. Health data
are approached from the perspective of “biopower”, and the article explores the social
conditions of the production and dissemination of mortality data in EHPAD. We show that they
are the result of a territorial and national “agençology” of public health characterized by a
myriad of actors, generating vagueness, uncertainty and fragile data, in a period nevertheless
marked by the centralization of power. The fragility of mortality figures is mirrored by the fragility of the EHPAD institution. We show that these mortality figures are combined with numerous fallibilities, in particular economic (lack of means) and institutional (tension between health and social care) fragilities.
Cet article analyse la genèse et la consolidation de « l’argument statistique » (Desrosières,
2008) de mortalité durant la pandémie de la Covid-19, en se centrant sur la mortalité en
EHPAD. Les données de santé sont abordées sous l’angle du biopouvoir, et l’article explore
les conditions sociales de la production et de la diffusion des données de mortalité en EHPAD.
Nous montrons qu’ils sont le fait d’une agençologie territoriale et nationale de la santé publique
caractérisée par un mille feuilles d’intervenants, générateur de flou, d’incertitude et de données
fragiles, dans une période pourtant marquée par la centralisation du pouvoir. La fragilité des
chiffres de mortalité est mise en miroir de la fragilité de l’institution EHPAD. Nous montrons
que les décomptes de la mortalité se conjuguent avec de nombreuses faillibilités, en particulier
les fragilités économiques (pénurie de moyens) et institutionnelles (tension entre sanitaire et
social).