Martine aux archives : appréhender l'auctorialité sérielle dans les archives Casterman
Résumé
The Martine series by Gilbert Delahaye and Marcel Marlier strikingly lacks critical attention, when compared to the immensity of its commercial success. Industrially produced in the context of a massification of young children’s literature, these serial picturebooks testify to the technical modernity of Casterman, to whom they offer a considerable windfall. The Casterman archives, deposited in the State Archives in Tournai, thus offer a fascinating insight into the making of the serial picturebook. The publishing house’s sales statistics and Marcel Marlier’s author file allow us to follow the progressive and paradoxical affirmation of authorship within the framework of a mass collection. As an illustrator of mass-produced picturebooks, Marlier was a commissioned worker for Casterman, whose fortune he nevertheless made. Paid on a flat-rate basis, Marlier gradually switched to copyright; the considerable success of the visual universe he created with Martine ended up, through a contamination effect, in the rest of the “Farandole” collection. The editorial enonciation was gradually replaced by the unexpected rise of a visual authorship.
La série Martine de Gilbert Delahaye et Marcel Marlier fait l’objet d’un désintérêt critique frappant par rapport à l’immensité de son succès commercial. Produits industriellement dans le contexte d’une massification de l’album pour jeunes enfants, ces albums sériels témoignent de la modernité technique de Casterman, à qui ils offrent une manne considérable. Les archives Casterman, déposées aux Archives de l’État à Tournai, offrent une entrée fascinante dans la fabrique de l’album sériel. Les statistiques de vente de la maison Casterman et le dossier auteur de Marcel Marlier permettent ainsi de suivre l’affirmation progressive et paradoxale d’une auteurisation dans le cadre d’une collection de masse. En tant qu’illustrateur d’albums produits en masse, Marlier se voit doublement minorisé – et largement méprisé au sein même de l’entreprise Casterman, dont il fait pourtant la fortune. Rémunéré au forfait, Marlier passe progressivement au droit d’auteur ; le succès considérable de l’univers visuel qu’il crée avec Martine finit, par effet de contamination, par faire école dans le reste de la collection « Farandole ». L’énonciation éditoriale se voit peu à peu concurrencée par l’affirmation inattendue d’une auctorialité visuelle.