Etudes de communication
Résumé
L’organisation des connaissances est un champ d’activités, d’étude et de recherche, peut-être même une discipline, qui occupe une partie seulement du vaste territoire couvert par les sciences de l’information. Tennis le décrit très généralement comme ce domaine d’étude et de pratique qui s’intéresse à la conception, à l’examen et à la critique des processus d’organisation et de représentation de documents que la société juge utile de préserver1. Très fortement lié à la tradition bibliothéconomique d’indexation et de classification des contenus documentaires, le domaine de l’organisation des connaissances fut investi d’abord par les bibliothécaires, documentalistes, archivistes et autres professionnels de la représentation et du repérage des documents. Graduellement, il a élargi ses frontières conceptuelles en accueillant les spécialistes d’autres disciplines (linguistes, terminologues, informaticiens et sociologues notamment) pour faire face aux nouvelles réalités du traitement et de la diffusion de l’information transmise par les documents, quel que soit le support matériel. Ceux qui se disent spécialistes de l’organisation des connaissances proviennent d’une étonnante diversité de milieux, se réclament d’une variété de traditions et se consacrent à l’étude d’un large éventail de thématiques.
Lors des colloques internationaux et nationaux qui portent sur l’organisation des connaissances généralement, ou sur l’un ou l’autre de ses aspects, une telle diversité enrichit les échanges. Mais elle laisse aussi une forte impression de dispersion et crée, au sein même des rangs modestement peuplés des professionnels et des chercheurs dans le domaine, des sous-groupes d’intérêt divergents qui, à moyen terme, verront s’amenuiser l’impact de leur action dans les systèmes d’information contemporains.
L’absence d’une description concrète et fonctionnelle de ce qui est du ressort de l’organisation des connaissances et de ce qui ne l’est pas est l’une des causes principales de la transformation d’un champ d’action originalement bien délimité en un domaine refuge auquel tous pensent pouvoir se rattacher. De plus, les relations existant entre champs d’activités et de recherche voisins mais à visées différentes, l’organisation des connaissances et la gestion des connaissances par exemple, semblent de plus en plus embrouillées.
Une réflexion s’impose sur les véritables fondements théoriques et pragmatiques de l’organisation des connaissances. Les principes qui ont servi jusqu’ici d’ancrage à nos activités, le contrôle du vocabulaire, la règle de spécificité, la caution bibliographique et l’organisation logique du général au spécifique ne suffisent plus pour gérer la complexité grandissante de l’univers du savoir ainsi que la diversification des besoins et des comportements informationnels.
Cette réflexion est essentielle à la transformation des modèles et structures existants conçus par et pour des analystes et des usagers humains en structures exploitables par des engins de recherche. Elle se traduit en un ensemble de questions que l’on peut catégoriser selon qu’elles se rattachent aux dimensions épistémologique, théorique ou méthodologique de l’organisation des connaissances. La liste de questions proposées ici doit être considérée comme un échantillon seulement des orientations possibles et des thématiques à traiter.
Dimension épistémologique
Peut-on circonscrire l’univers des connaissances à représenter et à organiser ?
Comment définir et distinguer connaissance, information et document, trois entités à représenter et à organiser ?
Peut-on réconcilier les visions positiviste (connaissance naturellement structurée) et pragmatique (connaissance structurée en fonction des besoins et des intérêts) ?
Peut-on réconcilier l’organisation du savoir telle que proposée par les philosophes, les anthropologues, etc. et l’organisation des connaissances telle qu’elle se pratique dans les milieux documentaires ?
Dimension théorique
Quelles pistes théoriques emprunter pour circonscrire le champ couvert par l’organisation des connaissances ?
Y a-t-il nécessité d’une théorie unifiée de l’organisation des connaissances ?
Existe-t-il une ou plusieurs théories unifiées de l’organisation des connaissances ?
L’organisation des connaissances se base-t-elle plutôt sur un ensemble disparate d’éléments théoriques empruntés à d’autres disciplines ?
Pourquoi l’identification et la compréhension des fondements théoriques de l’organisation des connaissances, unifiés ou non, sont-elles essentielles ?
La normalisation de la terminologie de l’organisation des connaissances est-elle essentielle ?
Sur quelles bases théoriques peut-on comparer divers modèles et structures d’organisation des connaissances (disciplinaire, phénomène ou objet, taxinomique, mono-hiérarchique, multidimensionnel (facettes), horizontal (folksonomies, mots-clés, etc.) ?
Par quoi remplacer le modèle traditionnel d’organisation à base disciplinaire ? Et pourquoi ?
Dimension méthodologique
Quelles méthodes privilégier en recherche fondamentale ou appliquée portant sur l’un ou l’autre aspect de l’organisation des connaissances ?
Quelles méthodes, fondées sur un cadre théorique légitime, peuvent être appliquées à la conception de systèmes d’organisation des connaissances, à leur mise à jour et à leur exploitation ?
Quelles méthodes privilégier pour l’évaluation des approches théoriques et méthodologiques en recherche ?
Quelles méthodes privilégier pour l’évaluation des systèmes d’organisation des connaissances ?
Comment prendre en compte les aspects culturels et éthiques de l’organisation des connaissances ?
Comment assurer la qualité des outils et produits de l’organisation des connaissances ?