Cet article cherche à appréhender le phénomène de continuité administrative qui existe au sein de la direction du Trésor, dans un contexte d’alternance politique droite-gauche. Il s’appuie plus spécifiquement sur l’analyse des réformes financières qui ont été menées en France, entre 1984 et 1986, sous le gouvernement de Laurent Fabius (Menard, 1998 ; Quennouëlle-Corre, 2015 ; 2018). L’enjeu est d’expliquer un mouvement qui peut, au premier abord, apparaître comme paradoxal, à savoir le fait qu’un changement régulatoire d’ampleur, tel que la transformation des instruments (monétaires et financiers) de la politique économique française, émerge d’un univers composé, à la fois, d’alternance politique droite-gauche et de continuité institutionnelle caractéristique de la haute administration française. L’analyse proposée se situe au carrefour de la sociologie de l’Etat et de la sociologie économique (Bourdieu, 2000 ; Fligstein, 2001), et s’inscrit dans une littérature existante d’ores et déjà consacrée à cette puissante administration de l’Etat français qu’est la direction du Trésor (Eck, 1986 ; Mamou, 1988 ; Quennouëlle-Corre, 2000 ; Descamps, 2018 ; Bezès, Descamps, Viallet-Thévenin, 2019).