Fabriquer son « accès » à l’État. Ethnographie d’un espace de rencontre international entre représentants du secteur privé et public (Afrique de l’Ouest)”
Résumé
The study of the relationship between economic actors and the state in Africa usually focuses on the way the latter shapes the economic world. This article, on the contrary, asks how representatives of the business world try to shape state action. It describes the modes of actions of an organization that represents the interests of traders and entrepreneurs involved in transnational economic activities in West Africa. The text focuses on the organizations’s annual meetings and the closeness that it creates between participants from the private and public sectors. It is shown that this type of event gives the representatives of the association and its members privileged access to government officials, thus enabling them to assert their interests on the ground, along the major roads of West Africa. From this perspecitive free trade and regional integration are the product of a liberal dynamic set in motion by donors, but also the result of the collective action of economic actors who influence the actions of state representatives in the name of the common good and for their commercial interests. Thus, ironically, free trade in the West African region is the product of a series of exchanges reserved for insiders.
Les travaux portant sur les relations entre les acteurs du monde économique et l’État en Afrique insistent avant tout sur la façon dont l’État façonne le monde économique. À l’inverse, ce texte place au premier plan l’étude des moyens concrets par lesquels les représentants du monde économique cherchent à façonner l’action de l’État. Il s’emploie à décrire les modes d’action collective d’une organisation défendant les intérêts de commerçants et d’entrepreneurs dont les activités s’effectuent à l’échelle de la région ouest-africaine. Le texte s’attarde tout particulièrement sur le dispositif mis en place lors des réunions annuelles de l’organisation et la proximité qu’il engendre entre les participants issus aussi bien du secteur privé que public. Il défend l’idée selon laquelle l’organisation de ce type d’évènement confère aux représentants de l’association et à leurs membres un accès privilégié aux représentants de l’État leur permettant de faire valoir leurs intérêts localement, le long des grands axes routiers d’Afrique de l’Ouest. De ce point de vue, les conditions rendant possible l’existence d’une situation de « libre » échange à l’échelle de la région ouest-africaine sont ironiquement le produit d’une série d’échanges excluants, uniquement réservés à une poignée d’initiés.