Art martial, art d’action : la performance comme modèle poïétique dans l’art photolittéraire d’Antoine d’Agata
Résumé
« Une photographie se définit à travers et au sein même de l’acte où elle naît » : par ce postulat, le photographe et auteur contemporain Antoine d’Agata insiste sur l’importance de la prise en compte de l’acte poïétique dans l’appréciation de ses ouvrages photolittéraires, à la fois « « [c]orps à l’œuvre et œuvre du corps ».
La photolittérature d’Agata est l’héritière de l’ambiguïté originelle avec laquelle « la photographie s’est immiscée dans l’art, à la fois en tant que document sur le geste artistique et en tant qu’œuvre d’art » : elle cristallise des moments d’un rituel poïétique continu. Agata conçoit la photographie comme un « art martial » : un art indissociable d’un ethos, qui se pratique au rythme de l’existence et qui engage le corps, mettant en danger son intégrité, voire sa vie ; art qui suppose une pratique réglée et régulière, et par conséquent rituelle, où les gestes se répètent afin de donner naissance à l’œuvre. Dans la poïétique d’Agata, « une recherche expérimentale qui prend chair dans [s]es actes », l’action, l’expérience, prime sur ce qui en constituera la trace visible et lisible.
Tout ce rituel repose sur une mise en condition créatrice du corps, qu’Agata considère comme « le seul matériau » . Ce corps, qu’il montre et qu’il raconte dans ses ouvrages (où la monstration du processus poïétique fait partie de l’œuvre, qui dépend de lui) , est également un outil de résistance, dont les fonctions se rapprochent de celles que Françoise Néau attribue au corps de Gina Pane : « le corps en acte […] prend dans une cas une fonction désaliénante », et le langage corporel qui est le sien « s’oppose à ce que la société assigne » tout en rendant lisibles et visibles « le social et ses dangers ».
Cette communication se propose d'étudier la poïétique d’Agata, qui prend pour modèle la pratique de la performance, où le corps devient un outil de transgression, de protestation et de résistance, mais également un champ d’expérimentation, et où la pratique artistique est inséparable de la vie de l’artiste, vie qu’il met en jeu au cours de ce processus créateur.