Pauvres, déviants, malades. Travail d’inférence et catégorisations professionnelles dans la régulation de l’accès à l’hébergement des personnes sans-domicile
Résumé
This article analyses the criteria that operate in order to allocate shelter to the homeless, as well as their effects regarding how those tend to classify them. We show that such criteria participate in the regulation of sheltering and that regulation is a jurisdiction (Abbott, 1988) disputed by various professional groups and segments. Although a general allocating order is supposed to prevail, based upon the date of the homeless’ demands, many infringements are observed and contribute to break the instituted order. Through inference, which takes place during commissions aiming to allocate shelter, professionals (re)define the homeless’ demands. They come to identify figures that may not belong within the shelters and on the opposite, situations that ought to be taken care of as priorities. The distinction between the deserving and undeserving poor, inherited from history and theoretically cancelled by the unconditional access to shelter, is thus revived.
Partant du constat d’une pénurie structurelle des places d’hébergement à destination des
personnes sans-domicile, cet article analyse les critères d’attribution qui président à leur
allocation et les effets de ces critères en termes de catégorisation des demandeurs. L’accès
à l’hébergement fait l’objet d’un processus de régulation : celle-ci est une juridiction
(Abbott, 1988) faisant l’objet d’un conflit entre groupes et segments professionnels. Si un
ordre général d’allocation des places construit sur le critère de l’ancienneté des demandes
d’hébergement est supposé prévaloir, des résistances s’observent qui contestent l’ordre
institué. Par un travail d’inférence déployé lors de commissions d’attribution des places,
les professionnels (re)définissent les demandes qui leur sont formulées. Ils identifient des
figures indésirables dans les structures d’accueil et à l’inverse, des situations nécessitant un
traitement prioritaire et urgent. La distinction entre pauvres méritants et imméritants, héritée
de l’histoire et théoriquement annulée par la norme d’inconditionnalité de l’accueil, est ainsi
réactivée.