Réussite sportive et idéologie du don. Les déterminants sociaux de la « domination » des coureurs marocains dans l'athlétisme français (1980-2000)
Résumé
This research probes the social construction of the international sport’s success with specific reference to the migration and the achievement of the Moroccan runners in French athletics from 1980 to 2000.
Reconstruction of the individual sporting and social trajectory and dispositional analysis of 30 immigrant runners provide the methodological and theoretical structure of this study.
It appears that this sporting success must be understood in the relation of the structural and symbolic characteristics of Moroccan and French athletics both and of the particular socialized nature of these runners: indeed, what people take for a natural talent (the myth of the gift of the athletic champion) is nothing else than a cultivated nature – whose social genesis has become invisible to those who perceive it in its final way – that results from a long and unconscious process of physical and symbolic transformation immanent to athletic field, at the end of which the runner becomes able to conduct perfectly his career in its social, economical and corporal aspects.
Finally, the athletic international achievement of a specific group is the result of a complex and interdependent system of social, cultural, economical and political conditions rather than the simple consequence of a supposedly extraordinary innate talent.
Cette analyse vise à montrer que l’accès à l’élite sportive procède d’un ensemble de mécanismes sociaux. Le cas exploré est celui de la migration et de la réussite des coureurs marocains dans l’athlétisme français de 1980 à 2000.
A partir de trajectoires d’athlètes intégralement reconstituées – considérant leur parcours comme un itinéraire épistémologique offrant un ordre à la fois chronologique et logique à la compréhension de leur carrière –, il est mis en évidence que le succès athlétique n’est pas la simple résultante de qualités physiques différentielles et que d’autres formes de détermination et de concurrence (d’ordre social, culturel, politique et économique) figurent au principe de leur réussite finale.
Le don qu’évoque le langage ordinaire pour expliquer ce qui fait le champion n’est alors rien d’autre qu’une excellence sportive que ce dernier a pu et a su acquérir – au terme d’un long processus de conversion, tant physique que symbolique, par lequel il est devenu un athlète de haut niveau capable d’une adéquate gestion sociale, économique et corporelle de sa carrière – et dont la genèse sociale est invisible à ceux qui n’en observent que le produit fini.