Des « inactives » très productives. Le travail de subsistance des femmes de classes populaires - Université de Lille Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Tracés : Revue de Sciences Humaines Année : 2017

Des « inactives » très productives. Le travail de subsistance des femmes de classes populaires

Résumé

In a structural unemployment context, blue collar workers and white collar employees are restricted to the precarious margins of both the wage system and independent labor, that used to be central for these groups, especially in deindustrialized areas. These parts of the working class – and the areas they live in – are therefore symbolically deskilled and marginalized, and often described as welfare-dependent and economically inactive – or as delinquents. Based on an ethnographic investigation led in Roubaix since 2011 and on a feminist and materialist perspective, we analyze women’s daily practices as labor, while they are usually not considered likewise. This “subsistence labor” (Mies, 1988) – defined as all tasks and activities that direct daily life as they are necessary to meet needs, to access resources and protection. Subsistence labor is performed by the working class in a context of wage system destabilization, but it is widely made invisible by class, gender and racial social relations. Our participation in community centers workshops enabled us to access women’s daily life and activities – that appeared to be absolutely necessary to families livelihoods. In this article, we first highlight the depth and extent of this subsistence labor, and its collective qualification. We then underline its limits and ambivalences, as it blurs the line between public and private spaces, leading to class (related to social workers) and gender (related to husbands) domination, and to its own invisibility as actual labor. Finally, although subsistence labor is closely related to these women’s exclusion from the wage system, it is totally interdependent with the latter.
Dans un contexte de chômage structurel, ouvriers et employés se trouvent cantonnés aux marges précaires du salariat et de l’activité indépendante, centrales pour ces catégories, en particulier dans les territoires marqués par la désindustrialisation. Ces fractions des classes populaires se voient symboliquement et médiatiquement déqualifiées et reléguées au statut d’assistés et d’inactifs. À l’image des quartiers et villes populaires où elles résident, leurs activités quotidiennes sont fréquemment reléguées du côté de l’oisiveté ou de l’illégalité. À partir d’une description fine des pratiques de femmes suivies dans le cadre d’une enquête ethnographique menée à Roubaix depuis 2011, nous proposons, en suivant les perspectives féministes et matérialistes, de qualifier de travail des pratiques quotidiennes habituellement assimilées et assignées à l’espace du hors travail. Ce travail relève du « travail de subsistance » (Mies, 1988), entendu comme l’ensemble des tâches et activités nécessaires à la satisfaction des besoins, à l’accès aux ressources et à la protection, qui orientent le quotidien. Il est mis en œuvre par les classes populaires dans ce contexte historique de déstabilisation du salariat mais tend à être invisibilisé par un système de rapports sociaux de classe, de sexe et de race. La participation à des ateliers organisés dans des centres sociaux nous a ainsi permis d’accéder au quotidien de femmes qui déploient des activités dont la contribution est essentielle à l’économie familiale. Nous montrons dans un premier temps la richesse et la consistance de ce travail de subsistance, ainsi que la qualification collective dont il fait l’objet. Dans un second temps nous soulignons les limites et les ambivalences de ce travail de subsistance, qui alimente un brouillage ambigu des frontières entre espace public et espace privé, ce qui contribue à son inscription dans des rapports sociaux de classe (vis-à-vis des travailleuses sociales) ou de sexe (vis-à-vis des maris) défavorables à ces femmes et à la reconnaissance de leur travail comme tel. Étroitement lié à l’exclusion de ces femmes du salariat, le travail de subsistance fait cependant système avec lui.

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Citer

Anne Bory, Jose Angel Calderon, Blandine Mortain, Juliette Verdiere, Cécile Vignal. Des « inactives » très productives. Le travail de subsistance des femmes de classes populaires. Tracés : Revue de Sciences Humaines, 2017, Tracés. Revue de Sciences humaines, 32, ⟨10.4000/traces.6862⟩. ⟨hal-03046636⟩

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