« Ne détruisez pas que cela. Pendant que vous y êtes détruisez tout ». L'acte de création à l’époque de la catastrophe », p. 165-182.
Résumé
Les écrivains de la « désertion » ne peuvent pas se limiter aux vieux mots du vieux monde, ils doivent tout quitter. Il faut aller bien au-delà d’un simple témoignage contre la guerre, au-delà d’une représentation réaliste de ce qui s’est passé, au-delà même d’une dénonciation ou, si l’on veut, d’un « engagement ». On doit tout refuser, tout abandonner (dans désertion, dans son sens étymologique, il y a « désert » : du latin « desertare », dérivé de « desertus », participe passé de « deserere », « abandonner »). On doit tout lâcher : toutes les valeurs, la vérité, le savoir, la beauté. On les laisse à ceux qui sont en harmonie avec cette société violente, avec son mode de production, avec sa culture. Il ne nous reste que la pénurie, le défaut de parole, les babils et les babélismes des barbares, l’incessant et confus monologue intérieur, la puissance de rien. La pauvreté, en somme. Ou si l’on veut : l’inhumain. Tout l’inhumain. On doit repartir vraiment à zéro. Pour ce faire, il faut, d’abord, admettre que la Grande Guerre nous a plongés dans une barbarie définitive. Cela nous évite de nous voiler les yeux face à la réalité. Cette prise de conscience permet, ensuite, notre devenir barbare. Le moment où l’on décide de détruire la destruction.
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