Comment faire Peuple ? Le cas des protestations publiques au Maghreb
Résumé
Reporting on the activities of cyber activists leads to investigating public protests and the many places where they are expressed. Cyber activism is not an autonomous sphere of activity. Rather, it is part of a larger movement to develop public issues. In other words, we are not in the presence of two distinct spheres : the sphere of cyber activists, a “virtual community” and that of society, a terrain for political struggles between groups whose interests are both different and contradictory. Under these circumstances, a comparative study reveals how communication tools, though technically identical, may serve different social and political purposes. Their use is primarily part of restraining national frameworks that give them form, consistency and symbolic meaning. While there is a link between cyberactivist militancy and popular protests in the three Maghreb countries, it is no less true that the connection between these worlds of organized protests unfolds differently depending on their national histories, balance of powers and extent of claims. Yet comparison is useful in revealing a central invariant element : the difficulty in acting as one people and collectively produce unity to institutionalize division ; in other words, to give their right and legitimacy to misunderstandings and politics. This is indeed a major challenge facing the three Maghreb countries today, through multiple public protests (whether riots or not).
Rendre compte des activités des cyberactivistes, c’est être conduit à étudier les protestations publiques et les nombreux lieux dans lesquels elles s’expriment. Le cyberactivisme ne constitue pas un domaine d’activité autonome. Bien au contraire, il participe d’un large mouvement d’élaboration d’enjeux publics. Autrement dit, nous ne sommes pas en présence de deux sphères distinctes : la sphère des cyberactivistes, « communauté virtuelle », et celle de la société, territoire de l’action politique et des luttes entre des groupes aux intérêts à la fois différents et contradictoires. Dans ces circonstances, mener une enquête comparative permet d’observer combien des dispositifs de communications, pourtant techniquement identiques, peuvent faire l’objet d’usages sociaux et politiques différents. Ces usages s’inscrivent avant tout dans des cadres nationaux contraignants qui leur donnent forme, consistance et signification symbolique. Si les liens existent entre le militantisme cyberactiviste et les contestations populaires dans les trois pays du Maghreb, il n’en est pas moins vrai que l’assemblage entre ces univers de protestations s’organise et se déploie différemment en fonction des histoires nationales, de l’état des rapports de force et du développement des revendications. Mais la vertu de la comparaison, c’est de mettre en scène un invariant central : celui de la difficulté à faire peuple et à produire collectivement son unité en institutionnalisant la division ; c’est-à- dire en accordant leur droit et leur légitimité à la mésentente et au politique.C’est bien à cet enjeu majeur que sont confrontés aujourd’hui, au travers des multiples protestations publiques (sous forme d’émeutes ou non), les trois pays du Maghreb.