Emma Goldman, la parole pour elle-même ?
Résumé
Des années 1890 à sa déportation vers l’URSS en 1919, Emma Goldman est l’une des principales figures de l’anarchisme états-unien. Juive russe émigrée, elle s’affirme progressivement, d’abord dans les milieux germanophones et russophones anarchistes de New York, puis dans des cercles plus larges ; elle suscite l’enthousiasme et le scandale, est souvent arrêtée, empêchée de parler, et finalement expulsée. Cela permet-il cependant de parler d’elle comme d’une porte-parole du mouvement anarchiste ? Une telle qualification apparaît dès l’abord comme paradoxale ; l’anarchisme repose sur le refus de la représentation, de la hiérarchie, de l’asymétrie. Goldman elle-même se défend de toute volonté d’incarner un groupe, un collectif structuré, comme de vouloir porter une parole auprès d’une quelconque institution.
Pourtant, elle construit progressivement sa légitimité en tant que militante et conférencière, d’abord auprès du milieu anarchiste des immigrés russes et allemands à New York, puis en élargissant ses réseaux et ses publics à l’intelligentsia radicale de la côte Est ; elle porte la parole anarchiste aux États-Unis et ailleurs et représente pour l’État et les journalistes cette idéologie « étrangère » qui menace les fondements même de la nation.