TIC et communication de santé publique : une normalisation ambivalente - Université de Lille
Communication Dans Un Congrès Année : 2013

TIC et communication de santé publique : une normalisation ambivalente

Résumé

Les institutions publiques nationales connaissent des transformations en ce qui concerne leur fonctionnement, leurs modalités d'inscription dans l'espace public et de gouvernement du social, sur le modèle de la " communicative governance " (Bang 2003). Dans un contexte caractérisé par le développement des échelles supra-nationales, la mondialisation des échanges, le désengagement budgétaire des etats et par leur mise en cause par des groupes de pression (rosanvallon 2006), fragmentés selon des logiques identitaires (Knorr Cetina 1998), l'importance prise par la communication dans l'action publique, au sens de " l'ensemble des relations, des pratiques et des représentations qui concourent à la production politiquement légitimée des modes de régulation des rapports sociaux " (Dubois 2009) s'est considérablement développée (ollivier-Yaniv 2000, Weiss et tschirhart 1994).xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-micro soft-com:office:office" />Des études sectorielles sur l'action publique sanitaire (Berlivet 2004, Grison et Jacobi 2010, nollet 2010, ollivier-Yaniv 2010, Paicheler 2002) ont mis en évidence que communication constitue un " instrument " (lascoumes et le Galès, 2004) de l'action publique - pour construire les normes dominantes et gouverner les conduites -, ainsi qu'une condition de réussite de l'action publique - pour la légitimer. la communication dans l'action publique est également caractérisée par son adéquation aux idéaux normatifs démocratiques : elle assurerait l'information de l'opinion publique et la participation des citoyens, avec lesquels le déploiement des tiC permettrait d'instaurer une relation individualisée.Ce phénomène est étudié dans bon nombre de démocraties représentatives. au royaume-Uni et aux etats-Unis, les travaux s'inscrivent généralement dans la perspective du " marketing social " de l'etat (Raftopoulou et Hogg 2010, Szmigin, Bengry-Howell, Griffin, Hackley et Mistral 2011), dont ils questionnent l'efficacité.Si l'on saisit ce phénomène à partir des relations entre les groupes d'acteurs impliqués, un double processus apparaît dans les institutions : la professionnalisation d'acteurs en matière de communication, au sens de l'accès aux médias et du déploiement de médias propres à l'institution, numériques en particulier ; la transformation des activités des autres acteurs de l'institution que sont les responsables politiques et leurs auxiliaires, ainsi que les hauts fonctionnaires impliqués dans la publicisation des décisions. Ils forment une " configu ration " (elias 1993) : acteurs politiques ou administratifs travaillent avec les professionnels de la communication présents dans les institutions et dans les agences qui les conseillent. la composante communicationnelle de l'action publique, apparemment rationnalisée, est donc le résultat d'interdépendances entre des acteurs aux statuts, compétences et positions sociales diversifiés ; elle résulte de coopérations, de négociations mais encore de concurrences ou de conflits.Cette problématique sera interrogée au prisme du déploiement des tiC dans la communication de santé publique et ce, pour plusieurs raisons. en premier lieu, dans bon nombre de projets de santé publique des démocraties représentatives libérales, le développement de politiques de communication se substitue aux dispositifs classiques de coercition de l'etat (ollivier-Yaniv 2009). lorsque l'action publique porte sur la sphère privée (alimentation, sexualité), elle contribue à réguler les comportements et à développer l'autocontrôle - au sens d'une " répression des pulsions au profit d'une attitude prospective " (Elias 1990 : 205), plutôt qu'à les contraindre par la loi : l'individualisation de la communication, telle qu'elle serait permise par les tiC, apparaît alors stratégique. la deuxième caractéristique de l'action sanitaire est qu'elle est mise en cause dans la sphère publique, par des controverses sur les rapports entre responsabilité politique, expertise scientifique et médicale, et intérêts économiques. le web et les réseaux sociaux sont le creuset de telles controverses : la multiplication des " crises sanitaires " et la construction de " problèmes de santé publique " y font l'objet de luttes définitionnelles (Henry et Gilbert 2009, Akrich, et Meadel 2007). Enfin, ces processus de définition des problèmes de santé publique sont rendus particulièrement complexes par la technicité des thématiques et l'instabilité des savoirs scientifiques et médicaux.au total, l'action publique sanitaire est caractérisée par des enjeux de normalisation et de légitimation qui fondent sa composante communicationnelle et concomitamment, le recours à des professionnels. la démultiplication des dispositifs techniques (des sites aux réseaux sociaux en passant par les blogs, les forums (Clavier 2010)) et des potentialités dont ils sont apparemment porteurs (transparence, dialogue, participation, ciblage de populations (Monnier 2011)), la rapidité de circulation de l'information ont fait des tiC un lieu d'observation de la transformation de la communication de santé publique.Plusieurs enquêtes de terrain, menées en 2010 et en 2011 sous la forme d'observations et d'entretiens compréhensifs avec des professionnels de la communication (dans les administrations ministérielles et dans les agences), des hauts fonctionnaires et des conseillers politiques ministériels, serviront de base à l'analyse. Ces enquêtes sont plus particulièrement déployées dans quatre des principaux lieux de co-production de la communication de l'action publique sanitaire : le cabinet du ministre du travail, de l'emploi et de la santé (Xavier Bertrand), la Direction générale de la santé et sa Mission information et communication, la Délégation à l'information et à la communication (Département de la communication externe, des événements, de l'internet, de l'information et des relations avec la presse), ainsi que la Direction à l'information et à la communication de l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (inPeS).trois hypothèses sont privilégiées pour mettre en évidence l'ambivalence du déploiement des tiC dans la communication de santé publique.1. Deux phénomènes principaux ont redéfini les pra tiques de la communication de santé publique et donné une importance accrue (qualitativement et quantitativement) aux professionnels du numérique, en particulier autour des pratiques de veille et des usages des réseaux sociaux : d'une part, l'importance accordée au développement du e-gouvernement depuis une vingtaine d'années, comme levier de modernisation de la santé publique et de l'information médicale (Picard et Salgues, 2007), tant par les fonctionnaires que par les responsables politiques ; d'autre part la démultiplication des lieux de discussion des enjeux de santé publique sur internet.2. les caractéristiques socio-professionnelles des spécialistes des tiC - plus jeunes, diplômés de formations spécialisées sur le numérique ou le multimédia, avec une dominante masculine - en font un groupe relativement spécifique relativement à la population générale considérée : ce caractère atypique est souvent perçu comme une rivalité, voire comme une menace, par des acteurs qui perçoivent ainsi leurs savoirs et leurs pratiques comme étant remis en cause.3. la professionnalisation de ces acteurs continue de coexister avec leur politisation et cette politisation constitue un deuxième facteur d'ambivalence : elle leur permet d'être moins dominés (par les collaborateurs politiques ou les hauts fonctionnaires) mais elle contredit certains principes directeurs d'une action de communication institutionnelle, comme la cohérence ou la continuité.
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Origine Accord explicite pour ce dépôt

Dates et versions

hal-00823886 , version 1 (18-05-2013)
hal-00823886 , version 2 (19-06-2013)
hal-00823886 , version 3 (22-07-2013)

Identifiants

  • HAL Id : hal-00823886 , version 2

Citer

Caroline Ollivier-Yaniv. TIC et communication de santé publique : une normalisation ambivalente. Communiquer dans un monde de normes. L'information et la communication dans les enjeux contemporains de la " mondialisation "., Mar 2012, France. pp.167. ⟨hal-00823886v2⟩
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