Comment les professeurs de français parlent-ils de leurs pratiques d'enseignement de l'écriture ? Polyphonie et intertextualité en situation d'entretien à visée de recherche
Résumé
Une partie de ma recherche de troisième cycle intitulée "Les interactions entre oral et écrit dans les démarches d'aide à l'amélioration des textes narratifs d'élèves au collège" étudie dans une approche située, les pratiques de six enseignants en se focalisant sur la combinaison et l'articulation de ressources sémiotiques qu'ils mobilisent, ressources inscrites dans l'environnement de la classe, monde d'objets. L'étude contextualisée et interprétative des interactions didactiques en relation avec les conditions concrètes de réalisation et les ressources des enseignants repose sur un corpus sémiotiquement hétérogène complété par les transcriptions de 23 entretiens.
Ces entretiens livrent un matériau discursif intéressant pour inférer, analyser le sens qu'ils déclarent accorder à leurs pratiques, pour mettre en évidence les modèles disciplinaires et les repères normatifs à partir desquels ils s'orientent et se déterminent (Nonnon, 2007). C'est la théorie du langage de Bakhtine (1977, 1984) qui permet de caractériser le discours des enseignants interviewés dans la mesure où ils utilsent des énoncés attendus et pré-construits, c'est-à-dire des précodés discursifs qui les orientent vers une manière de dire ou de ne pas dire leurs pratiques (Clot, 1999/2002). Mais la situation de l'entretien de recherche offre aussi parfois la possibilité de faire émerger un sens qui ne préexiste pas à la mise en mots. Il permet alors un processus de sémiotisation du monde dans et par l'acte de parole au sens où l'entend Olga Galatanu (2000 : 29). Pour l'ensemble de mon étude, ce premier cadrage conceptuel s'articule aux apports théoriques de deux autres champs de recherche : la didactique de l'écrit (Reuter, 1996) et la sociologie du travail enseignant (Tardif & Lessard, 1999).
En tenant compte du contexte, entendu en cette occurrence au plan linguistique, quelles traces discursives de modèles d'enseignement de l'écriture/réécriture peut-on déceler dans les constructions discursives et polyphoniques que les enseignants opèrent sur leur pratique ? Comment les échos des discours professionnels parfois issus de la recherche scientifique configurent-ils leur discours sur leur pratique ? Quelles stratégies de mise en scène de la pratique et de la professionnalité peut-on repérer ?
Au travers des discours des enseignants, je tenterai de montrer comment plusieurs voix socio-professionnelles s'expriment en analysant leur discours produit en situation par et dans l'interaction.