Relation entre motivation, effort cognitif et fatigue subjective en situation de résolution de problèmes auprès d’élèves en cycle 3.
Résumé
Cette recherche vise à explorer les liens entre la motivation scolaire, l’effort cognitif perçu et la fatigue ressentie suite à une séance de résolution de problèmes d’élèves en classe de CM1. Elle s’inscrit dans le cadre de la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2017) qui constitue un apport majeur dans l’analyse de la motivation des élèves vis-à-vis des activités scolaires, de ses déterminants et de ses conséquences (Bureau et al., 2021 ; Howard et al., 2021). Cette approche permet d’appréhender la motivation à partir des raisons pour lesquelles les élèves s’engagent dans les activités scolaires en définissant plusieurs formes de motivation. Celles-ci se situent sur un continuum allant des formes autodéterminées (réalisation d’une activité scolaire sans contrainte pour la satisfaction et le plaisir, et/ou en raison d’un objectif important) à des formes contrôlées (réalisation d’une activité scolaire en raison de pressions internes et/ou externes) de motivation. Les recherches menées dans cette perspective ont largement
démontré que la motivation scolaire engendre un certain nombre de conséquences cognitives (e.g. stratégies, engagement cognitif, focalisation attentionnelle), comportementales (e.g. persévérance) et affectives (e.g. émotions positives, satisfaction) pour les élèves (Howard et al., 2021). Il a également été montré qu’une motivation de type contrôlé est associée à plus de fatigue ressentie par les élèves (Mansy-Dannay & Guerrien, 2002 ; Guerrien & Mansy-Dannay, 2005). Une des hypothèses posées par ces auteurs serait qu’une motivation contrôlée est
davantage propice à la distraction en classe (bavardages, rêveries...), amenant les élèves à partager leurs ressources attentionnelles entre l’activité et ces comportements hors-tâche. Alors qu’une motivation autodéterminée serait favorable à un effort centré sur la réalisation de l’activité, la motivation contrôlée impliquerait un effort supplémentaire lié à la gestion de l’état motivationnel. Ce second type d’effort induirait donc de la fatigue subjective chez ces élèves. C’est dans ce contexte que nous avons cherché à étudier les liens entre motivation pour
une situation d’apprentissage – effort cognitif perçu et fatigue ressentie en fin de séance. Nous faisions l’hypothèse qu’une motivation autodéterminée pour une situation d’apprentissage devait être associée à moins de fatigue ressentie en fin de séance, cette relation était médiée par l’effort cognitif perçu durant la tâche.
Dans cette étude, 161 élèves en classe de CM1 (78 filles et 83 garçons ; M âge = 9.37, ET âge = 0.51) ont participé à une séance d’apprentissage en résolution de problèmes d’une durée de 30 minutes. À la moitié du temps de l’activité, les élèves ont répondu à un questionnaire évaluant l’effort cognitif perçu. Suite à ce questionnaire, les élèves se réengageaient dans la tâche pendant 15 minutes. À la fin de celle-ci, ils devaient compléter les questionnaires de
motivation situationnelle (Guay et al., 2000) et de fatigue ressentie (Guerrien et Mansy-Dannay, 2002). Une semaine avant, les élèves complétaient un questionnaire de motivation contextuelle en mathématiques (Guay et al., 2010) afin de contrôler son effet.
Les analyses de fiabilité indiquent une fiabilité satisfaisante pour la motivation contextuelle (α = .74), pour la motivation situationnelle (α = .78) et pour l’effort cognitif perçu (α = .82). En revanche, l’échelle de fatigue ressentie montre une fiabilité peu satisfaisante (α = .56) et ne sera pas prise en compte dans les analyses. En conséquence, nous ne vérifierons ici que le lien entre motivation situationnelle et effort cognitif perçu en contrôlant la motivation contextuelle. Les résultats indiquent un effet prédicteur significatif de la motivation situationnelle sur
l’effort cognitif perçu, β = -0.29, t(158) = -3.90, p < .001, η2p = 0.08, 95% CI (-0.38; -0.13). Moins les élèves présentent une motivation autodéterminée pour la séance de résolution de problème, plus ils expriment avoir dû fournir des efforts pendant la séance.
Ces résultats seront discutés à la lumière de la théorie de l’autodétermination et offrent de nouvelles perspectives dans la compréhension des conséquences de la motivation dans le contexte scolaire. Ces dernières ont des implications pour la pratique enseignante dont des pistes intéressantes d’application sur le terrain seront développées.