Bien que je n’aie jamais été aussi sauvage, grossier et mal élevé que vous dans les conversations et les disputes, sachez qu’il m’est arrivé, jadis, d’être tout aussi ignorant
Résumé
Mon hypothèse consiste à affirmer que la polémique chez Giordano Bruno (1548-1600) n’est jamais contingente. Elle est plutôt la manière dont la pensée s’exprime. J’entends ainsi affirmer que toute sa philosophie est une philosophie de combat. Pour étayer cette thèse, je me concentre sur le Souper des Cendres, un dialogue dans lequel Bruno, en 1584, expose et défend les positions de Copernic. C’est parce qu’il embrasse une nouvelle théorie que Bruno, tout comme Galilée peu de temps après, doit descendre dans l’« agôn ». En effet, l’héliocentrisme secoue toute l’architecture traditionnelle de la culture (et de la société), surtout dans l’interprétation qu’en offre ce dialogue. Bruno n’abolit pas seulement la centralité de la Terre, mais aussi celle de n’importe quel corps. La théorie de Copernic, selon Bruno, entraîne l’éclatement de l’univers : tout point devient un centre, l’univers est infini et multiple. Or, la polémique avec le système de pensée du passé (incarné par deux personnages ridicules et violents du dialogue) ne présuppose aucun échange. Le dialogue, chez Bruno, et chez Galilée, n’est pas la mise en scène d’une confrontation dialectique, mais l’occasion parfois de ridiculiser, voire d’invectiver, ses adversaires, afin d’affirmer la supériorité des nouvelles vérités. Plus précisément, on verra que le dialogue de Bruno, à la différence de ce qui se passe chez Galilée, ne lui permet pas de constituer une communauté intellectuelle d’amis. Bruno demeure un solitaire et son dialogue prend acte de l’impossibilité de la communication.
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