Vitre et vitrine : le motif du peep-show dans Atlas d'Antoine d'Agata
Résumé
Antoine d'Agata est un écrivain et un photographe de l'intime. Son sujet de prédilection est le corps dans ce qu'il a de plus intime : sa sexualité. En composant son Atlas – œuvre photolittéraire publiée en 2016 aux Éditions Textuels -, Antoine d'Agata prend pour sujet les prostituées et les strip-teaseuses, femmes dont les corps sont des agalma, c'est-à-dire des objets de désir promesses de jouissance. L'écrivain-photographe le reconnaît lui-même : il est « tour à tour, prédateur avide et témoin fasciné » de leurs « chorégraphies sensuelles ».
Son Atlas semble, à première vue, placer le lecteur-spectateur dans une position de voyeur, derrière un livre qui s'assimile à la vitre du peep-show : une frontière visuelle semblable à une vitrine, qui sépare et isole vu et voyant, et qui permet une « jouissance du voir » à travers le spectacle – immortalisé par le biais de la photographie – d'un corps désirable et de son intimité. Cet Atlas pourrait se limiter à être un catalogue où les spectacles et les filles s'accumulent, vitre après vitre, à la façon du peep-show.
Cependant, le but d'Atlas n'est pas de rejouer le peep-show, mais de le déjouer. Agata pense son livre comme une « ligne de passage », c'est-à-dire une traversée de cette vitr(in)e afin de changer notre perception de celles qui n'étaient jusque là que de agalmas. Pour cela, il leur donne la parole, et mêle ainsi aux photographies des corps nus et désirables les paroles retranscrites de ces femmes. Se réunissent et s'opposent alors deux régimes de représentation de l'intime : l'intime spectaculaire du peep-show, source de désir, et l'intime au sens étymologique du terme, intimus, « le plus intérieur », ce que l'on garde pour soi et – par conséquent – qu'on cache aux autres.