Les « arrêts étendus » du parlement de Flandre : étude d’une spécificité juridique locale
Résumé
The registers kept in the Archives départementales du Nord, under the references AD Nord 8 B 2/593 to 632, which record the extended decisions pronounced by the Parliament of Flanders between 1668 and 1788, have so far escaped the systematic scrutiny that would permit to understand the nature of the documentary source. Indeed, the extension of the decision, at first sight, is a procedural originality that can be found in no other « stile » of the Kingdom of France. One must go back to the Great Council of Malines to see it in use already. The reference to this sovereign court is not a surprise when one remembers that the Parliament of Flanders was established as a substitute to this court in the territories placed under France’s dominion in the wake of Louis XIVth’s conquests. The thorough study of this practice nevertheless shows that it does not rest entirely on custom and that regulatory dispositions were taken both to consecrate it and partially to control it. In a similar way, it is the originality of this practice that caught our attention. Indeed, it could be believed that, because the extended decisions account for the totality of the procedure from the very first instance and because they permit to identify the means of the parties involved, they make up for the absence of motivations of law court decisions as is the practice in the modern period. It is most probably not the case even though the procedural usefulness of this careful account cannot be denied ; it does not permit in itself to understand the decision taken by the judges. Furthermore, it is far from certain that the other sovereign courts of the Kingdom did not pronounce sentences with a similar content, even though they might have assumed different names and different shapes.
Les registres conservés aux Archives départementales du Nord, sous les cotes AD Nord 8 B 2 / 593 à 632, qui regroupent les sentences étendues rendues par le parlement de Flandre entre 1668 et 1788, n’ont jusqu’à présent fait l’objet d’aucune étude analytique permettant de comprendre la nature de la source. En effet, l’extension de la sentence, à première vue, est une originalité procédurale que l’on ne retrouve dans aucun autre « stile » du royaume de France. Il faut se référer au Grand Conseil de Malines pour en retrouver la pratique. Le renvoi à cette cour souveraine n’est guère surprenant dans la mesure où le parlement de Flandre s’y est subrogé pour les territoires passés sous domination française suite aux conquêtes de Louis XIV. L’étude approfondie de cette pratique montre néanmoins qu’elle ne repose pas sur le seul usage et que des dispositions réglementaires sont venues et la consacrer et l’encadrer partiellement. Parallèlement, c’est l’originalité de cette pratique qui a retenu notre attention. En effet, on a pu croire, parce que les sentences étendues rendent compte de l’ensemble de la procédure depuis la première instance, parce qu’elles permettent de dégager les moyens des parties, qu’elles palliaient l’absence de motivations des décisions de justice en usage pendant la période moderne. Il n’en est sans doute rien même si l’utilité procédurale de cette rédaction ne peut être niée ; elles ne permettent pas à elles seules de comprendre la décision rendue par les juges. Plus encore, sous des noms différents, sous des formes différentes, il n’est pas certain que les autres cours souveraines du royaume n’aient pas rendu des sentences au contenu approchant.