Révolution et guerre de conquête. Les origines d'une nouvelle raison d'État (1789-1795)
Résumé
In the analysis of Revolutionary France's external policy, historiography insists on the Year III watershed which is said to consecrate the final abandonment of the rights of the peoples to self-government, and the establishment of a pre-nationalism bearing no relation whatsoever with the principles established by the «Assemblée Constituante». With the urge to insist on the originality of 1795, one runs the risk of underestimating the elements of continuity, though they may be less negligible than commonly accepted. Through the personal evolution of Merlin de Douai, one of the theoreticians of the peoples' rights, one can notice that the essential breaking point is not to be found in Year III, or even in 1792, but as early as 1790. Long before the war, Merlin sometimes abandons his principles for the sake of a new «Raison d'Etat», genuinely national, which already announced Thermidorian pre-nationalism. Thus, as early as under the «Assemblée Constituante», Patriots may have only displayed a token unity around the rights of the peoples to self-government ; a fraction of the movement, where Merlin, Sieyès and Rebwell are to be found, already refused to sacrifice the interests of France to those of mankind.
Dans l'analyse de la politique extérieure de la France révolutionnaire, l'historiographie insiste sur la rupture de l'an III qui consacrerait l'abandon définitif du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et l'établissement d'un prénationalisme sans aucune parenté avec les principes proclamés par l'Assemblée constituante. A trop vouloir insister sur l'originalité de 1795, l'on risque cependant de sous-estimer les éléments de continuité, probablement moins négligeables qu'on paraît habituellement le penser. Dans le parcours de Merlin de Douai, l'un des théoriciens du droit des peuples, l'on s'aperçoit ainsi que la rupture essentielle ne se situe ni en l'an III, ni même en 1792, mais dès l'année 1790. Bien avant la guerre, Merlin sacrifie parfois ses principes à une nouvelle raison d’État, proprement nationale, qui annonçait déjà le pré-nationalisme thermidorien. Ainsi, dès l'Assemblée constituante, les Patriotes n'auraient été unis qu'en apparence autour du droit à l'autodétermination des peuples ; une fraction du mouvement, où l'on reconnaît Merlin, Sieyès et Rewbell, refusaient déjà de sacrifier les intérêts de la France à ceux de l'humanité.