La catégorie d'"indésirable" et la politique d'internement des étrangers et étrangères en zone libre, 1938-1942. Le cas de Marseille.
Résumé
This chapter analyzes the bureaucratic and police continuities between the tightening of measures against foreigners in 1938, the management aimed at neutralizing "enemy nationals" during the 1939-1940 war, and the implementation of state anti-Semitism between 1940 and 1942. In the end, the Laval-Bousquet policy of the summer of 1942 was as much the consequence of Nazi pressure as the result of a "conjunction of interests" between German and French policies. The "rush", on the French side, of administrative policies targeting "undesirable foreigners, many of whom were Jewish refugees", and "aiming to find ever more effective solutions to make them leave the country" largely explains why "the implementation of the 'Final Solution' by the Nazi regime was seen by the French authorities as an opportunity to get rid of foreign Jews". The focus on this objective explains the blindness of certain Vichy authorities as to the obviously criminal consequences of the deliveries of Jews in 1942 - the very anti-Semitic intendant of the Marseilles police, Maurice de Rodellec du Porzic, thus seems incapable of discerning what separates the emigration of "undesirable" foreigners to the Americas in 1940 from the deportation of Jewish refugees in the concentration system.
Ce chapitre analyse les continuités bureaucratiques et policières entre le durcissement des mesures contre les étrangers en 1938, la gestion destinée à neutraliser les « ressortissants ennemis » pendant la guerre de 1939-1940 puis la mise en œuvre de l’antisémitisme d’État entre 1940 et 1942. Au bout du compte, la politique Laval-Bousquet de l’été 1942 est autant la conséquence de la pression nazie que le résultat d’une « conjonction d’intérêts » entre les politiques allemande et française. L’« emballement », côté français, de politiques administratives ciblant depuis une dizaine d’années les « étrangers indésirables, pour beaucoup des réfugiés juifs », et « visant à trouver des solutions toujours plus efficaces pour leur faire quitter le territoire » explique largement la raison pour laquelle « la mise en place de la “solution finale” par le régime nazi a été vue par les autorités françaises comme une opportunité de se débarrasser des Juifs étrangers ». La focalisation sur cet objectif explique l’aveuglement de certaines autorités de Vichy quant aux conséquences manifestement criminelles des livraisons de Juifs en 1942 – le très antisémite intendant de police de Marseille, Maurice de Rodellec du Porzic, semble ainsi incapable de discerner ce qui sépare l’émigration des étrangers « indésirables » vers les Amériques en 1940 de la déportation de réfugiés juifs dans le système concentrationaire.