Les prisons sont-elles civilisées ? Pourquoi poser cette question ? N'est- elle pas historiquement tranchée? Ne suffitil pas d'explorer l'espoir des inventeurs de la prison pénale pour saisir I'intrication intime de f invention de la prison et du processus de civilisation ? Ces inventeurs n'incarnent-ils pas, à l'instar de la pensée de Beccaria, le refus du secret de la procédure pénale, de la torture, des Supplices, de l'atrocité des peines et de I'inégalité de châtiment selon les personnes ? L'invention de la prison moderne n'est-elle pas inséparable de I'histoire du Progrès, de la prise en main par 1es hommes de leur propre destin, de l'humanisme et de la foi dans la capacité infinie de I'homme à s'améliorer, en bref, de la volonté de faire advenir un monde meilleur conçu humainement de façon rationnelle ? Un peu plus de deux siècles nous séparent de cette mutation si radicale qui oppose les Supplices à la prison, et il n'en faut pas plus pour placer I'observateur contemporain face à une double perplexité, et ce en décalage profond avec l'élan optimiste des inventeurs de la prison moderne.