« The drive of unliving things » : Parasitisme et addiction dans A Scanner Darkly de Philip K. Dick. - Université de Lille Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Épistémocritique. Revue de littérature et savoirs Année : 2018

« The drive of unliving things » : Parasitisme et addiction dans A Scanner Darkly de Philip K. Dick.

Résumé

Malgré la distance qui sépare Confessions of an English Opium-Eater de Thomas De Quincey (1821), et A Scanner Darkly de Philip K. Dick (1977), l’une des métaphores maîtresses de l’addiction dans ces deux textes est celle de la plante parasite. Chez De Quincey, l’addition est incarnée par la fleur rouge de pavot, forme originelle de l’opium qui investit le corps de son hôte. Si la plante est bien réelle chez De Quincey, Philip K. Dick imagine la Substance Mort, drogue issue d’une fleur bleue nommée mors ontologica. L’addiction est décrite dans ces deux œuvres comme une relation parasitaire : le corps est d’autant plus affamé qu’il ingère de grandes quantités, et s’émacie à mesure que l’addiction grandit. L’organisme ingéré dévore son hôte de l’intérieur : De Quincey compare l’opium à des rats qui grignoteraient les membranes de l’estomac, tandis que le protagoniste de A Scanner Darkly a été en partie dévoré par la mors ontologica, qui a produit en lui des dommages neurologiques irréversibles : « it ate his head » (237). La fleur parasite, organisme simple, peut prendre l’ascendant sur un hôte plus complexe en une saisissante inversion de la Grande Chaîne de l’Etre, détruisant les fonctions nobles du cerveau pour ne conserver que les fonctions végétatives. Elle recrée alors son hôte à son image, végétale : « a vegetable among vegetables » (Dick 273). En une floraison paradoxalement porteuse de mort, le propre de ces organismes est de se multiplier aux dépens des forces vitales de leurs hôtes. En un renouveau printanier corrompu – « I saw death rising from the earth » (Dick 275) – la plante parasite brouille la distinction entre vie et mort, « florish[ing] into a noxious umbrage » (De Quincey 275). Dans ces deux textes au genre hybride, entre autobiographie et autofiction, le parasite devient à la fois moteur et métaphore de l’écriture : de l’utilisation dangereuse de l’expérience personnelle pour créer à l’écriture de soi comme expérience parasitaire, qui fictionnalise le moi et brouille ainsi les limites entre le moi et l’autre. Ces deux œuvres tissent leur relation au discours scientifique à travers une réflexion sur l’imagerie médicale comme symptôme d’un désir frustré de transparence à soi. Le scanner chez Philip K. Dick et l’autopsie chez De Quincey renvoient à l’épaisseur et à l’opacité des corps, que seule une blessure pourrait venir révéler. Ils réduisent la vision intérieure à l’état physiologique, réel ou fantasmé, du cerveau, et créent un étrange anonymat au sein du corps, lorsque l’étude du cas se substitue à la connaissance de soi. A travers la métaphore parasitaire, ces textes explorent une expérience sensorielle qui n’est plus celle d’un moi. Ils tentent de figurer, expérience cliniquement impossible, ce que pourrait voir un œil sans vie. Chez De Quincey, il s’agit du regard de ceux qui viennent de mourir, notamment dans Suspiria de Profundis, suite donnée en 1845 à Confessions of an English Opium-Eater. Chez Philip K. Dick, cet œil sans conscience est celui des scanners, qui placent le sujet sous un regard matériel divorcé d’un moi, « [w]ithin something’s very eyes; within the sight of some thing » (185). Il s’agit également du regard des drogués aux séquelles neurologiques majeures, lorsque l’empire de la fleur parasite a réduit l’activité cérébrale aux seules fonctions végétatives, façonnant un corps sans pensée, un œil de chair inanimée : « there’s still something in there but it died and just keeps on looking and looking; it can’t stop looking » (Dick 243).
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02465178 , version 1 (03-02-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02465178 , version 1

Citer

Sophie Laniel-Musitelli. « The drive of unliving things » : Parasitisme et addiction dans A Scanner Darkly de Philip K. Dick.. Épistémocritique. Revue de littérature et savoirs, 2018. ⟨hal-02465178⟩
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