Participer à la normalisation des Tic : une voie pragmatique indispensable pour préserver la diversité culturelle
Résumé
Les instances de normalisation des TIC sont culturellement, linguistiquement mais aussi socio-économiquement sensibles parce que selon un concept déjà bien connu, elles prédéterminent bien souvent les spécifications des futures prothèses intellectuelles de demain. Il reste que certains comités de normalisation ont un impact potentiellement très important pour la préservation, voire le redéploiement ou au contraire le rétrécissement d'une diversité confrontée à la mondialisation numérique. Les facettes impactées sont certes, au premier plan, la diversité linguistique donc culturelle, mais aussi économique ou professionnelle. Celles aussi des diversités scientifiques, de la densité ou l'isolement de l'habitat ou encore le potentiel d'accès des handicapés. Ainsi, le TC37 (Comité Technique 37) de l'ISO (Organisation Mondiale de la Normalisation) a-t-il, depuis plus d'une cinquantaine d'années mené une activité très théorique bien qu'étant très impliqué dans la terminotique qui est une activité industrielle. Grâce à une famille de normes qui respectent la diversité linguistique et qui se concrétisent sous forme d'un ensemble de cadres numériques XML, les normes du TC37 ouvrent la voie à une interopérabilité et un potentiel d'instrumentalisation universelle des langues et des ressources linguistiques. Cela permettra aussi que se développent une traductique du futur ultra performante, inimaginable aujourd'hui et respectueuses des diversités. Autre instance exemplaire dans le déploiement de la diversité : celle du JTC1 SC2 (Sous-Comité 2 du Comité Technique Joint 1) qui, en une trentaine d'années, a mobilisé en synergie les experts industriels et académiques, des langues idéographiques et alphabétiques pour réaliser une famille de normes, qui est plus connue sous son standard correspondant collégial UNICODE. Elle a permis de poser la première pierre pragmatique d'une interopérabilité normative de toutes les écritures du monde passées ou actuelles, mais aussi les notations musicales ou mathématiques, etc... Ce même JTC1-SC2 héritait cependant d'un ensemble normatif antérieur l'ASCII (American Standard Code for Information Interchange) qui partait du principe inverse : obliger la diversité des écritures du monde à se plier au principe fédérateur unique et universel de l'alphabet latin non accentué. Sous la pression des normalisateurs japonais, chinois et coréens, la communauté industrielle mondiale en synergie avec le monde académique, a choisi la diversité linguistique qui lui ouvrait un bien plus vaste marché que le Sud-Est asiatique aurait ouvert de toutes les façons à son avantage exclusif. Le SC36 (Sous-Comité 36), de son côté, a historiquement suivi une évolution similaire. Il avait été fondé et il héritait des standards AICC et IEEE-LT (Institute of Electrical and Electronics Engineers-Learning technologies) qui répondaient (en simplifiant beaucoup) à des logiques de formation militaires ou aéronautiques unilingues et rigoureuses dans l'évaluation , ne s'embarrassant pas de la diversité, ni linguistique, ni culturelle, ni des philosophies des styles pédagogiques, ni des diversités de disciplines, d'organisations institutionnelles ou de marchandisation de l'éducation et de la formation.. Ce qui est intéressant et qui répond à notre hypothèse proposée dans le titre, c'est que les normes des TIC produites permettront ou non ce redéploiement de la diversité si émerge une minorité agissante et motivée de délégués pour représenter, défendre mais aussi s'investir dans le développement de cahiers des charges normatifs déjà numériquement instrumentalisés qui relayeront et instrumentaliseront cette diversité. Dans le cas du SC36, l'AUF a été un des catalyseurs de cette synergie avec les Coréens et les Japonais (puis les Chinois) ; les Canadiens ont été aussi très soucieux de préserver au minimum leur bilinguisme et les Européens leur multilinguisme fondateur. Autre point, les différences économiques entre les différentes parties du monde, les statuts de langues ou de cultures minorées (du berbère au kanake), font que certaines nations, certaines langues sont absentes ou négligées par les délégations assez riches pour être représentées dans les comités. Cela explique le rôle de relais de délégation que peut jouer notamment l'AUF qui joue déjà le rôle de conseil auprès de pays qui n'ont pas les ressources suffisantes pour s'inscrire par exemple au SC36 et surtout y envoyer des délégations. Ce qui est certain, en revanche, c'est que l'aménagement normatif de ces langues et cultures minorées ne se fera pas par miracle, mais par l'investissement d'experts, d'informateurs ou de spécialistes scientifiques de ces cultures.
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