Le codage de l'information morphologique dans l'écriture de mots chez les apprentis scripteurs
Résumé
Les systèmes d’écriture alphabétiques utilisent les lettres pour représenterles unités sonores au niveau du phonème. Néanmoins, certaines orthographes,dont le Français, ne sont pas complètement prédictibles sur la base des phonèmes,et peuvent répondre à d’autres principes, notamment morphologique. Au plan dudéveloppement de l’orthographe, on sait que la complexité orthographique,caractérisée par la consistance orthographique et le caractère dominant ou non desgraphies inconsistantes, est très progressivement maîtrisée et pose des difficultéstout à fait majeures aux enfants en difficultés de lecture (Alegria et Mousty,1996).Une question que l’on peut se poser est de savoir d’une part si les enfantsprennent en considération l’information morphologique, d’autre part si cette prised’information, le cas échéant, distingue les enfants forts et faibles en orthographe.Nous présentons ici une étude sur le développement de l’orthographelexicale. L’hypothèse testée est que l’information morphologique pourraitcontribuer à déterminer, au delà des contraintes liées à la complexitéorthographique, l’orthographe correcte de mots.Nous avons donc proposé des situations d’écriture de mots sous dictée à desgroupes d’enfants de quatrième années primaires, plus ou moins avancés enorthographe (aucun n’étant faible lecteur). Les items sont définis en fonction deleur complexité orthographique (les simples étant consistants, les complexesinconsistants non dominants) et de leur composition morphologique(monomorphémique vs. bimorphémique, ou plus précisément dans ce cas,suffixé). Les résultats indiquent que si la complexité orthographique restedéterminante l’écriture de mots, les performances des scripteurs plus ou moinsavancés s’expliquent également par la composition morphologique des mots. Lesprofils des deux groupes d’enfants témoignent d’effets inverses. Tandis que lesplus avancés bénéficient du caractère dérivé d’un mot pour produire la graphiecorrecte en cas d’inconsistances, les moins avancés sont systématiquement pénalisés par la présence de formes dérivées. Il apparaît donc que les traitementsmorphologiques participent à la production de l’orthographe, mais ces effetsdépendent du niveau d’expertise des scripteurs. En outre, les mesures effectuéesen analyse morphologique orale rendent compte d’une part significative etindépendante de l’écriture des mots dérivés.