Avec la mise en place progressive d’un véritable marché électoral et d’une professionnalisation de l’activité politique, la Troisième République consacre le succès ou l’échec à l’élection comme le moment déterminant du cursus politique. De fait, dans la plupart des cas, sous la Troisième République, la défaite électorale marque la fin d’une carrière politique, surtout lorsqu’elle intervient à l’issue d’un premier mandat . Ce moment de la Troisième République, pendant lequel se construit donc largement l’expérience de la défaite électorale, paraît ainsi un moment particulièrement intéressant à étudier pour saisir les incidences socio-biographiques de cette dernière sur les trajectoires des battus. Le texte propose d’approcher cette question à travers un cas spécifique : celui de la défaite électorale de Clemenceau aux élections de septembre 1893. Figure majeure de la Troisième République, connue comme le « tombeur des ministères », Clemenceau est, en effet, battu au second tour des élections législatives de 1893. Cet échec électoral le conduit à abandonner l’activité politique professionnelle au profit d’une activité littéraire et journalistique. Elle marque ainsi l’entrée dans une « traversée du désert » qui dure jusqu’en 1902 et son élection comme sénateur. Le cas de Clemenceau permet d’interroger, sur la base de différents matériaux historiques (articles de presse, correspondance notamment), les modalités de reconversion et de repositionnement, à court et à plus long terme, de ces nouveaux entrepreneurs politiques dans ce contexte de la Troisième République encore caractérisé par une forte porosité des champs politique, littéraire et journalistique.