Défendre Duffer’s Drift : l’influence de la mémoire collective et du régime d’historicité sur le choix des enseignements historiques en temps de crise
Résumé
How can we interpret the use of history by decision-makers in debates on contemporary international conflicts? So far, the established theoretical conceptualisations in International Relations have been dominated by individualistic arguments. However, sociological scholarship on collective memory has demonstrated the intersubjective existence of social frameworks governing which histories can actually be mobilised in discourse, and in which functions. Furthermore, this scholarship has also emphasized the importance of intersubjective representations of the meaning and of the relationship to History. Consequently, we can presume the existence of specific “regimes of historicity” that will influence the ways in which individual actors perceive History as a legitimate source of useful and applicable lessons for the present. These two arguments are examined via a semi-qualitative corpus analysis, based on the debates prompted by the Kosovo Crisis in French, German, and U.S. newspapers. This analysis confirms that actors indeed refer more often to events that have had an important impact on national history. Furthermore, a qualitative analysis of references to the First World War and to the Vietnam War also shows that actors in different national contexts use history differently: In the U.S., decision-makers but also journalists and experts seem much more willing to draw usable lessons from the past than in France and in Germany. This may confirm the existence of a specific regime of historicity, shaped by a belief in the structural continuity of history, a belief that might be linked to the foreign policy identity of the U.S.
Comment peut-on interpréter l’usage de l’histoire par les décideurs dans les débats autour de la conflictualité contemporaine ? Jusqu’à présent, les conceptualisations établies des usages de l’histoire dans les Relations internationales ont été dominées par des arguments individualistes. Or, la sociologie de la mémoire collective a montré l’existence intersubjective de cadres sociaux qui déterminent quelles histoires peuvent être mobilisées, et avec quelles fonctions. De plus, cette sociologie a souligné l’importance des représentations intersubjectives du rapport à l’Histoire même. En conséquence, on peut supposer l’existence de « régimes d’historicité » spécifiques qui influencent la manière dont les acteurs regardent l’Histoire comme une source d’enseignements utiles et mobilisables au présent. Ces deux propositions sont examinées grâce à une analyse de corpus semi-qualitative, basée sur les débats de presse français, allemand et américain autour de la crise au Kosovo. Cette analyse confirme que les acteurs de discours font en effet plus souvent référence à des événements à fort impact sur l’histoire nationale. De plus, une analyse qualitative des références à la Guerre de 14-18 et à la Guerre du Vietnam montre également l’existence de variations nationales au niveau des types d’usages de l’histoire préférés par les acteurs discursifs. Aux États-Unis, non seulement les décideurs mais aussi les journalistes et les experts semblent plus prêts à tirer des leçons du passé pour guider l’action au présent. Ceci semble confirmer l’existence d’un régime d’historicité spécifique, lié à une notion de continuité historique qui peut être associée à l’identité de la politique internationale américaine.
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