Crime syndiqué et cinéma : entre langue étrange et langue étrangère
Résumé
Les personnages italo-américains des films de gangsters sont souvent reconnaissables à leur sociolecte, qui justifie notre intérêt dans le cadre de ce volume. Leur fort communautarisme laisse augurer de l’usage de xénismes ou d'emprunts à l’italien, tandis que le caractère dissimulé de leurs activités les oblige à des implicitations à l'aide de métaphores, souvent devenues un argot quasi technolectique. Ce sociolecte peut s’avérer délicat à traduire et on étudie ici son traitement dans les versions françaises doublées et sous-titrées de deux films, de façon à évaluer si, dans un genre aussi parodique que celui de comédies, l’adaptation influe sur la représentation conventionnelle du syndicat du crime comme résultant d’un vice importé et d’une communauté cloisonnée, qui l'isole de la société américaine de laquelle il est pourtant partie prenante.
Car la TAV est vecteur de transfert culturel autant que linguistique et la large diffusion des supports filmiques fait qu’elle participe de la communication interculturelle : les stratégies de sous-titrage et de doublage étant censées relever par essence d’une visée ethnocentrique, qu’advient-il dès lors dans ce processus des marqueurs destinés à souligner au contraire une étrangéité à la fois ethnique et sociale ?
Cette problématique nous conduit à aborder dans un premier temps la place des emprunts à l’italien dans la langue américaine et leur traitement dans les différentes versions linguistiques de ces films, puis la langue cryptique que constitue le technolecte argotique du monde de la pègre et ses traductions audiovisuelles dans le corpus. Notre démarche procède d’une analyse traductologique contrastive qui s’appuie sur les outils de la stylistique, la linguistique et la pragmatique pour confronter doxa et praxis, dans une approche herméneutique de la réception appliquée au cinéma.