Les dix limites de la méthode Duflo
Résumé
L’attribution du prix de la Banque de Suède en économie en 2019 à Abhijit Banerjee, Esther Duflo et Michael Kremer a soulevé l’enthousiasme. Le remettre à une femme, qui plus est jeune comparée à l’âge moyen des lauréats, est remarquable tant le jury a été chiche en la matière : c’est la deuxième fois seulement en cinquante ans. De plus, cette récompense fut le signe d’un tournant empirique de l’économie dominante que l’on peut saluer. Enfin, la question de la pauvreté – le thème de recherche de ces trois économistes – est revenue sur le devant de la scène et est plus que jamais d’actualité en pleine pandémie. Les travaux des trois lauréats portent sur des domaines hautement divers (nutrition, éducation, accès au crédit etc.). Mais ils ont en partage une méthode qu’ils ont largement contribué à populariser et qui est saluée par le comité de la Banque de Suède : les expérimentations aléatoires. Le terme n’est d’ailleurs pas stabilisé en français ; il l’est plus en anglais où il est fait référence aux randomized controlled trials. De quoi s’agit-il ?
À l’instar des essais cliniques « randomisés », – on divise une population en deux groupes, déterminés à l’aide d’un tirage au sort afin d’assurer leur comparabilité –, pour peu que les individus composant l’échantillon soient suffisamment nombreux, on a toutes les chances d’avoir des groupes qui se ressemblent. Dès lors, pour mesurer l’effet d’un « traitement », il suffit de le donner à un seul des deux groupes (qu’on appellera le groupe test), en s’abstenant de donner quoi que ce soit à l’autre groupe (nommé groupe témoin)…