Éprouver par l'enquête de terrain les singularités des prisons
Résumé
Par abus de langage, on parle généralement de « la » prison pour se référer à un ensemble d’espaces hétérogènes qui n’ont que peu de choses en commun. Les établissements pénitentiaires diffèrent en effet fortement en fonction des spécificités nationales, du profil pénal des personnes qui y sont incarcérées, de leur implantation géographique, de leur architecture, des dispositifs de sécurité qui y sont déployés, des règles formelles et informelles qui y ont cours ou de la mémoire collective des événements qui s’y sont déroulés.
Ces éléments impliquent des modalités d’accès et de réalisation d’enquêtes de terrain qui peuvent différer grandement d’une prison à l’autre. Faire entrer un dictaphone pour réaliser des entretiens ; parvenir à s’entretenir avec des personnes incarcérées dans une salle garantissant la confidentialité des échanges ; circuler relativement librement ou accompagner des professionnels dans leur quotidien, par exemple, sont autant d’éléments qui engagent des rapports de force professionnels et des contraintes locales.
Cette communication s’appuie sur une enquête sociologique en cours, réalisée dans le cadre d’une étude pluridisciplinaire portant sur l’impact de la prison sur la santé mentale des personnes détenues en France. Reposant sur des observations et des entretiens conduits dans trois maisons d’arrêt sélectionnées pour leurs disparités, elle se propose de discuter des modalités concrètes de réalisation des enquêtes de terrain pour en faire son objet d’analyse privilégié. Si ces dernières sont souvent tues, notamment lorsqu’elles se soldent par des échecs, elles sont pourtant riches d’enseignements sur les rapports de force locaux, les routines professionnelles et les différentes organisations carcérales. En cela, dans une perspective inductive, cette communication entend discuter des effets générés par les terrains eux-mêmes sur l’analyse criminologique.