Les enquêtes statistiques montrent que les adolescents sont plus équipés et plus connectés que les adultes, et que les familles avec enfants le sont plus que les familles sans enfants ou les personnes seules 1. Ce sur-équipement indique que la présence des enfants intervient fortement dans les décisions d'acquisition. Nous savons qu'il s'agit d'un processus complexe, dans lequel jouent à la fois le désir des enfants pour des outils ludiques et émancipateurs, mais aussi la volonté des parents de les soutenir dans leur parcours scolaire et social (Le Douarin, 2007). Il existe également une réelle différence entre les pratiques numériques des jeunes actuels et ceux des générations précédentes (Gire, Pasquier, & Granjon, 2008). Les données quantitatives indiquent chez les adolescents de très fort taux d'usage d'internet, le plus souvent à domicile, pour naviguer sur Internet, utiliser la messagerie instantanée, consulter les blogs ou leur mail, ou encore pour télécharger du contenu multimédia (Eurobarometer, 2006). Ces données témoignent en réalité deux caractéristiques distinctes des usages numériques des adolescents. La première caractéristique est que les nouvelles technologies jouent un rôle important dans les pratiques culturelles des adolescents, notamment dans l'accès aux produits culturels : l'ordinateur et Internet, permettant de télécharger, ou de visionner un clip vidéo sur YouTube, de récupérer légalement ou non des titres musicaux pour un baladeur MP3, sont nécessaires pour « consommer » la culture jeune. Mais ces pratiques définissent également un nouvelle forme culturelle adolescente, c'est à dire un ensemble de valeurs, de connaissance et de croyances partagées. La culture numérique adolescente peut se définir comme l'ensemble de ces valeurs, connaissances et croyances, partagée dans les communautés « jeunes », et qui demeurent assez incompréhensibles aux adultes. La culture numérique adolescente constitue donc le fond commun de connaissances sociales nécessaire aux communications et interactions dans l'univers numérique, depuis la capacité à décrypter ou s'exprimer en langage SMS, jusqu'à la capacité de savoir s'il faut ou non répondre à tel article sur le blog d'un ami, s'il est préférable d'exprimer une opinion ou donner une information sur un blog, par messagerie instantanée ou par téléphone. Cette culture numérique adolescente peu sembler « aller de soi » tant les adolescents semblent jongler aisément avec les dispositifs techniques. Pourtant, l'entrée dans le monde adolescent n'est pas sans poser problème. Des sociologues comme (De Singly, 2006) ont étudié les étapes et détours du processus d'individualisation qui caractérise le passage à l'adolescence. De la même manière, l'usage des outils de communication numériques tout à la fois permettent et révèlent ces évolutions. Nous allons, dans ce texte, nous arrêter plus particulièrement sur 4 points. Tout d'abord, nous allons montrer que l'usage des outils numériques ne suit nullement une croissance continue, mais épouse au contraire les besoins variables de communication des adolescents. Nous allons examiner ensuite la manière dont les usages adolescents des outils de communication sur Internet reconfigurent l'identité adolescente, c'est à dire la manière même de se définir en tant qu'adolescent et individu. Dans un troisième temps, nous allons revenir sur la question des inégalités dans les usages et nous interroger sur les formes de transmission ou de reproduction qui peuvent avoir lieu dans des 1 Ce texte reprend en partie des analyses déjà publiées à diverses reprises, notamment dans (Fluckiger, 2009; Fluckiger & Lelong, 2008). Il s'appuie à la fois sur nos travaux de thèse (Fluckiger, 2007) et des travaux récents sur la question.