Sensibilité d'un alliage FeCrMnNi à la fragilisation par l'eutectique plomb-bismuth liquide
Résumé
Les réacteurs rapides refroidis au plomb liquide (LFR) et les ADS (accelerator driven system) utilisent du plomb liquide ou l'eutectique plomb-bismuth (ePbBi) comme fluide caloriporteur. L'un des principaux défis dans le développement de tels réacteurs est de trouver des matériaux de structure adaptés, en termes de tenue à l’irradiation et aux températures élevées mais également pour leur comportement en présence de métal liquide. En effet, la présence de métal liquide peut provoquer des phénomènes de corrosion ou des modifications de comportements et de propriétés mécaniques. Un phénomène récurrent concernant les alliages métalliques ductiles est leur possible rupture prématurée au contact d’un métal liquide, phénomène appelé Fragilisation par les Métaux Liquides (FML). Dans le cadre du développement des ADS et des LFR, différentes études ont analysé le comportement des aciers au contact du Pb ou de l’ePbBi liquide à des températures entre 250 et 550 °C. Les résultats montrent que les aciers martensitiques et ferritiques présentent une sensibilité à la FML pour des températures comprises entre 250 et 450 °C. Les aciers austénitiques à structure cubique à faces centrées (CFC), tels les aciers 316L et 15-15Ti ne présentent qu'une légère FML à des températures plus élevées (supérieures à 450°C) du fait de leur ductilité élevée. Cette FML est associée à des phénomènes de corrosion. En effet, les aciers austénitiques sont très sensibles à la corrosion par le Pb et l’ePbBi liquide, notamment à cause de la dissolution sélective du Ni. Les alliages à haute entropie ou les alliages de composition complexe à structure CFC sont apparus comme une piste pertinente pour limiter la sensibilité à la FML par leur ductilité due à leur structure cristallographique et leur résistance à la corrosion, notamment via la dissolution plus lente en raison de coefficients de diffusion moins importants qu’au sein des aciers.
Dans cette communication, le comportement mécanique en présence de l’ePbBi de l'alliage HEA CFC FeCr15Mn17Ni22 at.% est présenté. Des essais de traction à l'air et dans l’ePbBi liquide saturé en oxygène à 300°C, 400°C et 500°C ont été réalisés à une vitesse de déformation de 5 × 10^(-5) s^(-1). Après essais, les faciès de rupture et les sections transversales des éprouvettes fracturés ont été observées par MEB (Microscopie Electronique à Balayage) et MEB-EDX (Microanalyse par Energie Dispersive de rayons X) pour analyser les effets de l’ePbBi sur le mode de fracture, la microstructure et la fissuration. De plus, le MEB-EBSD (diffraction des électrons rétrodiffusés) a permis d'analyser les phases présentes dans le matériau avant et après les essais ainsi que de déterminer le chemin de fissuration. Le matériau présente à l’air un comportement et une rupture ductile. Il présente une sensibilité à la FML à toutes les températures étudiées. Un faciès de rupture intergranulaire fragile a été observé à 400°C et 500°C et un mode de rupture mixte à 300°C (rupture fragile avec une petite zone de rupture ductile avec la présence des cupules). La présence de particules de Fe-Cr dans les fissures après essais effectués en présence de métal liquide semble indiquer une perte locale de Mn et Ni. Une approche de modélisation basée sur des calculs thermodynamiques a été menée pour expliquer ce cas de FML à haute température avec rupture aux joints de grains et perte de Mn et Ni.
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