Juge de paix ou tribunal civil : querelle de compétence autour de l’indemnisation des victimes
Résumé
By automatically implementing workplace accident compensations, the French legislator wanted to offer bigger legal and financial security both to the victims and their employers. The first could benefit from a lump sum compensation without the need to file a lawsuit, while the latter had the advantage of a foreseeable cost. However, by dividing the litigations between two separate instances, the justice of the peace and the civil court, a new kind of dispute was created, which lasted for over ten years. The matter was discussed both in jurisprudence and case law and even a legislative intervention in 1905 could not solve the matter. This had severe consequences, as compensations were suspended for the duration of the litigation. The analysis of the archives of a Justice of the Peace district in the North of France reveals that some people heavily suffered because of this deny of justice.
En instaurant une réparation automatique des conséquences d’un accident de travail, le législateur de 1898 pensait apporter à la victime et au chef d’industrie une plus grande sécurité juridique et financière, en garantissant, à la première, une indemnisation forfaitaire sans avoir à engager une démarche contentieuse couteuse et à l’issue incertaine, et , au second, une charge prévisible, minimisée, indépendante des aléas jurisprudentiels. Pourtant, en répartissant les contestations éventuelles sur les différentes réparations entre deux juridictions, le tribunal de paix et celui d’arrondissement, il a suscité un contentieux, qui a perduré pendant plus d’une dizaine d’années. Par delà les débats doctrinaux et jurisprudentiels, qu’un éclairage législatif en 1905 n’est pas parvenu à atténuer, les principes mêmes de la loi ont été mis à mal, l’automaticité étant suspendue durant toute la phase contentieuse. Dans certains cas, la réparation financière, dont le caractère alimentaire a pourtant été reconnu au cours des débats parlementaires, a pu ne jamais être versée. L’étude du contentieux, et en particulier celui émanant d’un canton très industriel du Nord de la France, met en lumière ces situations de déni de justice auxquelles des victimes ont pu être confrontées, en raison de cette querelle de juridiction, ainsi que le rôle des acteurs locaux pour alimenter ou au contraire atténuer les effets pervers de ce débat.